Centrafrique: la population de Grimari en rage contre la force française Sangaris. Pâques à Bambari

 

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Centrafrique: la population de Grimari en rage contre la force française Sangaris

 

Par , 21/04/2014 à 10:24

 

Grimari (Centrafrique) - "On pensait que Sangaris était venue nous aider,  mais ils assassinent nos enfants". A Grimari, bourgade du centre de la Centrafrique, la population accuse la force d'interposition française d'avoir tué des civils, ce qu'elle nie, invoquant la légitime défense.

 

Des Chrétiens regardent les corps de cinq personnes tuées lors d'affrontements avec les troupes françaises de la force Sangaris à Grimari en Centrafrique le 20 avril 2014

Des Chrétiens regardent les corps de cinq personnes tuées lors d'affrontements avec les troupes françaises de la force Sangaris à Grimari en Centrafrique le 20 avril 2014. afp.com/Miguel Medina

 

L'auteur des propos est une vieille femme en pleurs. Hystérique alors que cinq cadavres sont recouverts d'une couverture à quelques mètres d'elle, elle arrache son débardeur, lève les bras au ciel, torse nu, et se met à hurler.

 

Son désespoir est à la mesure de la colère des chrétiens de Grimari. Près de 5.000 d'entre eux se terrent depuis une semaine dans la paroisse de la ville, alors que l'ex-rébellion Séléka (pro-musulmans, au pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014) et les milices anti-balaka s'affrontent, avec Sangaris comme pacificateur. Mais ils sont désormais en rage contre l'armée française.

 

Un barrage sommaire, fait de quelques bouts de bois, est destiné à empêcher Sangaris de passer, là où quelques jours plus tôt, un blindé léger français assurait justement leur protection.

 

"Ce matin, les Sangaris ont tué cinq civils, qui étaient partis chercher leurs affaires dans leurs maisons. Ils ont pris peur quand les Sangaris sont arrivés, mais ils les ont quand même tués. Sangaris Séléka !", vitupère Fabrice Kossingou, un instituteur.

 

Derrière lui, une vingtaine d'hommes se montrent très remontés. L'un d'eux hurle : "Ils ont décapité nos frères !"

 

Quelques centaines de mètres plus loin, une vingtaine d'habitants entourent cinq corps ensanglantés. Trois des cadavres, dont l'un aux yeux entrouverts, portent les gris-gris typiques des anti-balaka, censés les rendre invulnérables aux balles et aux armes blanches.

 

Ces milices composées majoritairement de chrétiens mènent depuis plusieurs mois une lutte sans merci contre l'ex-rébellion Séléka, mais aussi contre les civils musulmans. 

 

Les deux autres dépouilles ne portent aucun signe du genre. "Le premier est mon fils, l'autre son ami. Ils dormaient à la paroisse", dit Jean-Pierre Bongo, vieil homme aux bras ballants et à l'ouïe faible.

 

Pour les habitants du quartier, ces deux derniers, qui étaient "cachés sous un matelas", n'avaient rien à voir avec les anti-balaka 

 

- "Tirs de riposte" -

 

Un typhon semble avoir ravagé la petite case de terre. Des douilles jonchent le sol. Un sommier est retourné, sous lequel "il y a encore le sang, regardez !", pointe-t-il.

 

"Tout ça, ce sont des impacts de balle", affirme un voisin en montrant des trous dans une plaque de tôle et dans la façade, près de la porte d'entrée. "On n'a pas besoin de ça ici", peste un autre habitant du quartier.

 

Interrogée, l'armée française, stationnée à quelques centaines de mètres de là, présente une version complètement différente des faits.

 

"La force a fait une riposte à des tirs effectués par des anti-balaka", affirme le capitaine Daniel, aux commandes de la force dans la petite ville.

 

"Si une personne a une arme et qu'elle nous tire dessus, la riposte est immédiate. C'est de la légitime défense."

 

Et de réfuter toute idée d'accident concernant les deux civils présumés. "Ce n'est aucunement une bavure. Les armes (des anti-balaka) sont là. Il y en a pléthore", remarque-t-il.

 

Deux autres anti-balaka, reconnaissables à leurs gris-gris, ont été blessés, que l'AFP retrouve dans le centre de santé voisin. 

 

L'un, allongé sur un brancard, l'épaule gauche bandée, du carton en guise d'oreiller, respire dans une sorte de clapotis rauque. "Il a vomi du sang. On ne sait pas s'il va y rester", constate Pascal Bouclou, secouriste de la Croix-Rouge locale.

 

Le second, qui présente une blessure profonde au mollet gauche, fait semblant de dormir, mais ses yeux s'ouvrent parfois.

 

"Les Sangaris ont tué deux innocents", déplore Maxime Gbolo-Kouzou, le chef du quartier. Interrogé sur ce qu'il pense des anti-balaka, sa réponse fuse: "ils ne font rien à la population. Ils cherchent les Séléka pour en découdre avec eux. Or les Séléka font peur à la population depuis décembre 2012".

 

A la sortie de Grimari, l'AFP croise une patrouille Séléka en uniforme. Quelques kilomètres plus loin, une soixantaine d'anti-balaka, portant tous de vieilles armes, certains coiffés d'un chapeau de feuilles, avancent à la queue leu leu, le visage fermé.

Dix minutes plus tard, une demi-douzaine de véhicules de la force Sangaris rentrent à Grimari, où la nuit promet d'être longue.

 

Par  AFP - lexpress.fr 

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Centrafrique : les soldats français accusés d'avoir tué des civils

 

Publié le 21 avril2014, 13h12  leparisien.fr

 

Grimari (Centrafrique), le 20 avril 2014. Les habitants de cette ville du centre accusent les forces françaises d'avoir tué leurs «fils». Les soldats tricolores parlent eux de riposte.| (AFP/MIGUEL MEDINA)

 

Un barrage sommaire, confectionné de bric et de broc, empêche ce lundi les soldats français de passer à Grimari (Centrafrique), au nord-est de la capitale Bangui. Quelques jours plus tôt, c'est pourtant un blindé léger de l'opération Sangaris qui assurait la protection de la population. «On pensait que Sangaris était venue nous aider, mais ils assassinent nos enfants», accuse une vieille femme en pleurs.

 

Près d'elle, cinq cadavres sont recouverts d'une couverture. Selon les chrétiens de cette bourgade du centre, les forces françaises ont tué ces civils. L'armée tricolore, elle, invoque la légitime défense.

Depuis une semaine, près de 5 000 chrétiens se terrent dans la paroisse de Grimari, alors que l'ex-rébellion Séléka (pro-musulmans, au pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014) et les milices anti-balaka s'affrontent, avec la force française comme pacificateur. Mais ils sont désormais en rage contre l'armée française. Sur les cinq personnes abattues, «les Sangaris ont tué deux innocents», affirme Maxime Gbolo-Kouzou, le chef du quartier. Selon les habitants réfugiés dans la paroisse, les deux morts n'étaient pas des anti-balaka. «Le premier est mon fils, l'autre son ami. Ils dormaient à la paroisse», dit Jean-Pierre Bongo, un vieil homme aux bras ballants.


«Ce n'est pas une bavure»


L'armée française donne une version bien différente des faits. «La force a fait une riposte à des tirs effectués par des anti-balaka», assure le capitaine Daniel, aux commandes de la force française dans la petite ville. «Si une personne a une arme et qu'elle nous tire dessus, la riposte est immédiate. C'est de la légitime défense», défend-t-il. Et de réfuter toute idée d'accident concernant les deux civils présumés. «Ce n'est aucunement une bavure. Les armes (des anti-balaka) sont là. Il y en a pléthore», assure le soldat français.

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Centrafrique: pour Pâques, appel au calme dans la cathédrale de Bambari, menacée

 

AFP, 20 avril 2014 à 15:38

 

Célébrations de 
Pâques à la cathédrale Saint-Joseph à Bambari, en Centrafrique le 20 avril 2014

Célébrations de Pâques à la cathédrale Saint-Joseph à Bambari, en Centrafrique le 20 avril 2014 (Photo Miguel Medina. AFP)

 

Chants entraînants, guirlandes artisanales et boubous fleuris ... L’allégresse, de rigueur dans la cathédrale de Bambari pour Pâques, n’a pas fait oublier les menaces du quotidien en Centrafrique, le prêtre appelant au calme alors que des milices se rapprochent de cette ville du centre du pays.

 

Le bâtiment futuriste, dont la forme arrondie et pointue n’est pas sans rappeler une soucoupe volante singulièrement posée en terre africaine, était plein à craquer pour la messe dominicale.

 

Bien plus d’un millier de fidèles sont arrivés parés de leurs plus beaux atours : maillots de foot ou pagnes, parfois à l’effigie du pape ou de la vierge Marie.

 

Se détachant au milieu de la foule, un petit bonhomme, 2 ans tout au plus, le regard fixe dans son smoking noir à rayures, trois fois trop grand pour sa taille minuscule.

 

Point de cantiques psalmodiés comme dans la lointaine Europe. A Bambari, la foule chante, sourit, frappe dans ses mains, au son tropical d’une guitare, d’une basse et de percussions. De petites danseuses en robes vertes et jaunes, mouchoir fleuri à la main, roulent leurs épaules et se déhanchent en rythme devant l’autel.

 

Mais l’atmosphère paisible est trompeuse et l’abbé Thibault rappelle ses ouailles à la réalité de la Centrafrique d’aujourd’hui.

 

«Puisqu' aujourd’hui le Christ est ressuscité, il faut oublier tout ce qui s’est passé avant», lance-t-il.

«Les jeunes doivent écouter les anciens car ils ont de l’expérience. Ceux-ci doivent être des modèles (...) Que Dieu réunisse tous ses disciples, divisés pour l’instant.»

Et d’informer la foule qu'«un prêtre a été tué» vendredi. Six balles l’ont fauché alors qu’il roulait à moto dans le nord du pays, selon une source sécuritaire.

Plus d’un an après un coup d’Etat, la Centrafrique vit dans le chaos. A 300 km à l’ouest de Bangui, la capitale, Bambari, encore paisible, est menacée. Les milices anti-balaka, composées de jeunes chrétiens, affrontent l’ex-rébellion Séléka, pro-musulmane, à Grimari, à 80 km des portes de la ville. Les pertes civiles sont lourdes.

- «On ne veut pas la guerre» -

Les anti-balaka disent venger les chrétiens des sévices que leur ont infligés les Séléka quand ils étaient au pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014, mais ils commettent à leur tour des atrocités.

Chrétiens et surtout musulmans craignent que ces combats, transposés au coeur de Bambari, n’apporte leur cortège de pillages, de destructions, de morts, toutes communautés confondues.

«Maintenant, les musulmans disent que si les anti-balaka viennent leur faire du mal, ils vont se retourner contre les chrétiens pour rendre les coups», s’inquiète à la sortie du culte Camille Pandjikoro, un cultivateur de 53 ans, au col de chemise rapé.

«On ne veut pas la guerre, on ne veut pas de mal», observe sa soeur Madeleine Nguéréthanga, ménagère de 50 ans, engoncée dans un joli boubou bleu. Ses enfants, âgés d’une vingtaine d’année, sont interdits de sortie. «On leur ordonne de rester à la maison pour ne pas qu’ils créent des problèmes.»

Mathias René Mati, agriculteur de 44 ans, demande aux jeunes de «ne pas réagir comme ceux de Bangui par rapport aux musulmans», afin d’éviter les tueries qui ont fait des centaines de morts, peut-être des milliers, dans la capitale.

«Il n’y a pas de problème chez les vieux», musulmans comme catholiques, affirme-t-il. «C’est plutôt chez les jeunes» que le bât blesse, d’où de fréquentes réunions pour calmer les esprits, ajoute l’homme, le cou ceint d’un foulard rouge.

Fin de la messe, les mères d’enfants gesticulant ou endormis sur leur épaule quittent la cathédrale, juste derrière les pères, que précède la croix portée par les enfants de choeur.

Une jeep de Sangaris, la force d’interposition française en Centrafrique, passe devant le bâtiment, saluée par une myriade d’enfants bondissants. Comme pour rappeler qu’après cette trêve de Pâques, la dure réalité reprend ses droits à Bambari.

AFP - liberation.fr