CENTRAFRIQUE: EVITER LE DEMEMBREMENT

 

Par Joseph Akouissonne - 4 déc. 2016

L’incompétence chronique des dirigeants successifs. Mis en place et défait par la France. La convoitise des pays voisins et des puissances occidentales. Les pays du Golf qui voudraient bien, mettre la main sur les matières premières du pays. Explique en partie, le chaos sanglant et récurent de la Centrafrique...

 

UNE CATASTROPHE ANNONCÉE

          Menacée dans sa souveraineté par les ex-Séléka et des bandes armées disparates, la République Centrafricaine n’en finit pas de sombrer dans les abysses. Les violences sur les populations sont quasi-quotidiennes. Le pillage des mines de diamant, d’or et d’autres matières premières est organisé et contrôlé par les envahisseurs et leurs mercenaires, ce qui leur permet de s’équiper en armes et en munitions. Est-il besoin de rappeler ce cruel constat ? Les  bandes armées sont mieux équipées que les Forces Armées Centrafricaines, sur lesquelles pèse toujours l’insupportable embargo décrété par l’O.N.U.

          Par ailleurs, les échanges avec le Soudan et le Tchad, pays limitrophes à majorité musulmane, permettent aux séditieux de l’ex-Séléka de renforcer leur autonomie et de narguer le pouvoir légitime.

          Faustin-Archange Touadera se retrouve ainsi à la tête d’un pays en faillite,  économiquement et militairement.

          Depuis l’indépendance de la République Centrafricaine, on a l’impression que le pays des Bantous a été couvé par de mauvaises Fées. La France, ex-puissance coloniale est devenue l’ordonnateur tutélaire de la vie politique en Centrafrique. Faisant et défaisant les rois à l’aune de ses propres intérêts. Favorisant, jusqu’à présent, l’émergence de dirigeants de pacotille aux compétences aléatoires, dépourvus de tout sens patriotique, cupides et prédateurs, enclins à confondre les deniers de l’Etat avec leur porte-monnaie.

          La terrible et insupportable situation de chaos, que vit la Centrafrique aujourd’hui, est corollaire de ces hasardeuses et calamiteuses gouvernances.

 

UN EXAMEN DE CONSCIENCE POUR TOUS LES CENTRAFRICAINS

          On peut, sans crainte de se tromper, dire que la République Centrafricaine est tricéphale et pyramidale.

Tout en haut de la pyramide, les élites et les dirigeants, dont l’appétence à l’argent n’est plus à démontrer et qui, volontiers arrogants et méprisants envers leurs concitoyens démunis, semblent uniquement préoccupés par leur enrichissement. C’est d’abord à eux que s’impose l’examen de conscience souhaité, car ils sont en grande partie responsables des calamités sociales qui assaillent leur pays.

Au milieu de la pyramide, une classe moyenne aux abois. Elle se constitue de fonctionnaires et d’employés précarisés par le versement irrégulier de leurs salaires, obligés de monnayer leurs missions pour survivre, abandonnant une administration à la renverse pour quêter leur pitance en se livrant à l’économie informelle. 

Tout en bas de la pyramide, le peuple en errance, à la merci des prédateurs et des mercenaires étrangers, ne sachant plus à quels saints se vouer. Dans les provinces, occupées par les bandes armées, l’administration n’est plus contrôlée par le pouvoir légitime. Préfets et sous-préfets sont contraints de se soumettre aux diktats des hors-la loi. Pour certains maires de provinces, c’est une question de vie ou de mort. Ils doivent obtempérer aux ordres des séditieux. Les paysans, terrorisés et violentés abandonnent leur champ pour se réfugier dans les profondeurs des forêts. Les cultures sont abandonnées. La famine guette.

C’est pourquoi il est urgent de se pencher tous ensemble sur les tares qui gangrènent la République Centrafricaine et faire ce qui est nécessaire pour y mettre fin. Il y faut du courage politique et du patriotisme.

 

LE SOUVENIR DE BARTHÉLEMY BOGANDA

          En ce 1er décembre  2016, le pays célèbre le 58ème anniversaire de son indépendance, proclamée par feu Barthélémy Boganda. Les Centrafricains devraient se réapproprier ses préceptes pour sortir de l’impasse et rebâtir la « République Centrafricaine démocratique, Une, Indivisible et Sociale » qu’il appelait de ses vœux. Il avait lancé des pistes pour redonner leur honneur aux Centrafricains en particulier et aux Africains en général. L’évolution sociale de l’homme et de la femme noirs était l’une de ses principales préoccupations. En cela, il était un visionnaire et le précurseur du regretté Thomas Sankara.

          La liesse qui a étreint les Centrafricains pendant les festivités du 58ème anniversaire de l’Indépendance ne doit pas faire oublier que le pays est en souffrance, oublié par les médias occidentaux et où chaque jour apporte son lot morbide de populations suppliciées.

 

LEVEE DE L’EMBARGO, RECONFIGURATION DU SOUTIEN  INTERNATIONAL ET UNITE DU PAYS

          Il est à craindre que les efforts légitimes du Président Faustin-Archange Touadera pour un désarmement sans contrainte n’apparaissent comme une faiblesse aux yeux des bandes armées. Jusqu’à présent, l’ex-Séléka n’y a répondu que par d’odieux massacres.

          Est-ce qu’il ne faudrait pas, dans ces conditions, que la France reconsidère la réduction de son soutien ? La force Sangaris n’a-t-elle pas quitté trop tôt un territoire en souffrance ? L’O.N.U. ne devrait-elle pas lever l’embargo sur les armes et donner à ses troupes des missions de défense du territoire et de la libération des régions occupées par les ex-Sélékas ?

          L’illusion de paix surgie des festivités ne doit pas faire oublier que le pays est en guerre. Cette guerre se gagnera aussi par l’unité de tous les Centrafricains.

          La savane est en flamme. Si les enfants du pays ne se mettent pas « tous ensemble » selon la maxime de feu Barthélemy Boganda, pour venir à bout de l’incendie, elle se consumera entièrement.

Toute fois, l’espoir de voir le Centrafrique se redresser demeure. Car, le chaos annonce toujours une reconstruction

A DE KITIKI (blogs.mediapart.fr)