Stupeur
et Emotion.
Alphonse
KENGBA, l’aîné des Bira, vénérable parmi les vénérables, dépositaire de la
mémoire et de notre culture s’est retiré hier soir à Bangui du Monde des
vivants. Il a rejoint celui de l’éternité. Il partage désormais la proximité de
nos aïeux, nous laissant tous dans le deuil.
En
attendant de connaître la date et lieu de regroupement pour la veillée, les
prières et hommages en mémoire de
l’illustre disparu, tout renseignement utile peut être recueilli notamment
auprès de :
-
Bertrand
KEMBA : 06 58 55 67 33
-
Basile
GOMA : 06 52 47 75 52
Paris
le 21 mars 2017
Jean-Bosco
PELEKET
Des
réactions affluent. Voici les
premières :
« Je
suis autant éprouvé que toute la famille KEMBA pour le décès de l'un des
derniers Patriarches de Centrafrique.
Alphonse
KEMBA, un Homme de vision et d'autorité en qui je revoyais tous nos CHEFS
TRADITIONNELS déjà Au de-là. Le Père Alphonse m'avait fait l'honneur en 2011
d’une visite paternelle à ma résidence de Bangui.
Toutes
mes Condoléances à ma Famille KEMBA. Dieu Seul pourra nous
consoler.
Avec
pincement au cœur meurtri. Emile-Gros-Raymond
NAKOMBO
C'est
avec consternation que je viens d'apprendre le décès de notre Patriarche
Alphonse KEMBA. L'une des rares Autorités traditionnelles
respectables et respectées qui fait encore la fierté de notre pays
s'en est allé. Que mon frère Bertrand et la famille KEMBA reçoivent en cette
occasion, mes condoléances les plus attristées.
Très
fraternellement, vôtre.
Maxime Balalou.
Le Patriarche et Chef Alphonse Kèngba en famille à Cabourg en France septembre 1983
Le Patriarche et Chef Alphonse Kèngba en audience au palais de justice à Béma le 9 juin 2013
Soirée
de prière et des hommages à Alphonse KENGBA
décédé
à Bangui le 20 mars 2017, intervention de JB PELEKET
Alphonse
KENGBA était le babaob, il était le parasoleil et le parapluie, bref il était la
maison commune où la famille, les Ngbandis et les Centrafricains de quelque
région qu’ils fussent et de passage à Ouango et à Béma aimaient faire escale ou
venaient faire provision sinon de bons conseils du moins de délicieux mets et,
le plus souvent, des deux à la fois.
Il
était la sommité des Ngbandi, une communauté qui a marqué de son emprunte
l’histoire et la culture des pays situés de part et d’autre du Mbomou et de
l’Oubangui. A ce titre il assurait la justice de
proximité.
Qui
était cet homme ?
Issu
du groupe Bira dont j’ai pu remonter la généalogie jusqu’au XIIIème siècle,
Alphonse KENGBA était le fils cadet de l’un des plus aguerris et des plus
respectés des chefs de terre de l’histoire de notre pays.
Formé
à la bonne école des Gbia, il succéda, à l’âge de 34 ans, au trône de son père
KENGBA Kamanguè décédé en 1954. Il reçut l’allégeance de tous les chefs des
tribus de la région et l’adoubement
du pouvoir colonial en la personne du chef de district de Ouango et du
Gouverneur de l’Oubangui-Chari.
Homme
de conviction et d’action
Alphonse
KENGBA a connu tous les régimes qui se sont succédé en terre oubanguienne et
centrafricaine :
-
colonie
française sans partage,
-
transition
lors de l’association des Oubanguiens à la gestion du patrimoine local,
-
56
ans d’indépendance nominale avec son lot de déboires et de
déceptions.
Il
a pu voir de près les politiques en situation car il était appelé en
consultation à Bangui lorsque les ministres et présidents ne faisaient pas le
déplacement jusqu’en son Palais de Béma.
L’homme
était très attaché à ses concitoyens et à son village natal. Rarement il s’en
est éloigné au-delà de 4 semaines. Il avait un sens aigu de ses responsabilités.
Trois exemples parmi tant d’autres pour illustrer mon
propos.
-
Il
passa outre l’injonction de l’administrateur colonial interdisant tout accueil
de
Barthelemy
BOGANDA, leader président du MESAN, en campagne électorale à
Ouango,
-
Sans détour, il désavoua Jean-Bedel
Bokassa dans sa politique de museler et de
circonscrire
les jeunes, les étudiants par la force brutale lors de la crise de
1979,
-
Alors
que le général-président de la République et le gouvernement Bozizé se
sont
enfuis devant l’avancée des Seleka et la prise de Bangui, il a attendu de pied
ferme à Béma les barbares et a pu, par sa présence, courage et prestance,
sauvegarder des centaines de vie humaine en 2013.
Alphonse
KENGBA n’est pas de cette catégorie d’homme ou le pouvoir pour le pouvoir est la
raison d’être. Il se considérait avant tout au service de ses concitoyens. C’est
la conception véritable que nos parents et aïeux avaient du pouvoir et de la
gestion publique.
J’ai
entendu l’homme s’étonner du peu de cas que les politiques faisaient des gens de
la campagne et de la brousse.
J’ai
entendu plus d’une fois ses épouses et les parents se plaindre qu’assurément la
réception des personnalités et des munzo-voucko revenaient bien chers au
Palais.
Alphonse
KENGBA s’est dépensé sans compter pour que sa circonscription soit dotée de
route carrossable, de structure de santé correcte pour la population et des
écoles pour les jeunes. Il a porté, inlassablement ses convictions, les
revendications de ses administrés l’égard des politiques mais aussi vis-à-vis de
nous autres munzu-vucko, qui passons le plus clair de notre temps à disserter et
à nous jauger.
Il
a su quitter le trône du pouvoir en toute lucidité, laisser la place à Bienvenue
KENGBA tout en continuant à apporter son aimable et bienveillante assistance au
nouveau Chef de Canton.
Conclusion
Voici
que le Patriarche, l’homme d’honneur s’est définitivement effacé de la scène et
du monde des vivants le 20 mars 2017. Mais chacune et chacun de nous sait qu’il
reste de tout cœur et par la pensée avec nous. Nous savons en effet que le
meilleur cimetière pour un Mort c’est le Cœur de ceux qui l’ont aimé et
continuent de l’aimer.
Alphonse
KENGBA, je l’appelais Baba mais
aussi Man en raison de double
parenté, paternelle et maternelle. Aussi je me permets de lui dire, y compris en
votre nom à tous :
Vas,
rejoins nos parents, nos aïeux et nos amis, par exemple Sœur Monique FUMERY qui
avait tant d’estime et de considération pour toi,
Que
ta route soit fleurie et belle
Nous
ne doutons pas, à l’heure qu’il est, tu es déjà accueilli par l’Eternel et pour
l’Eternité.
Meaux,
le 25 mars 2017
Jean-Bosco
PELEKET
Version en pdf: Soirée de prière et des hommages à Alphonse KENGBA décédé à Bangui le 20 mars 2017, intervention de JB PELEKET