16 avril 2013 - "CENTRAFRIQUE : LA PESTE CHASSANT LE
CHOLÉRA" par Marcel Diki-Kidiri,
Conseiller Spécial pour le Collectif des
Oubanguiens
CENTRAFRIQUE :
LA PESTE
CHASSANT LE CHOLÉRA
Devant l’insupportable
accélération des massacres à Bangui et dans les villes de province
centrafricaines, le Collectif des Oubanguiens se déclare solidaire de toutes les
victimes et présente ses condoléances et sa compassion à toutes les familles
éprouvées ainsi qu’au petit peuple centrafricain en souffrance qui se demande
pourquoi tout ce malheur leur arrive ! C’est pour les aider à comprendre et
aussi pour leur donner quelque raison d’espérer que le Collectif des Oubanguiens
leur livre cette analyse et les présents documents.
Après dix ans d’un régime
dictatorial et cynique responsable de nombreux assassinats, d’exactions en tous
genres, de détournement massif des deniers publics et surtout de la
paupérisation avancée du pays, le petit peuple centrafricain avait approuvé la
chute de Bozizé sans se douter du grave danger que représentait pour lui la main
mise de la
Séléka sur son pays. Le pire était à venir ! Les faits
sont implacables et ont bien plus de poids que les promesses politiques.
Alors quels sont les faits ?
Fait n°1) - LA LETTRE DE DJOTODIA à la Conférence
Islamique de Djeddah (Arabie Saoudite) en avril 2012.
Dans cette lettre, Djotodia expose
clairement ses projets politiques, à savoir :
1.
Créer un Etat islamique pour les Musulmans d’Afrique Centrale, soit en
s’emparant de la République Centrafricaine, soit en créant un
territoire autonome avec le Darfour, le nord de la RCA et le sud-est du Tcahd. (On
sait aujourd’hui que c’est la première option qui l’a
emporté) !
2.
Instaurer la charia à la place de la constitution, et établir comme fêtes
nationales les fêtes religieuses de l’Islam.
3.
Faire une place plus importante aux musulmans dans l’appareil d’Etat et dans le
pays.
4.
Aider ses frères musulmans à renverser le Président Idris Déby.
Fait n°2) _La profanation et le
pillage des églises chrétiennes : une discrimination religieuse programmée
et imposée.
Comme cette lettre était adressée
à la
Conférence islamique pour obtenir de l’aide, Djotodia insiste
lourdement sur une opposition chrétiens-musulmans, comme si, en Centrafrique
comme au Tchad, tout ce qui n’est pas musulman est chrétien, et tout ce qui est
chrétien est antimusulman ! Quiconque a vécu en Centrafrique sait qu’il n’y
a jamais eu d’agressions contre les communautés musulmanes, au motif de la
religion, de la part de la population majoritairement chrétienne de
Centrafrique ! Dans une même famille, on trouve aussi bien des musulmans
que des chrétiens de diverses obédiences (catholique,protestante, témoin de
Jéhovah, kibanguiste, etc.), chacun pratiquant librement sa religion en
toute quiétude !
Le fait que la Séléka a détruit ou pillé
systématiquement les églises chrétiennes et commis des exactions brutales et
humiliantes sur la personne de prêtres et évêques chrétiens, était donc
prémédité et planifié par Djotodia. La guerre des religions que nous n’avons
jamais connue, ni voulue, ni choisie nous sera bel et bien imposée par Djotodia.
Nous disons à nos compatriotes musulmans que nous ne tomberons pas dans le piège
de la guerre des religions de Djotodia.
Fait n°3) - Une islamisation
agressive préméditée, programmée et déjà commencée par la destruction des
archives d’Etat-civil.
Partout où elle passait,
la Séléka a
systématiquement détruit les mairies et les archives d’état-civil.
Pourquoi ? En lisant la lettre de Djotodia, on comprend qu’il avait prévu
de faire venir en Centrafrique de nombreux « frères musulmans » du
Tchad et du Darfour à qui il distribuera des pièces d’identité centrafricaines.
Ainsi, le pourcentage des musulmans qui, selon Djotodia, est seulement de
3% en RCA (12% si on y ajoute le Tchad), sera bien plus élevé au moment
des élections à venir. Sans archives d’état-civil, il sera quasiment impossible
de prouver que telle ou telle personne est ou n’est pas Centrafricain. La fraude
électorale commence déjà dès avant le recensement de la population.
Fait n° 4) – L’abolition de la
constitution centrafricaine pour faire la place à la charia.
La
Constitution centrafricaine du 27 décembre
2004, est excellente aux yeux des Centrafricains et de tous les Démocrates.
C’est pourquoi, elle a été âprement défendue par les Centrafricains (notamment
le Collectif « Touche pas à ma constitution ») lorsque Bozizé a voulu
la modifier afin de pouvoir se représenter une troisième fois aux élections
présidentielles. Voilà qu’à peine arrivé, Djotodia s’empresse de
l’abolir ! Pourquoi ? Pour pouvoir la remplacer par la
charia lorsqu’il s’agira de proposer une nouvelle constitution à la RCA. Pour donner une
allure démocratique à son projet, Djotodia entend faire adopter la charia par
référendum. Un peuple terrorisé acceptera tout ce que vous voulez. Les
viols, les vols, les pillages, les tueries, les multiples exactions qui
perdurent encore aujourd’hui n’ont pas d’autres buts que de terroriser la
population afin que celle-ci ait tellement peur qu’elle ne puisse pas refuser
quoi que ce soit à Djotodia ! Le Conseil National de la Transition n’a pu faire
autrement que d’habiller d’un semblant de légitimité le désormais
« élu » président de la République pour la Transition.
Fait n° 5) Les promesses de
Djotodia n’engagent que ceux qui y croient.
Dans sa lettre, Djotodia reconnait
qu’il « a fait le malin »(sic) en signant les accords de Libreville.
Aujourd’hui, fait-il encore le malin en déclarant à Louis Michel, envoyé spécial
de l’OIF, qu’il ne se présenterait pas aux élections présidentielles prévues
pour la fin de la transition dans dix-huit mois au plus tard ? Il convient
de rappeler que tous les putschistes centrafricains ont promis « remettre
le pouvoir » dans les six mois et qu’ils sont restés accrochés au pouvoir
pendant au moins dix ans (Bokassa 1966-1979, Kolingba 1982-1993, Bozizé
2003-2013)! Alors on verra bien si Djotodia est le nouveau Toumani Touré de
Centrafrique !
Djotodia a déclaré par ailleurs
qu’il entend faire de la
RCA un Etat laïc où chacun pourra pratiquer sa religion
en toute liberté ! Cette promesse est en totale contradiction avec
les gestes posés jusqu’ici qui vont dans le sens d’une islamisation accélérée de
la RCA
conformément à son projet politique exposé dans sa lettre à la Conférence islamique de
2012. C’est pourquoi, ceux qui s’imaginent que Djotodia va vraiment faire
de la RCA un Etat
laïc respectueux de toutes les religions font l’autruche seront les dindons de
la farce ! En réalité, Djotodia fera encore « le malin » jusqu’à
ce qu’il soit totalement et pleinement reconnu par la Communauté
Internationale, passage obligé pour recevoir tout l’aide
dont il aura besoin pour asseoir sa vraie politique.
Le peuple centrafricain qui est un
peuple pacifique ne veut pas de guerre civile, mais il sera obligé de courber
l’échine et de faire la queue pour aller à l’abattoir ! Il y a cent ans,
les Oubanguiens Bale Ngbake de Bambari et Kalinou de Berbérati se sont alliés
pour déclencher ce que les historiens ont appelé la guerre de
« Kongowara » (manche de houe). Les Oubanguiens, réduits en esclavage
par les compagnies concessionnaires à qui la France avait livré le pays, n’ont eu d’autres
choix que de se révolter avec les manches de houe pour seuls armes contre des
gens armés de fusils. Leur lutte inégale et dérisoire a cependant obligé
la France à
mettre fin au pouvoir des compagnies concessionnaires et à administrer
directement ses colonies. Et c’est ainsi que le territoire de l’Oubangui-Chari a
reçu le gouverneur Félix Eboué de Guyane pour l’administrer et apporter un peu
plus d’ordre et d’humanité dans la gestion du pays ! Cette histoire qui est
notre histoire et notre patrimoine centrafricain doit nous inspirer ! Nous
devons organiser la résistance et rejeter toutes formes d’oppression. Et puisque
nous n’avons que notre plume comme arme, nous devons faire savoir partout notre
souffrance et notre indignation devant le plan machiavélique de Djotodia et
l’intolérable oppression de la
Séléka.
Fait n°6) – Le Conseil National de
la
Transition.
Le Conseil National de Transition
est un organe imposé à Djotodia par la Communauté internationale. Il aurait pu être une
émanation véritable du peuple si une Conférence nationale souveraine avait voté
ses membres. Djotodia a encore « fait le malin » en faisant semblant
d’accepter les exigences de la Communauté internationale. Il s’est empressé de
mettre sur pied un CST truffé de ses partisans. Il a fallu la résistance
farouche de la Société
Civile et de la Diaspora, le 10 avril dernier, pour qu’il jette du
lest et accepte un CNT de 105 membres, une côte mal taillée qui comprend de
vrais élus du côté de la
Société Civile et de la Diaspora et des personnes nommées par le régime.
Par respect pour les élus membres du CNT, nous pouvons reconnaître que cet
organe est une avancée positive vers la démocratie. Mais le contexte dans lequel
il est contraint de travailler lui enlève toute liberté de manœuvre, en raison
de l’omniprésence oppressante de la Séléka. Le CNT ne peut pas faire autrement que
d’accéder aux quatre volontés de Djotodia. Sans surprise, il l’a acclamé
président de la
République sans vote. Et bientôt, si rien n’est fait, il
acclamera aussi l’instauration de la charia comme nouvelle constitution
centrafricaine !
Notre Appel à la Communauté
internationale.
Nous présentons nos compliments et
rendons hommage à la
Communauté internationale (CEEAC, UA, UE, France et Etats-Unis)
qui a refusé de reconnaître un président autoproclamé. Nous espérons que
la sagesse, la clairvoyance et la vigilance dont elle a fait preuve l’amèneront
à ne pas s’empresser de reconnaître le président prétendument
« élu » d’un régime de terreur qui inflige à la population civile tant
de souffrances gratuites ! En contrepartie de la reconnaissance
internationale, il faut exiger une véritable avancée démocratique dans le pays
manifestée par le retour immédiat de la sécurité protectrice des populations
civiles et la tenue d’assises nationales souveraines pour la refondation de
la République
Centrafricaine sur des bases saines.
L’acclamation de Djotodia
président par le Conseil National de Transition n’a rien d’une élection en bonne
et due forme qui serait issue d’une conférence nationale souveraine rassemblant
toutes les forces vives de la
Nation sans exclusive ni quotas où plusieurs candidats
seraient libres de se présenter! Il s’agit là d’un ajustement technique pour
répondre aux exigences de la
Communauté internationale. Nous demandons à la Communauté
internationale de ne pas se laisser abuser par cette mascarade et de soutenir
notre appel vibrant pour que :
-
1) les soldats de la
FOMAC et les soldats français présents en Centrafrique
participent à la protection immédiate de la population civile et au désarmement
de la Séléka
sur toute l’étendue du territoire, afin d’assurer un retour rapide à la
paix.
-
2) durant la transition, ces mêmes forces encadrent la reconstitution de l’armée
nationale centrafricaine sur la base de ce qui reste des Forces Armées
Centrafricaines (FACA).
-
3) une conférence nationale souveraine soit organisée afin de :
o
procéder à une élection véritablement libre et démocratique du Président de
la
République pour la transition parmi plusieurs candidats,
o
restaurer la constitution du 27 décembre 2004 et
o
mettre en place les autres institutions politiques du pays (le CNT n’étant pas
remis en cause) en vue de la préparation des élections présidentielles dans un
an, (en 2014).
Nous exprimons notre haute
considération, notre gratitude et notre profond respect pour la Communauté
internationale impliquée dans la résolution de la crise centrafricaine.
Son soutien est déterminant pour mettre fin aux souffrances du peuple
centrafricain et lui redonner espoir !
Pour le Collectif des
Oubanguiens,
Marcel
Diki-Kidiri, Conseiller Spécial
Point de vue mis en ligne, ce jour 16 avril 2013.