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Dossier de
presse à télécharger en pdf
10 octobre 2008 – 12 juillet
2009
De la naissance au plus
grand âge, en passant par les étapes obligées du mariage et de la mise au monde
de nombreux enfants, les femmes occupaient en Afrique – et occupent souvent
aujourd'hui encore dans les sociétés villageoises – une place très particulière.
Elles sont omniprésentes dans la sphère privée, familiale; leurs activités de
même que leurs rôles sont extrêmement divers. Comment les femmes
apparaissent-elles dans les arts africains ?
À travers quelque cent
trente oeuvres, principalement des statues, statuettes, masques et insignes de
dignité, la nouvelle exposition du musée Dapper entreprend d'évoquer la
multiplicité des représentations féminines. Nécessaires et incontournables, les
pratiques rituelles conduites lors des initiations et des cérémonies religieuses
marquent les moments forts des cycles de vie. C'est ce que révèlent nombre de
figures : les corps traduisent, tant par l'ornementation que par la gestuelle,
le vécu des femmes.
En général, les corps
nubiles retiennent peu l'attention des sculpteurs. Ils préfèrent assurément
magnifier les formes d'une figure aux courbes exceptionnelles et harmonieuses ou
sublimer les seins et le ventre bombé d'une femme enceinte, sur lequel se
développent, selon les cultures, des frises de scarifications. Des motifs
incisés dans la chair ont été réalisés au moment de la puberté, d'autres ont été
ajoutés pour favoriser le développement de la grossesse et protéger la
naissance.
À cet égard les artistes bembe (RDC) n'ont pas manqué de sculpter
des figures de parturientes. La maternité constitue le thème majeur des
représentations féminines dans les arts africains. Féconde et nourricière, « la
femme avec enfant » est une figure idéale, et sa progéniture constitue une
richesse pour le groupe. La maternité est pleinement magnifiée chez les peuples
kongo (Congo et RDC) et chez les Senufo par exemple, car la femme est considérée
comme étant la gardienne de la mémoire et des valeurs de la communauté. Les
rôles de génitrice et de mère sont si fortement valorisés dans les sociétés
africaines que les tâches et les jeux des petites filles les y préparent très
tôt: elles possèdent des poupées qu'elles remplacent, au moment de
l'adolescence, par d'autres qui sont conservées précieusement des années durant;
ce type d'objet, parfois sculpté avec originalité, devient propitiatoire
lorsqu'il est destiné, comme chez les Dowayo (Cameroun) à favoriser la
fécondité. On ne saurait confiner les femmes africaines au seul espace familial,
à celui de la procréation et des tâches ménagères. Certes, dans la plupart des
sociétés, la différenciation sexuelle s'accompagne de codes qui règlent de façon
spécifique les univers masculin et féminin.
Si aux hommes sont, en général,
dévolus l'organisation et la gestion du royaume ou de la chefferie de même que
les affaires religieuses, les domaines de la chasse et de la guerre, il n'en
demeure pas moins que des femmes ont exercé – et exercent – le pouvoir politique
et spirituel, les deux étant fréquemment liés. En témoignent bien sûr
l'histoire, mais aussi les effigies qui sont plus des archétypes que de
véritables portraits. Dans l'ancien royaume de Bénin (Nigeria), il était d'usage
de faire couler en bronze des têtes commémoratives pour les femmes comptant
parmi les hauts dignitaires de la cour: les reines mères. Ce titre fut instauré
au XVIe siècle par le roi Esigie pour rendre hommage à sa mère qui fut
toute-puissante. De même, il existait, vraisemblablement avant le XVIIe siècle,
au sein des royaumes akan (Côte d'Ivoire / Ghana) des têtes en terre cuite
façonnées par des potières ; ces oeuvres évoquent des visages d'ancêtres
féminins qui auraient donné leur nom aux lignages.
La maturité et la ménopause qui
voient disparaître l'impureté du corps permettent à la femme de s'inscrire enfin
dans la sphère de l'autorité, des décisions réservées au monde masculin. Les
deux univers demeurent néanmoins relativement éloignés. Quelques images de
couple pourraient traduire leur complémentarité qui fonde l'ordre et l'harmonie
du groupe. En réalité, nombre de pièces, à l'instar des sculptures dogon (Mali),
revêtent une forte dimension symbolique renvoyant fréquemment à la mythologie,
aux figures originelles d'un couple de jumeaux.
Les oeuvres expriment l'ambivalence
de la place des femmes : leurs corps donnent forme aux statuettes, aux figures
surmontant les insignes de dignité. Leurs traits ont inspiré les sculpteurs de
masques, autant d'objets réalisés et manipulés par les hommes pour les cultes ou
le maintien de l'ordre public. Aux femmes sont laissées la poterie et la
broderie, celles-ci étant considérées comme relevant de l'artisanat.
Aujourd'hui, les plasticiennes
d'origine africaine imposent peu à peu leur créativité. C'est à la photographe
camerounaise Angèle Etoundi
Essamba – qui interroge les corps, les visages – que le musée
Dapper offre ses cimaises en ouverture de l'exposition Femmes, dans les arts
d'Afrique.
Commissaire : Christiane Falgayrettes-Leveau
Exposition conçue et
réalisée par le musée Dapper Présentant environ cent trente oeuvres, dont
certaines sont inédites, appartenant aux grandes aires culturelles de l'Afrique
et provenant de collections privées ou publiques, dont le musée royal de
l'Afrique centrale (Tervuren), le musée d'Ethnographie (Anvers), le Staatliches
Museum für Völkerkunde (Munich), l'Afrika Museum (Berg en Dal), le Museum
Rietberg (Zurich), le musée Barbier-Mueller (Genève), le musée du Louvre (Paris)
et le musée Dapper (Paris).
Femmes d'Afrique
http://www.latribune.fr/culture/expositions/20081014trib000183268/femmes-dafrique.html
Face au mastodonte qu'est le Musée
du Quai Branly, qui en ce moment, outre ses impressionnantes collections
permanentes, présente quatre expositions temporaires de haut niveau (Arctique,
Japon, Nouvelle Guinée, tissus du monde), le discret musée Dapper dédié
essentiellement aux arts africains se doit de se montrer à la fois original et
sélectif.
C'est ce qu'il fait avec cette
remarquable exposition consacrée aux "Femmes dans les arts d'Afrique". Avec,
avant d'entrer dans les salles principales, une série de photos d'une
plasticienne camerounaise, Angèle Estoundi Essamba dont les portraits, certes un
peu posés, sont remplis d'émotion.
Suivent sur deux niveaux environ 150
statuettes, masques, fétiches et autres figures féminines de tout le continent
noir: De l' Egypte ancienne avec une statue en calcaire d'Hothor en provenance
des antiquités du Louvre à la divinité Kapielo Sénoufo de Côte d'Ivoire, d'une
maternité recouverte de kaolin Yombe du Congo à la figure de fécondité Asante du
Ghana, d'un immense poteau funéraire Salakha de Madagascar à une tête
commémorative d'une reine mère Edo du Nigéria, c'est toute la représentation de
la femme qui est ici exprimée avec douceur parfois, force
souvent.
Car debout, assisses ou
agenouillées, les femmes africaines ont avant tout une fonction de procréation:
ce sont les formes sublimées qui dominent, seins gonflés, ventres bombés,
cuisses galbées, fesses proéminentes, avec comme thème majeur, la maternité:
elles sont avant tout nourricières, et seules quelques civilisations, l'ancien
royaume du Bénin par exemple, commémorent les reines mères. Ce n'est qu'une fois
âgées, qu'elles trouvent, et pas dans toutes les ethnies, un statut d'ancêtre
vénéré, d'où une présence dans l'art funéraire.
Le mérite de cette exposition est
d'avoir su, avec la pédagogie nécessaire (cartels très clairs, mise en scène
avantageuse, vision à 360° des principales statues), célébrer la femme
africaine, pourtant à l'aide d'objets réalisés par des hommes dans un
environnement qui aujourd'hui encore demeure machiste. Pour cela, comme pour son
aspect esthétique, cette exposition est une réussite.
Jusqu'au 12 juillet, Musée Dapper,
35 bis rue Paul Valéry, 75016 Paris. Renseignements: www.dapper.fr,
catalogue 416 pages, 32 euros.
Jérôme Stern
Infoculture de
sangonet