Le Président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme, Maître Nganatoua Wanfio Goungaye, est mort : témoignages et points de vue
Hommage de Jean-Pierre  REDJEKRA en mémoire de Maître GOUNGAYE 
Nganatoua Wanfiyo, militant des droits de l’Homme
Cayenne, le 29 décembre 
2008
Lors du 1er congrès ordinaire de 
Nous avions passionnément abordé les 
thèmes des instruments internationaux, régionaux et nationaux en matière de 
droits humains. Il était question de faire prévaloir les droits des gens, après 
l’alternance démocratique d’octobre 1993. L’accession au pouvoir paraissait une 
fin en soi pour certains, alors que pour nous militants des droits de l’homme, 
la vigilance était de mise. La dimension africaine ou du moins la teinture 
conceptuelle africaine des droits, avait fait l’objet de débats passionnels. 
Nous avions aussi appréhendé les réalités du terrain de notre pays en matière 
pénitentiaire, de conception par les politiques de ce que représentaient à leurs 
yeux le combat que nous menions ! 
Je me souviens comme si c’était hier 
des contributions de Me GOUNGAYE aujourd’hui disparu tragiquement de nos rangs, 
mais aussi celles du défunt Alphonse BLAGUE sur les droits des peuples, celle du 
Magistrat BIDOUMI sur la question de la preuve dans les procès s’appuyant sur 
des accusations en sorcellerie, ou encore celle du Sociologue Isaac BENGUEMALET 
sur la charte africaine des droits…
Je me souviens également quelques 
mois après de l’extrême disponibilité de Me GOUNGAYE a m’aidé en Europe, pour 
trouver les chemins d’une insertion professionnelle rapide en France, tant  dans le milieu universitaire que 
judiciaire. J’étais « le compatriote» qui le sollicitait par correspondance 
interposée, très régulièrement. J’avais droit à une réponse rédigée en bonne et 
due forme! 
Je me suis rendu à Grenoble en 1996, 
où il m’avait fait visiter avec modestie et simplicité, son cabinet, en 
collaboration avec un autre africain de nationalité tunisienne, Maître LATIF 
BOULKERTOUS ! C’est à ce moment qu’il me confia son projet de rentrer dès que 
possible au pays. C’était la bataille pour la justice et les droits de l’homme 
qui constituait sa fibre professionnelle et militante, tout le sens de sa vie. A 
vrai dire, il s’empressait de réunir les conditions matérielles à minima, avant 
de revenir s’installer en Centrafrique. 
Quelques semaines après cette 
rencontre et cette confidence, éclatait la première mutinerie. De jeunes sous 
officiers dirigeaient la révolte des casernes. Nous nous sommes naturellement 
contactés afin de prendre position et c’est à moment que j’ai dû faire les 
intermédiaires entre Me GOUNGAYE que nous pleurons aujourd’hui et Claude LENGA, 
un autre grand frère dans la lutte. Nous avions diffusé un communiqué que j’ai 
retrouvé récemment en rangeant mes archives. Dans ce document, nous condamnions 
sans ambiguïté le recours à la force, comme moyen de revendication 
sociopolitique, tout en insistant à la demande de Me GOUNGAYE sur deux choses : 
d’une part la nécessité du dialogue, et d’autre part la légitimité d’exiger d’un 
gouvernement issu des urnes, de réaliser des résultats probants pour le peuple. 
C’est le fil conducteur de l’engagement sans faille de Wanfiyo durant ses 12 
années qui s’achèvent, alors que l’Homme était dans le feu de l’action ! Celles 
et ceux qui l’on côtoyé lors du DPI pourront l’exprimer mieux que moi 
!
Dans le Collectif des Centrafricains 
en France sous la direction de Sylvain DEMANGOH, ou lorsque je fondais la 
représentation du MDI-PS en France, ou encore durant tous les soubresauts des 
deux mandats du président PATASSE et enfin dans le cadre du Manifeste pour 
l’organisation d’un Dialogue Politique Inclusif dont il fut le premier 
signataire puis le coordonnateur, nos trajectoires se sont souvent croisées, 
sans  concertation 
préalable.
La dernière fois où nous nous sommes 
vus, j’ai juste eu une demi-heure pour lui témoigné ma reconnaissance pour le 
travail de fonds qu’il avait commencé à abattre ! Wanfiyo était l’un des rares 
de la diaspora à être rentré au pays pour une action salvatrice, pour la 
promotion de la démocratie et des droits humains. Son action a été 
incontestablement positive, d’envergure et son énergie constructive 
transparaissait auprès de ses interlocuteurs. Son action doit être poursuivie, 
amplifiée, et nous devons vivre cela désormais comme un héritage philosophique 
et un engagement à prolonger. Les conditions de sa disparition interroge sur le 
devenir de la terre centrafricaine qui telle Sisyphe  dans l’antiquité grecque mangeait ses 
enfants sans s’arrêter indéfiniment… 
En septembre dernier lorsqu’il a été 
inquiété, j’ai considéré comme beaucoup d’entre vous que sa vie était en danger, 
et surtout que le combat pour la démocratie, la dignité des gens et leur 
intégrité devenait plus que d’actualité. Son implication malgré nos craintes, 
n’a pas varié d’un iota, bien au contraire ! J’ai signé le manifeste dès lors 
qu’apparaissait la nécessité du DPI, et son positionnement avant-gardiste, était 
un gage de sérieux et de crédibilité de la démarche. Me GOUNGAYE avait le souci 
lors de ce DPI de l’intérêt supérieur de la nation et semblait voire se 
parachever un long processus, dans lequel il  a pris une part conséquente, 
mesurée  et responsable, en tant que 
digne fils de ce pays !
L’Homme était tout aussi affable et 
rigoureux. Son sens de la courtoisie ne rimait pas avec la complaisance. 
Ponctuel lors de ses rendez-vous, il était respectueux de la parole donnée. 
Combien de fois n’avait-il pas payé de ses propres deniers un billet de train 
Grenoble-Paris-Grenoble, pour venir partager nos convictions, avec des 
compatriotes déchirés par le clanisme et l’esprit partisan 
!
Si son patriotisme était débordant 
et son humanisme incontestable, il était en même temps empreint d’une grande 
humilité. J’insiste sur ce dernier point car c’est quelque chose qui manque 
beaucoup parmi nous. Il avait aussi une capacité d’écoute malgré une forte 
imprégnation de ses convictions démocratiques et « droit de l’hommiste ». Il se 
désintéressait de l’apparat et du superflu…
Le moment où il nous quitte est le 
pire, car comme disait un de mes proches ayant appris sa mort : « il est parti 
parce qu’il portait en lui les valeurs et les convictions indispensables aux 
changements, aux évolutions positives ».  
Au sortir du DPI, que de compromis pour tenter d’instaurer une dynamique 
de paix et une amorce de justice, avant une future prospérité hypothétique 
bénéficiant à tous ! C’est maintenant plus qu’hier que nous avions besoin de sa 
clairvoyance et de son courage. 
Je crois comme BIRAGO DIOP que « les 
morts ne sont pas morts » et que notre compatriote, ami et frère est passé du 
côté « du souffle et des esprits des ancêtres » pour insuffler aux générations à 
venir, la justesse et l’éternité du combat, pour la réalisation et le respect 
des droits de l’Homme. Puisse notre faculté de droit et bien d’autres niveaux 
d’enseignements, consacrés davantage de temps et de place, au travail 
d’éducation aux valeurs atemporelles et universelles, que sont les droits 
humains. 
Wanfiyo ton combat restera gravé 
dans nos mémoires, dans la mémoire ! 
Courage à Euphrasie et aux enfants. 
Que notre terre te soit légère, au revoir ! 
Adieu à Goungaye Wanfiyo de  Martin Ziguélé
29 décembre 2008 
Bonjour Camarades,  
Inutile de vous dire toute la peine 
qui est la mienne depuis que j'ai appris hier la disparition tragique de mon 
frère cadet Jérémie Goungaye Wanfiyo. 
Il m'avait rejoint, ainsi que 
d'autres frères, au Petit séminaire Saint Jean de Bossangoa en 1970-1971. On 
l'appelait très affectueusement "Moineau". Quand je l'ai revu en 2001 depuis 
notre séparation en 1972, et que je l'ai appelé "Jérémie", il m'a repondu" 
Martin, tu es l'une des rares personnes à m'appeler encore Jérémie" et je lui ai 
retorqué "Parce que pour moi tu seras toujours Jérémie Wanfiyo". 
J'ai les larmes aux yeux quand je 
vois combien le destin est cruel, dur et froid avec les hommes de bonne volonté. 
On dirait que notre terre centrafricaine n'ouvre ses entrailles que pour les 
meilleurs de ses enfants. Cela a commencé avec Boganda et cela perdure. Et ce 
coup de tonnerre juste après ce DPI pour lequel il s'est tant battu! 
Dieu d'Israël, Dieu de Justice, 
jusques à quand devons nous continuer à pleurer? 
Miserere nobis! 
Jérémie, tu ne fais que nous 
précéder tous. A cause de ces hyènes qui ricanent certainement sous cape, nous 
devons continuer la lutte en ta mémoire. 
Vas, cadet, que la terre de nos 
aïeux te soit légère! 
Ton aîné 
Martin
La naissance d’un martyr, un de plus en Afrique 
(Maître Goungaye Wanfiyo)
29 décembre 
2008
Juliette Abandokwe  
Les témoignages attristés se 
multiplient parmi les centrafricains. La communauté internationale reste 
silencieuse. Le Centrafrique, et l’Afrique, sont les seuls à mesurer l’étendue 
de cette perte incommensurable. 
Maître Goungaye Wanfiyo est devenu 
un martyr en ce petit matin du 28 décembre 2008. Il s’est envolé comme un ange, 
et dorénavant son étoile brillera à jamais au firmament. Dieu, non seulement a 
eu pitié de son âme, mais l’a d’ores et déjà accueilli à ses côtés. De là où il 
est, il nous voit, et il nous entend, il sera toujours dans nos cœurs 
immensément endoloris. La disparition brutale d'un homme aussi jeune, 
compréhensif, compétent et humaniste laisse un vide qui ne pourra jamais se 
combler. C'est une grande perte pour la cause des droits de l'Homme, pour la 
justice, pour le combat démocratique que nous menons ensemble depuis 1996, pour 
Notre devoir de mémoire envers un 
homme profondément épris de Justice est dorénavant éternel. Néanmoins la 
recherche d’une vérité évidente ne devra pas masquer les véritables enjeux 
renouvelés par sa mort, soit une vraie justice enfin en Centrafrique. Les 
actions futures devront à l’avenir être menées avec d’autant plus d’énergie et 
de dynamisme à toute épreuve. 
Peu d’entre nous croient à un simple 
fait du hasard, sachant que Maître Nganatouwa Wanfiyo travaillait sans relâche 
sur la mise en lumière des crimes commis contre le peuple centrafricain depuis 
l’avènement de Patassé jusqu’à aujourd’hui. Le Hasard n’existe pas mes amis. Et 
les preuves contre les principaux commanditaires des meurtres dans le nord et le 
nord-est du Centrafrique, réunis autour du gâteau juteux représenté par le 
désormais morbide Dialogue Politique, s’accumulaient de manière exponentielle 
avec l’aide de notre Ami et Frère disparu aujourd’hui. 
C’est donc un triple meurtre qui a 
été commis, car mis à part Maître Wanfiyo, c’est la mémoire des victimes 
assassinées par une classe politique entière que nous devons pleurer 
aujourd’hui. En faisant disparaître le digne représentant de la société civile 
centrafricaine, c’est également la voix du peuple centrafricain qui a été 
condamnée au silence. 
Car personne ne pourra jamais nous 
faire croire que le fameux camion que maitre Wanfiyo a percuté, était arrêté sur 
un virage d’une route nationale par hasard. La violence du choc, tuant trois 
occupants sur quatre, montre que les circonstances de l’accident ne sont pas une 
simple collision avec « un camion mal garé dans un virage ». C’est prendre les 
gens pour des imbéciles que de disperser une telle version simplifiée des faits. 
Et même si les circonstances ne seront jamais éclaircies, nous savons dans notre 
âme et conscience que Monsieur Wanfiyo n’a été la victime que d’un simple et 
lâche meurtre, prouvant une nouvelle fois la totale absente de volonté politique 
pour le bien du peuple par le régime prédateur et sanguinaire de Bozizé. 
Tout le monde le connaissait pour sa 
droiture et son indépendance. Il n’avait pas peur des mots et n’épargnait 
personne. Le régime de Patassé n’a jamais été ménagé, et c’est pendant sa 
récolte à l’intérieur du pays des témoignages de victimes des banyamulenge de 
Jean-Pierre Bemba, allié de l’ancien président, que Wanfiyo est mort. 
Le Général-Président Bozizé n’a pas 
non plus été épargné par l’infatigable insistance du Président de 
Autour de la table du Dialogue 
politique terminé il y a une semaine, il a été le seul à se porter garant pour 
la mémoire des victimes des massacres en tout genre. Son franc-parler lui avait 
donc valu bon nombre d’ennemis, notamment au sein de la classe politique 
entourant le chef de l’Etat. 
Il disait qu’il ne se tairait 
jamais, et dans un climat de menaces répétées à son encontre, Maître Goungaye 
vivait donc une chronique de mort annoncée. Un assassinat politique, déguisé en 
accident de voiture, le matin du 28 décembre 
Un grand Homme pétri des idéaux de 
tout un peuple est tombé au champ d’honneur. Un artisan pour un véritable 
changement de la société et de la mentalité centrafricaine.  
Si nous avons là perdu très 
gravement une bataille, nous ne pouvons pas leur laisser gagner la guerre. 
Les semeurs de mort pensent qu’ils 
ne seront plus inquiétés. Ils se trompent. Puisqu’ils changent de langage, ils 
ne bénéficieront qu’à court terme de ce changement. Qui vivra verra. La lutte 
politique contre un martyr n’est pas une chose gagnée d’avance. 
Qui sème le vent, récolte la 
tempête.