Deux
nouveaux cardinaux, apôtres de la réconciliation nationale
par Didier
Niewiadowski – Jeune Afrique - 22 novembre 2016 à 22h12 — Mis à jour le 22 novembre 2016 à
22h13
Le
nouveau cardinal Dieudonne Nzapalainga dans les bras de Sekekh Taib,
vice-président de la Fédération des musulmans d'Italie, lors de son arrivée à la
mosquée de Rome, le 22 novembre 2016. © Gregorio
Borgia/AP/SIPA
Le
cardinal albanais, Ernest Simoni et le cardinal centrafricain, Dieudonné
Nzapalainga, nommés lors du consistoire du 19 novembre 2016, doivent leur
nomination au seul pape François.
Le
souverain pontife les avait rencontrés en se rendant dans leur pays, le 21
septembre 2014 pour l’Albanie, et les 28 et 29 novembre 2015, pour la
Centrafrique. Avec l’ancien jésuite argentin, l’Eglise catholique devient
davantage universelle, plus proche des déshérités et moins dépendante d’une
Curie romaine qui perd, peu à peu, son omnipotence. Pour le Vatican, la nouvelle
frontière est celle qui sépare l’oligarchie mondialisée, de plus en plus riche,
à une grande partie de l’humanité, de plus en plus pauvre. Pour l’Afrique, la
nomination du cardinal centrafricain constitue un encouragement supplémentaire à
la « décolonisation » des Eglises nationales.
Deux
prélats près du peuple
L’Albanais
Ernest Simoni, âgé de 88 ans, n’était pas évêque, mais simple prêtre diocésain.
Le Centrafricain Dieudonné Nzapalainga, âgé de 49
ans, n’est évêque que depuis 4 ans et n’a été ordonné prêtre qu’en 1998. Leur
parcours, accompli dans des contextes certes très différents, a néanmoins des
similitudes. Tous les deux viennent d’un milieu populaire et provincial où
l’âpreté de la vie quotidienne forge un caractère. Leur appartenance à des
Ordres religieux voués à la pauvreté et au dialogue interconfessionnel n’est pas
anodine. Ernest Simoni a d’abord été membre de l’Ordre des Frères mineurs,
appelés franciscains, avant de devenir prêtre diocésain. Dieudonné Nzapalainga
est un spiritain, c’est-à-dire membre de la Congrégation du Saint Esprit, très
présente en Afrique.
Les deux nouveaux cardinaux viennent de deux pays parmi
les plus pauvres de la planète dans lesquels les pires atteintes aux droits de
l’homme se produisent encore en toute impunité, hors des écrans
médiatiques.
Ernest
Simoni, le pacificateur indulgent
Le
cardinal Ernest Simoni appartient à la minorité catholique qui représente
environ 11 % des Albanais. Comme beaucoup d’Albanais, il a souffert de la
dictature d’Enver Hoxha. Deux fois condamné à mort, emprisonné une vingtaine
d’années et condamné aux travaux forcés dans une mine de chrome puis comme
égoutier, le nouveau cardinal a toujours manifesté de l’empathie pour ses
compatriotes et pardonné à ses bourreaux. Aujourd’hui encore, il visite
l’importante diaspora en prônant le dialogue interconfessionnel et la cohésion
sociale.
Dieudonné
Nzapalainga, le bon samaritain
Le
natif de Bangassou, région plutôt musulmane encore attachée à ses sultans, a
brûlé les étapes pour accéder au Collège cardinalice. Etudiant à Paris
(1994-1997), le jeune Centrafricain découvre la pauvreté urbaine occidentale.
Une fois ordonné prêtre, il rejoint la Fondation des apprentis d’Auteuil pour
devenir vicaire et enseignant dans les quartiers nord de Marseille (1998-2005)
où il est confronté aux problèmes d’une jeunesse déjà en révolte contre la
société qui ne leur laisse aucune place.
En
2009, de retour en Centrafrique, il doit reconstruire une Eglise décapitée avec
la réduction à l’état laïc de nombreux prêtres et de plusieurs évêques, pour
infractions aux règles de leur sacerdoce. A peine nommé évêque en mai 2012, il
se multiplie pour apporter réconfort et assistance aux innombrables déplacés et
victimes de la crise nationale qui touchent aussi bien chrétiens, musulmans et
animistes. Dieudonné Nzapalainga a pris une part décisive dans la création de la
plateforme des confessions religieuses, constituée avec l’imam Oumar Kobine
Layama, président du conseil islamique et le pasteur Nicolas Guerekoyeme,
président de l’Alliance des Eglises évangéliques, qui joue un rôle majeur dans
la réconciliation nationale.
Les
nouvelles priorités du Vatican
L’Afrique
et les conflits mondiaux constituent de nouvelles priorités pour le Vatican,
comme l’attestent les relations privilégiées avec la Centrafrique. Le Président
Faustin-Archange Touadéra n’a-t-il pas accordé sa première visite extérieure au
Pape François, qu’il a déjà rencontré trois fois en 8 mois. L’accord-cadre
signé, le 6 septembre 2016, entre la Centrafrique et le Saint-Siège pourrait
permettre à l’Eglise catholique de retrouver son influence et de développer ses
réseaux d’écoles et d’hôpitaux, notamment dans l’arrière-pays. Le cardinal
Dieudonné Nzapalainga a pris une telle dimension auprès du peuple centrafricain
qu’il devrait désormais jouer un rôle majeur dans la réconciliation nationale et
être un porte-parole exigeant des centaines de milliers de Centrafricains qui
vivent dans un total dénuement.
Didier
Niewiadowski [Universitaire et
ancien conseiller de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France
à Bangui (Centrafrique) et à celle de Praia (Cap-Vert)].
http://www.jeuneafrique.com/376511/societe/deux-nouveaux-cardinaux-apotres-de-reconciliation-nationale/