Centrafrique : « ils doivent tous
partir ou mourir ». Un rapport d'enquête FIDH-IMG rendu public le 24 juin 2014
conclut, "Des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été perpétrés
en République centrafricaine"
Rapport d'enquête FIDH-IMG rendu
public le 24 juin 2014 conclut, "Des crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité ont été perpétrés en République centrafricaine (RCA) et continuent de
l’être crimes contre l'humanité en réponse aux crimes de
guerre"
« C’est un conflit politico-ethnique pour le contrôle du pouvoir qui a progressivement pris une dimension religieuse. Ceux qui donnent les ordres aujourd’hui sont en train de se rendre responsables d’une épuration et de commettre des crimes internationaux dont ils devront rendre compte » a déclaré Me Mathias Morouba, vice-président de l’OCDH.
Le
rapport, intitulé « Ils doivent tous partir ou mourir », dénonce
également un conflit qui prend ses sources dans l’impunité des crimes du passé,
en raison de l’incapacité des justices nationale et internationale à juger les
plus hauts responsables de ces crimes et qui sont ainsi aujourd’hui au cœur du
conflit actuel.
Depuis
le 5 décembre 2013 et leur offensive sur la capitale Bangui, les anti-balaka
attaquent systématiquement les civils, en particulier musulmans. Plus d’une
vingtaine d’enclaves regroupant entre 15 000 et 20 000 musulmans sont
actuellement assiégées par les milices anti-balaka qui ont profité du repli
stratégique des ex-Séléka dans le nord et l’est du pays, où ces derniers
continuent de perpétrer des violations graves des droits humains et des crimes
internationaux.
Parmi
les Séléka, les responsabilités présumées de l’ex-président Michel Djotodia, de
son chef des renseignements, Noureddine Adam ou encore du chef de milice
soudanais Janjawid, le général Moussa Assimeh semblent établies au regard des
éléments réunis dans le rapport. La présence parmi les Séléka d’Abdoulaye
Miskine, de son vrai nom Martin Koumtamadji, ancien chef de la garde
présidentielle sous le régime du président Ange-Félix Patassé et responsable
présumé du massacre du marché à bétail de PK12 à Bangui en 2002, démontre à quel
point le conflit actuel en Centrafrique est aussi un « conflit de
l’impunité ».
Du côté
des anti-balaka, les enquêtes menées ont permis d’établir la présence et
l’activisme de très nombreux officiers des Forces armées centrafricaines (FACA)
et des personnalités proches du président déchu, François Bozizé. Les
instructions données, les revendications énoncées et les actions menées par les
anti-balaka visent pour la plupart à provoquer un chaos sécuritaire, humanitaire
et politique afin de faciliter le retour de l’ancien président sur la scène
politique centrafricaine sous le prétexte de « moi ou le chaos ».
« La
communauté internationale doit soutenir les forces africaines, françaises et
bientôt onusiennes pour mettre un terme à ces crimes, protéger la population
civile et traduire en justice les responsables de ces crimes »
a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.
En mai
2014, des sanctions ont été prises par le Conseil de sécurité des Nations unies
et le président des États-Unis, contre cinq individus, notamment l’ex-président
François Bozizé, le coordinateur des milices anti-balaka, Levy Yakété, et le
numéro deux de l’ex-coalition rebelle Séléka, Noureddine Adam. La FIDH, la LCDH
et l’OCDH avaient d’ailleurs préalablement présenté aux représentants de la
communauté internationale le résultat de leurs enquêtes en avril 2014. Selon le
porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, ces sanctions sont un
« message fort que l’impunité ne sera pas tolérée et que ceux
qui menacent la stabilité de la République centrafricaine devront faire face à
des conséquences ». « Nous exhortons toutes
les parties à mettre fin aux violences, à faire en sorte que justice soit rendue
et que ceux qui ont commis des violations des droits humains rendent des
comptes », a-t-il ajouté. Pour la FIDH, la LCDH et l’OCDH ces
sanctions doivent être étendues à d’autres personnalités et être endossées par
d’autres États ainsi que par l’Union européenne.
« Les
groupes armés, Séléka ou anti-balaka, reçoivent des instructions, de l’argent et
des soutiens pour mener cette politique du chaos et ériger les communautés les
unes contre les autres. La justice nationale et internationale doit cibler les
auteurs des crimes commis mais surtout doit mettre hors d’état de nuire les
responsables qui donnent les ordres » a déclaré Joseph
Bindoumi, président de la LCDH.
Nos
organisations se félicitent par ailleurs de l’adoption le 9 avril 2014 d’un
décret présidentiel créant la CSEI, que nos organisations avaient proposée en
février 2014. Celle-ci doit, avec le soutien de la communauté
internationale, enquêter sur les exactions en cours, établir les responsabilités
des auteurs et responsables des crimes internationaux commis et instruire les
procédures criminelles permettant d’arrêter les responsables des groupes armés
qui sont encore actifs.
« La
création d’une Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (CSEI) en
Centrafrique est un signe positif des autorités de la transition en faveur de la
lutte contre l’impunité. La communauté internationale doit maintenant aider les
autorités à rendre la CSEI pleinement opérationnelle afin d’enquêter sur les
crimes et poursuivre leurs auteurs présumés de façon complémentaire avec
l’action de la CPI » a déclaré Me Patrick Baudouin,
responsable du Groupe d’action judiciaire (GAJ) et président d’honneur de la
FIDH.
La mise
en place de la CSEI ne constitue en rien un obstacle pour la Cour pénale
internationale (CPI) à ouvrir une enquête sur les crimes perpétrés en
Centrafrique et qui relèvent sans aucun doute de sa compétence. Le gouvernement
centrafricain a d’ailleurs saisi officiellement la CPI le 12 juin dernier, sur
les crimes commis en RCA depuis le 1er août 2012, estimant ne pas avoir la
capacité de poursuivre les plus hauts responsables. Cette décision, recommandée
de longue date par nos organisations, est une première étape importante. La
Procureure doit maintenant ouvrir le plus rapidement possible une enquête sur
les crimes graves commis en RCA.
« Le besoin
de justice est tel en Centrafrique que la justice nationale et la CPI ne seront
pas de trop pour juger tous les auteurs et responsables de ces
crimes » a déclaré Me Drissa Traoré, vice-président de la
FIDH.
Rappel
des faits :
Lire le rapport de la FDH Centrafrique : « ils doivent tous partir ou mourir ». Voir autre lien ci-dessous :
http://www.fidh.org/IMG/pdf/rapport_rca_2014-fr-ld.pdf