L'EXPLOITATION FORESTIERE EN

REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE.

Le patrimoine forestier (1968)

 

Activité récente et encore modeste, l'exploitation forestière peut devenir une ressource de premier ordre pour l'économie centrafricaine, car les difficultés d'écoulement de la production, dues à la situation continentale de ce pays, sont compensées d'une certaine façon par l'exceptionnelle richesse du patrimoine forestier.

 

Le patrimoine forestier.

 

La forêt de Bangui
La forêt de Bangui « Gbazabangui ». Photo ACAP, 2011

 

La forêt dense ombrophile, qui seule donne lieu à une exploitation de caractère industriel, couvre normalement les régions recevant au moins 1500 mm. de précipitations annuelles moyennes et dont la saison sèche est peu marquée (pas plus de trois mois ayant une moyenne inférieure à 50 mm de précipitations mensuelles), c'est-à-dire les régions de climat équatorial et subéquatorial.

En fait, la forêt dense centrafricaine occupe une étendue moindre que la zone géographique ainsi définie : environ 30000 km2, soit un peu moins de 5 % seulement de la superficie totale du pays (617 000 km2). Elle se limite à l'extrémité Sud-Ouest de la R.C.A., au Sud d'une ligne allant de Bangui à Berbérati, et ne constitue une formation continue qu'au Sud de M'Baïki et Nola, dans les préfectures de la Lobaye et de la Haute-Sangha. Elle n'est qu'une portion de la frange septentrionale de la grande masse forestière qui s'étend sur le Sud-Cameroun, le Gabon et les deux Congos.

La véritable forêt primaire, ne présentant aucune trace apparente de défrichement, apparaît seulement au Sud de Nola, de part et d'autre de la Sangha et sur la rive droite de la Lobaye inférieure. Les plus grands arbres aux troncs énormes, droits et lisses, y atteignent 50 et même 60 mètres de haut ; au-dessous de leurs frondaisons toujours vertes, la végétation se dispose en strates étagées ; les plantes épiphytes ou parasites sont nombreuses. Au niveau du sol, les végétaux ne forment pas un réseau aussi inextricable qu'on le prétendait jadis, car la lumière n'y parvient que diffuse et tamisée et n'autorise la croissance que d'espèces adaptées à la pénombre.

Ailleurs s'étend la forêt secondaire, ayant repoussé après les défrichements plus ou moins récents. Les arbres, dont la plupart ont un bois tendre, comme le parassolier, y sont un peu moins hauts, mais le fouillis végétal est beaucoup plus intense, car des espèces multiples se livrent dans leur croissance une implacable concurrence. Cette forêt secondaire est plus difficile¬ ment pénétrable, bien souvent, que la forêt primaire. Les lianes y sont aussi plus nombreuses.

Partout, les limites de la forêt sont abruptes : en quelques mètres, on passe à des savanes, parfois très pauvres en arbres, et dont la composition botanique est totalement différente de celle de la forêt [Cf. Sillans R. : Les savanes de l'Afrique Centrale. Paris, Lechevallier 1958.]. Ces contrastes en quelques mètres, on brutaux sont l'expression manifeste de l'intervention des hommes. La hache et le feu ont fait reculer peu à peu la lisière de la forêt, dont le tracé sinueux laisse en retrait des témoins : galeries forestières, lambeaux isolés ou souches éparses. Tel est le spectacle offert par les plateaux de la Haute- galeries forestières, lambeaux isolés Sangha dans la région de Berbérati, ou la vallée du Mbomou aux environs de Bangassou. Il est certain qu'en R.C.A. la forêt dense s'étendait autrefois bien plus loin vers le Nord, dans une vaste portion de territoire au climat favorable, vraisemblablement jusqu'aux alentours de Carnot, Boali, Grimari, Bambari, Bakouma et Zémio.

Néanmoins, dans son état actuel, la forêt centrafricaine, surtout la forêt primaire, est une richesse nationale très appréciable. Les experts du Service des Eaux et Forêts [X...: Note au sujet de la mise en valeur de la forêt centrafricaine (Ministère du Développement de la R.C.A.)] ont estimé que 12000 km2 environ de surface boisée sont économiquement exploitables, une fois retranchées les étendues appauvries par les défrichements partiels, inondées ou trop difficilement accessibles. Mais ces 12 000 km2 présentent une remarquable densité d'essences utiles, au point que la R.C.A. possède, au dire des spécialistes, une des plus riches forêts du monde. Cet avantage compense un peu dans les prix de revient, l'inconvénient résultant de l'éloignement de la mer et des gros irais de transport pour les bois exportés.

Le Centre Technique Forestier Tropical a établi, de 1960 à 1964, un inventaire précis des essences exploitables, sur un million d'hectares de forêt dense. La prospection se poursuit. Le capital forestier de la R.C.A. a pu être estimé à 70 millions de mètres cubes, chiffre probablement inférieur à la réalité, car la densité des espèces utiles varie entre 60 et 100 mètres cubes à l'hectare dans les zones prospectées.

On a catalogué près de soixante essences forestières utilisables, dont une trentaine de bois d'oeuvre. Les deux plus répandus et les plus activement exploités sont l'ayous ou obéché (Triplochiton scleroxylon) et le sapelli (Entrandrophragma cylindricum). Leur densité à l'hectare est généralement de l'ordre de 30 à 40 mètres cubes pour l'ayous et de 10 à 20 mètres cubes pour le sapelli. L'ayous est un bois blanc tendre, abondant même dans la forêt secondaire, facile à travailler, convenant parfaitement pour la menuiserie légère (caisserie, placage, contreplaqué). Le sapelli est un bois rougeâtre assez dur, proche parent de l'acajou, très apprécié en ébénisterie.

D'autres essences un peu moins répandues sont aussi régulièrement exploitées : le sipo, excellent bois rouge de la famille de l'acajou, se travaillant bien et ayant un beau poli, le mukulungu, bois très dur, difficile à travailler, mais imputrescible et de grande valeur marchande, le doussié, beau bois d'œuvre demi-dur. Parmi les autres espèces assez courantes et de grand intérêt, citons l'acajou, le limba, l'iroko, le padouk, le tali, l'azobé et bien d'autres encore, comme bois d'ébénisterie, et le bingo, arbre dont le cœur est l'ébène, utilisé surtout en sculpture artisanale.

 

Source :

Suchel Jean-Bernard. L'exploitation forestière en République Centrafricaine. In: Cahiers d'outre-mer. N° 83 - 21e année, Juillet-septembre 1968. pp. 324-330;

doi : https://doi.org/10.3406/caoum.1968.4168

https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1968_num_21_83_4168