Coup d’État sur fond de crise humanitaire en RCA

 

Inondations en RCA

 

BANGUI, 26 mars 2013 (IRIN news) - C’est dans un contexte marqué par l’aggravation des conditions humanitaires dans de nombreuses régions du pays que survient le coup d’État du week-end dernier en République centrafricaine (RCA). L’accès aux populations affectées est par ailleurs sévèrement limité.

Les rebelles de la Séléka se sont emparés de la capitale, Bangui, le 24 mars, forçant le président François Bozizé à fuir et nommant Michel Djotodia à la tête de l’État.

« L’évaluation des besoins s’annonce difficile : tous les bureaux et la plupart des magasins ont en effet été pillés. Bangui n’a ni électricité ni eau. Nous devons rétablir la sécurité et faire cesser les pillages », a dit à IRIN Amy Martin, qui dirige la branche du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) de Bangui, le 25 mars.

Le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a condamné « la prise de pouvoir anticonstitutionnelle » et appelé au « rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel ».

« La majeure partie du personnel des Nations Unies et des ONG se trouve dans l’enceinte des Nations Unies. On nous demande d’évacuer le personnel considéré comme non essentiel, car la sécurité n’est pas rétablie, les pillages se poursuivent et on entend des tirs sporadiques dans les rues », a dit Mme Martin.

Quelques jours avant le coup d’État, Mme Martin avait dit à IRIN : « L’environnement politique et sécuritaire se détériore, car les accords de Libreville [un accord de paix signé le 11 janvier] ne sont pas appliqués. »

« Les conditions de l’accord ne sont respectées par aucun des deux camps : la libération de prisonniers [par le gouvernement], le cantonnement des troupes de la Séléka, etc. Selon certaines rumeurs, d’autres anciens groupes rebelles auraient l’intention de se joindre à la coalition de la Séléka. Tout demeure très incertain et imprévisible », a-t-elle dit.

« Le bilan de la RCA n’était pas particulièrement bon, même en temps normal, mais il est bien pire aujourd’hui »

 

Le 20 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a condamné les attaques menées par la Séléka à Bangassou et dans les environs « et la menace d’une reprise des hostilités ».

 

« La Séléka contrôle désormais les trois quarts du pays », avait dit Margaret Vogt, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RCA, quelques jours avant la prise de Bangui. Elle avait ajouté que des membres dissidents du gouvernement d’unité nationale – dont la formation était prévue dans l’accord de paix de janvier – avaient décidé de se retirer du gouvernement et de « retourner dans le bush ».

Les rebelles avaient par ailleurs lancé un ultimatum et menacé de reprendre les combats si leurs conditions, notamment la libération de prisonniers politiques et le retrait des soldats étrangers, n’étaient pas respectées.

 

Accès humanitaire limité

 

Le 12 mars, les rebelles ont pris la ville de Bangassou en violation de l’accord de paix signé au mois de janvier. L’accès des travailleurs humanitaires aux populations ayant besoin d’aide s’en est trouvé encore plus restreint.

 

« Bangassou était un point de transit important pour l’accès des acteurs humanitaires au sud-est du pays. La prise de la ville, située dans le sud de la RCA, isole encore davantage quelque 300 000 personnes qui souffrent déjà depuis six ans des attaques de l’Armée de résistance du Seigneur [Lord’s Resistance Army ou LRA, un groupe de rebelles ougandais]. Depuis le début de la crise, en décembre, l’accès humanitaire est limité à environ 33 pour cent des zones contrôlées par la Séléka », a indiqué l’OCHA dans un communiqué de presse publié le 12 mars, ajoutant que la coalition des rebelles exerce désormais son emprise sur un immense territoire où vivent plus de 1,5 million de personnes, ou 34 pour cent de la population du pays.

 

Le 15 mars, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a averti que « la reprise des combats en RCA constituait une menace pour la population civile du sud-est du pays et compromettait l’accès du HCR aux réfugiés et aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) ».

 

« Comme c’est toujours le cas dans ce genre de situation, la crise humanitaire ne peut que se poursuivre et s’aggraver tant qu’il n’y a pas cessation totale des hostilités », a dit à IRIN Pazougou Fulgence, sociologue à l’université de Bangui.

 

Selon Mme Martin, de l’OCHA, le maintien de l’accès humanitaire est un défi de tous les instants : « L’insécurité empêche les gens de circuler librement et limite les déplacements entre les principales villes. Le pillage des bureaux et des équipements des organisations et les vols de véhicules ont entravé les opérations humanitaires sur le terrain. La protection dont bénéficient les civils contre le harcèlement et les autres exactions est faible, ce qui limite leur liberté de mouvement », a-t-elle dit

 

« La saison des pluies qui approche à grands pas et la médiocrité des infrastructures routières risquent de rendre [l’accès] encore plus difficile, en particulier dans les régions les plus isolées du sud-est et du nord-est du pays. »

 

Dernière d’une série de crises

 

L’offensive de la Séléka, qui a débuté le 10 décembre 2012, est à l’origine de la dernière d’une série de crises en RCA. Elle a entraîné un accroissement des besoins des civils en matière de protection et une aggravation du risque d’insécurité alimentaire.

 

Des dizaines de milliers de Centrafricains avaient déjà besoin d’une aide humanitaire en raison des crises précédentes, en particulier dans l’est du pays. Selon Kaarina Immonen, représentante spéciale adjointe des Nations Unies en RCA, ces crises sont le résultat d’une multitude de facteurs, incluant « le récent conflit, les attaques commises par des groupes armés inconnus ou incontrôlés, les violences perpétrées par la LRA de Joseph Kony et le banditisme dans certaines régions du pays ».

 

Selon le premier ministre centrafricain Nicolas Thiangaye, les crises ont entraîné un accroissement du nombre de personnes en difficulté, de leur niveau de besoin et du coût des interventions supplémentaires. « Les civils sont désormais victimes de graves violations des droits de l’homme : meurtres, viols, pillages et vols », a-t-il dit.

 

Selon l’OCHA, l’offensive de la Séléka avait, en date du 12 mars, entraîné le déplacement à l’intérieur du pays de quelque 175 000 personnes. Au moins 29 000 civils avaient trouvé refuge en République démocratique du Congo (RDC) et environ 5 000 au Tchad voisin. On estimait par ailleurs à 166 000 le nombre d’enfants qui avaient cessé de fréquenter l’école. On peut supposer que ces chiffres ont augmenté depuis la prise de Bangui.

 

Interrogée au sujet des conséquences des crises actuelles en RCA, Mme Vogt, la représentante spéciale, a dit : « Le bilan de la RCA n’était pas particulièrement bon, même en temps normal, mais il est bien pire aujourd’hui. »