Sembène Ousmane : les films africains à Cannes, le problème de l'excision à l'écran


Sembène Ousmane regrette l'absence de films africains à Cannes

OUAGADOUGOU (Burkina Faso), 20 mai 2002 (AFP) - 18h04 - Le doyen du cinéma sénégalais, Sembène Ousmane, 79 ans, a regretté dimanche au Burkina Faso l'absence de films africains dans la sélection officielle du festival de Cannes, conséquence selon lui "du peu d'interêt accordé au FESPACO", festival panafricain du cinéma.
"Le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (FESPACO) ne bénéficie pas d'écran de publicité comme le Festival de Cannes", a déploré, M. Sembène au cours d'une conférence de presse à Djérisso (520 km au sud-ouest de Ouagadougou), sur le site du tournage de son nouveau film "Moolade".
M. Sembène a également dénoncé le fait qu'aucun cinéaste africain ne figure parmi les membres du jury du festival de Cannes.

Le cinéaste africain a plaidé pour la "création des valeurs africaines   et leur divulgation à travers le monde".
Il a également salué la qualité des oeuvres cinématographiques présentées à Cannes et le travail des organisateurs du festival qui ont su le rendre incontournable.
Sembène Ousmane, dont l'oeuvre est composée d'une vingtaine de films, a reçu en 1982 un hommage du festival de Cannes pour l'ensemble de son oeuvre. "Moolade", le long métrage qu'il réalise actuellement traite de l'excision en Afrique.


Ousmane Sembène, le doyen des cinéastes africains s'attaque à l'excision

DJERISSSO (Burkina Faso), 26 mai (AFP) - 9h25 - Dans un paysage bucolique, Djérisso, petit village de l'ouest du Burkina, a été pendant une journée le lieu inattendu de rendez-vous du gotha du cinéma africain, venu rendre hommage à son doyen, le Sénégalais Ousmane Sembène, 79 ans.

Réalisateur d'une vingtaine de films auquel le festival de Cannes a rendu en 1982 un hommage pour l'ensemble de son oeuvre, Ousmane Sembène y tourne "Moolaadé", son nouveau long métrage qui traite de l'excision.

Le "clap départ" a été donné la semaine dernière par le président de l'assemblée nationale du Burkina, Mélégué Maurice Traoré, originaire de cette région située près des frontières ivoirienne et malienne.

La place du village où se dresse une mosquée centenaire entourée de caïlcédrats vieillissants a servi de cadre à la cérémonie. Des jeunes filles parées de bijoux dansaient au son du balafon tandis que les sages du villages patientaient, installés sous les arbres.

Après les salutations d'usage, le porte-parole du chef du village s'est félicité du choix de Djérisso, qui pour lui constitue "une marque de respect".

M. Sembène, son éternelle pipe à la bouche, a expliqué qu'à son sens, Djérisso devrait être "protégé par le gouvernement burkinabè comme une zone cinématographique".

"Djérisso, est un village à part, les vaches sont grasses, la végétation verdoyante. Ici on y enterre les tombes à l'intéreur des maisons", s'est exclamé le cinéaste, tout à sa recherche d'une "Afrique des campagnes"

"L'Afrique est pleine de contradictions. Avant, ce sont les campagnes qui nourrissaient les villes, actuellement c'est le contraire", a-t-il lancé.

"Moolaadé", qui signifie "droit d'asile" en langue peulh, raconte l'histoire de Colle Ardo Gallo Sy, deuxième épouse, mère excisée qui souffre des séquelles de ce qui s'appelle dans sa société "purification" ("salindé").

Elle refusera l'excision pour sa fillette de sept ans, en âge d'y être soumise, et fera des émules, quatre autres fillettes qui se rebellent contre "la "purification" vont lui demander le "mooladé" à Colle Ardo Gallo Sy.

Le village en ébullition est confronté aux antagonismes des deux valeurs: le "salindé" et le "moolaadé".

"Le choix de ce thème est lié à un combat. Il s'agit de mettre en relief la manière dont une société aborde et résoud ses problèmes", explique le réalisateur, soulignant qu'actuellement l'esxcisions est pratiquée dans 32 Etats africains.

Mais pour Gaston Kaboré, cinéaste burkinabè, lauréat en 1997 du Festival panafricain de Ouagadougou (FESPACO), l'excision n'est qu'un prétexte pour saisir la problématique beaucoup plus large d'une Afrique plongeant ses racines à la fois dans la tradition et la modernité.

Ce long métrage de 90 minutes va coûter plus d'un milliard de FCFAmillion d'euros) et nécessiter 10 semaines de tournage pour la soixantaine d'acteurs, parmi lesquels Sidjiri Bakaba, Naki Sy Savané (Côte d'Ivoire), ou Habi Dembélé, le "Coluche" malien, candidat malheureux à la récente élection présidentielle.

Interrogé sur certains partenaires financiers de son film, dont une société pétrolière critiquée pour son peu d'intérêt pour l'environnement, Sembène Ousmane se dit "prêt à coucher avec la diablesse pour réussir à faire un film".

"J'ai mes principes et mes contradictions, mais à côté d'un film que je pense utile, mes propres principes ne comptent pas", poursuit-il, affirmant n'avoir obtenu aucun soutien de son pays, le Sénégal.


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