Hereros
et Namas, le crime oublié du XXe siècle. « Exposition
sur l’extermination des Hereros et des Namas à visiter au mémorial de la Shoah
jusqu’au 12 mars 2017. » ; « Namibie,
le génocide du IIe reich. »
Hereros
et Namas, le crime oublié du XXe siècle. «
1
mars 2017
C'est
l'histoire d'un génocide oublié. L'extermination des Hereros et Namas, entre
1904 et 1908, le premier génocide du XXe siècle.
C’est
l’histoire d’un crime; c’est l’histoire d’un grand crime commis au levant du
siècle – cadran 20; c’est l’histoire d’un peuple massacré.
Le
siècle faisait ses premiers pas, l’équilibre tâtonnant et funambule et, Berlin
aspirant routier du monde, glorifiait l’expansion et la conquête comme signes
extérieurs de puissance. Et tout au bout de l’Afrique, un territoire portait
déjà un nom sonnant comme une étrange extension: le Sud-ouest allemand. C’est
que la terre des Hereros n’était plus la terre des Hereros; c’est que la terre
des Namas n’était plus la terre des Namas; c’est que la terre de Samuel Maharero
et Josef Frederiks était désormais la terre du IIème
Reich.
C’est
l’histoire d’un crime; c’est l’histoire d’un peuple
massacré.
Et
ce qui devait arriver arriva. A force d’être broyés, écrasés, piétinés jusque
dans leurs cimetières, voilà les Hereros, l’existence poussière, tout-à-coup
incandescents de révoltes et, les Namas, eux-aussi, le cri audace en
insurrection. Finie l’obéissance ! Terminée la soumission et ses rites! Et à
Berlin, colère tellurique, colère surchauffée de braise enragée, et Berlin, la
menace sur les lèvres : « Comment peuvent-ils oser ? Qu’est-ce que c’est que ces
gens qui n’acceptent pas d’être colonisés ? Comment peuvent-ils oser se mesurer
à notre puissance, à la puissance allemande ? »
Sur
les routes et sur les mers des bataillons, des troupes du Reich, la marche
guerrière, dépêchés en renfort. A l’horizon, débris de chair dispersé; à
l’horizon, des nappes de sang dans le sable. Car dans le regard métallique des
officiers allemands, l’enjeu de la bataille est clairement entendu : le
lebensraum! Oui, le lebensraum, l’espace vital! La préservation de l’espace
vital allemand! Oui, déjà!
C’est
l’histoire d’un crime; c’est l’histoire d’un crime commis au levant du siècle
– cadran 20.
L’heure.
L’heure du carnage. Des jours et des jours d’encerclement méthodique d’abord.
Les Hereros encerclés. Et le général Von Trotha, la foi bombée: «Du bois dont
les Hereros se servent pour construire leurs abris, ils feraient mieux de
préparer des croix pour leurs dernières demeures. Moi, le grand général du
puissant empereur d’Allemagne, j’envoie ce message au peuple Herero: à
l’intérieur des frontières allemandes, tout homme Herero avec ou sans fusil,
avec ou sans bétail, sera abattu. Je n’accepte non plus ni femmes ni enfants.
Qu’ils s’en aillent ou je laisserai mes hommes leur tirer dessus. Telles sont
mes paroles au peuple herero.» Ordre d’extermination daté du 2 octobre 1904,
ordre rédigé à la main, commandement signé par la plus haute autorité militaire
de la colonie.
La
suite? La mort, rien d’autre que la mort en écho. Témoignage de Kurd Schwabe,
soldat allemand présent lors des massacres: «De tous côtés de terribles scènes
s’offraient à nos yeux. En dessous de rochers suspendus reposaient les cadavres
de sept Witbooi qui, dans leur agonie, avaient rampé jusqu’au renfoncement,
leurs corps pressés les uns contre les autres. Ailleurs, le corps d’une femme
Bergdamara bloquait le chemin tandis que des enfants de trois ou quatre ans,
assis en silence, jouaient à côté de son corps. C’était une vision effrayante:
des huttes en flammes, des corps humains et des restes d’animaux, des fusils
détruits et inutilisables, telle était l’image qui se présentait à
nous.»
C’est
l’histoire d’un crime; c’est l’histoire d’un grand crime commis au levant du
siècle – cadran 20.
Le
sort des rescapés? Tout aussi effroyable: chaines au cou comme des bêtes,
pendentifs colliers de la défaite, pendentifs numérotés pour toute pièce
d’identité autour du cou, les voilà jetés dans des camps de concentration.
Beaucoup mourront d’épuisement; beaucoup d’autres de malnutrition. La ration
alimentaire quotidienne à Swakopmund, le camp de la mort lente? Une poignée de
riz cru. Témoignage d’un ancien employé du camp, publié par le Cape Argus, en
septembre 1905: «Les femmes qui sont capturées et qui ne sont pas exécutées sont
mises au travail en tant que prisonnières pour les militaires… Vu leur nombre,
elles sont mises au travail le plus dur et si affamées qu’il ne reste plus que
la peau et les os (…) On ne leur donne presque rien à manger et je les ai très
souvent vues ramasser des restants de nourriture jetés par les transporteurs. Si
elles sont prises en le faisant elles sont fouettées.»
Et
dans le camp de Shark island, l’île aux requins, un médecin de la mort pique et
dissèque quotidiennement les vivants et les cadavres. Expérience médicale,
recherche scientifique! Et calvaire pour les détenus mis à contribution:
obligation de faire bouillir les têtes coupées, qui d’un ami, qui, d’un parent;
ensuite grattage des têtes bouillies avec des bouts de verre. Et il faut
gratter, gratter, gratter les restes de peau, gratter, gratter les yeux,
gratter, gratter les crânes avant de les nettoyer. Et ultime étape : mise en
bocal des têtes nettoyées et direction Berlin; notamment le département
d’«Anthropologie et Races» de l’Institut de la Charité. Message à ce sujet daté
du 22 juin 1905, écrit par l’anthropologue Felix von Luschan et adressé à Ralph
Zürn, un officier stationné en Namibie: «Connaissez-vous un moyen d’acquérir un
plus grand nombre de crânes Hereros? Le crâne que vous nous avez donné
correspond si peu aux images faites jusqu’ici réalisées à partir d’un matériel
problématique et inférieur qu’il me semble nécessaire d’obtenir une plus grande
collection de crânes pour la recherche scientifique et assez rapidement si
possible.»
C’est
l’histoire d’un crime; c’est l’histoire d’un crime commis au levant du siècle
– cadran 20.
Etudes
raciales. Trafic macabre et études raciales. Les crânes sont pesés et
sous-pesés, mesurés et comparés. Il s’agit d’ancrer, de planter dans la pensée
de l’époque, l’idée de races, l’idée de races inférieures et supérieures. Etudes
raciales assumées: un certain Docteur Eugen Fischer, ébloui de ténèbres, rend
public, avec une certaine fierté, le fil de ses recherches funèbres d’obscurité:
«La musculature du visage du hottentot le place sur un échelon inférieur de
l’évolution de l’espèce humaine. Il y a sans doute des différences de
races.»
Le
cours du temps de plus en plus obscur, Fischer publie dans la foulée, un
ouvrage, au titre évocateur, «Les Bâtards de Rehoboth et le problème de la
bâtardisation chez l’homme». Le peuple allemand, affirme le Docteur, est menacé
de dégénérescence à cause des «méfaits» de la mixité raciale. Les théories
effroyables de Fischer sur les spécificités raciales et l’hygiène raciale feront
école et seront expérimentées sur les Roms et les Africains conduisant à la
stérilisation forcée de centaines de milliers d’individus qualifiés de
«racialement déficients.» Et en mai 1936, Fischer, en extase, rendra même
publiquement grâce à Hitler qui, «en promulguant les lois de Nuremberg, a permis
aux chercheurs sur l’hérédité de mettre d’une manière pratique les résultats de
leur recherche au service du peuple».
C’est
l’histoire d’un crime; c’est l’histoire d’un crime commis au levant du siècle
– cadran 20; c’est l’histoire d’un peuple massacré.
Entre
1904 et 1908, environ 80 % des Hereros et 50 % des Namas exterminés. Et un
siècle plus tard, un jour de l’an 2004, Heidemarie Wieczorek-Zeul, ministre
allemande de la coopération, en visite en Namibie, manifestement émue, qui
demande, à titre personnel, pardon aux Hereros et parle de génocide. Et le 30
septembre 2011, l’Institut de la Charité allemand qui remet, à une délégation de
Hereros, vingt crânes de victimes conservées par le musée. Et en juillet 2015,
suite à un débat sur le génocide arménien au Bundestag, le Ministère des
Affaires étrangères allemand qualifie enfin de génocide les massacres commis.
Et, un siècle plus tard, Shark Island, l’île de la mort, Shark Island, l’un des
lieux du crime devenu, hélas, un camping touristique proposant aux visiteurs,
loisirs, insouciance, bons moments et repos.
Mais
au souffle du vent traversant les dunes, la voix des morts, grains de sable
dispersés, fragments de mémoire, tourbillon de douleur tourmentée comme par un
soleil de plomb, la voix des morts, la gorge déployée au-devant du monde, qui
réclame encore et encore, de Windhoeck à Berlin, la reconnaissance officielle et
solennelle du crime commis.
C’est
l’histoire d’un crime; c’est l’histoire d’un grand crime commis au levant du
siècle – cadran 20; c’est l’histoire d’un peuple massacré, exterminé. C’est
l’histoire d’un génocide oublié.
Exposition sur l’extermination des Hereros et des Namas à visiter au mémorial de la Shoah jusqu’au 12 mars 2017.
Parmi les photos et objets présentés dans l'exposition au Mémorial de la
Shoah, on peut voir ce panneau d'école allemand montrant la vie des autochtones
dans la colonie. (Photo : France 24)
Exposition
: Le premier génocide du XXe siècle. Herero et Nama dans le Sud-Ouest africain
allemand. [1 :10]
https://www.youtube.com/watch?v=zix0k94IpCg
Namibie,
le génocide du IIe reich [52 :18]
A
lire :
http://www.sangonet.com/hist/FichHistoire/Herero-Namibie-repar.html