Discours de Nicolas Sarkozy, de la
traite négrière et de la jeunesse
africaine : analyses par Amadou Mactar Mbow, Philippe Bernard, Amadou Elimane
Kane
TRAITE NEGRIERE, COLONISATION: Amadou Mactar Mbow sort de sa réserve et répond
à Sarkozy
Source : Sudonline.sn - http://www.sudonline.sn/spip.php?article4976
Genève (Correspondance
particulière), jeudi 23 août 2007 – « On oublie que la traite des Noirs a
contribué très largement dans l’accumulation primitive du capital ». Joint hier
à Vichy (Ville qui rappelle
Concernant « le refus de repentance
», cheval de bataille de Nicolas Sarkozy qui en moins de cent (100) jours veut
faire table rase sur l’Histoire douloureuse et sur la souffrance infligée par
les Blancs aux Noirs. Une souffrance qui se perpétue par des règles commerciales
injustes à l’Omc, M. Mbow clarifie le débat : « On oublie que la traite des
Noirs a contribué très largement dans l’accumulation primitive du capital. On ne
peut pas passer tout ça par pertes et par profits. Nous ne demandons pas de
repentance. Ce que nous demandons c’est que l’Histoire de l’Afrique, soit écrite
de manière objective, qu’elle ne soit pas tronquée et, qu’elle soit écrite sans
falsification. » Pour le Pr Amadou Mactar Mbow au contraire « ce que les
Africains ne peuvent pas accepter c’est qu’on passe sous silence des situations
qui continuent d’influer sur notre propre présent. »
L’Africain qui avait osé dénoncer la
domination de l’information mondiale par trois robinets occidentaux qui ne
s’intéressent qu’à une certaine Afrique décrite comme la terre des « génocides »
de la « corruption », de la « violence » et des « guerres ethniques » de désoler
qu’en plein 21ème siècle le Continent noir continue d’être traité comme un «
mineur » irresponsable : « L’heure, a –t- il asséné, est passée où on pouvait
donner des leçons aux Africains. Il faut laisser aux Africains le soin de
trouver les voies de leur propre bonheur. » Il considère que « la coopération
entre l’Afrique et les autres pays doit être basée sur la connaissance de
l’Afrique sur ce qui a marqué ce Continent. ». Ainsi a –t- il justifié : « la
déclaration de Nicolas Sarkozy à Dakar, ignore les réalités profondes de
l’Histoire de l’Afrique. ». Très remonté par le discours inamical et
irrespectueux de Sarkozy, le Sage Amadou Mactar de lancer au Président Français
: « Le problème est que personne ne peut écrire l’histoire de l’Afrique à la
place des Africains. Nous ne sommes pas des mineurs. Nous sommes des majeurs.
L’Heure est venue de repenser l’Afrique autrement qu’avec des rapports
condescendants. »
« On ne sort pas indemne de trois
siècles d’esclavage » déclarait Sembène Ousmane à ContinentPremier.Com. Une
vérité que partage le Pr Mbow : « Il est une vérité bien admise le passé
conditionne l’avenir. Plus concrètement le comportement des gens à notre égard
ne peut se comprendre qu’à travers cette histoire qui remonte depuis le milieu
du 15ème siècle. On a tendance de plus en plus à culpabiliser les Africains
comme s’ils étaient responsables de ce qui leur arrive aujourd’hui.
»
Traite et
colonisation…
La colonisation était nécessaire
pour les occidentaux. Lors de la première révolution industrielle du 19ème
siècle, l’Europe avait besoin de matières premières, de marchés et d’espace
d’investissement. « C’est ce qui fait que nous refusons des allégations qui font
porter sur les épaules des victimes la responsabilité de la traite négrière.
Nous la refusons car ce ne sont pas nous qui avons armé les négriers. ». Là,
l’historien creusant dans ses souvenirs renvoie Sarkozy à Las Casas, le moine
qui avait plaidé auprès de Charles Quint l’institution du transfert officiel
d’esclaves africains en Amérique pour sauver la vie des Indes soumis au travail
forcé et qui mouraient en masse. Las Casas a publié au 16ème siècle un grand
ouvrage sur « L’Histoire des Indes » qui a été récemment réédité en trois
volumes. Dans le Tome 1, il décrit la chasse à l’homme par les Portugais avec
des armes à feu (Que les Africains, précise Mbow n’avaient pas) pour se procurer
les esclaves vendus ensuite au Portugal avant leur envoi en Amérique après sa «
découverte ». Amadou Mbow très didactique renvoie aussi Sarkozy à ses études : «
Il faut relire André Gide ‘’Voyage au Congo’’ où il décrit dans les années vingt
la pratique et les ravages du travail forcé ». Ne parlez surtout pas d’aspects
positifs de
El Hadji Gorgui Wade
NDOYE
(ContinentPremier - Onu –
Genève)
Le faux pas africain de Sarkozy, par Philippe
Bernard
LE MONDE, 23 août 2007 (édition du
24 août 2007) - Analyse
Depuis près d'un
mois, Nicolas Sarkozy déclenche en Afrique une vague d'hostilité dont il n'avait
sans doute pas anticipé l'ampleur. S'adressant aux "jeunes d'Afrique" dans un
amphithéâtre de l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar le 26 juillet, le
président de
L'assistance aurait
pu applaudir à la reconnaissance des "crimes contre l'humanité" liés à
l'esclavage et des "effets pervers de la colonisation" exprimée avec un
degré d'emphase que n'avait jamais atteint le candidat Sarkozy. Si l'auditoire a
finalement réservé un accueil glacial à cette longue "adresse" présentée par
l'Elysée comme fondatrice, c'est probablement qu'il n'y a pas trouvé le moindre
signe de "repentance". Pareille absence ne pouvait pourtant guère surprendre de
la part d'un président dont le discours décomplexé tourne le dos à une démarche
qu'il assimile à une forme de haine de soi et de
La stupeur des
invités et le torrent de commentaires indignés que suscite jusqu'à aujourd'hui
le discours de Dakar parmi les intellectuels africains proviennent surtout des
sentences définitives et globalisantes, à forte teneur culturaliste, voire
essentialiste, qu'a assénées le président français à propos de "l'homme
africain". Nul ne saurait contester, y compris parmi les élites du
continent, que "l'Afrique a sa part de responsabilité dans son propre
malheur". Le problème est que M. Sarkozy a présenté les échecs présents du
continent comme contrebalançant, voire justifiant, les torts des colonisateurs.
Désireux de mettre l'accent sur les responsabilités actuelles, il s'est exprimé
comme si la ponction historique de 13 millions d'esclaves et l'exploitation
coloniale étaient strictement sans effet sur l'Afrique actuelle. Comme si la
mise en place et le soutien par
Dans ce texte rédigé
par son conseiller spécial Henri Guaino, le président a présenté l'Africain
comme un homme prisonnier de sa culture, marqué par l'irrationalité et
l'incapacité d'envisager le futur. "Le drame de l'Afrique, a-t-il
déclaré, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire
(...). Jamais il ne s'élance vers l'avenir (...). Dans cet univers
où la nature commande tout (...), il n'y a de place ni pour l'aventure humaine
ni pour l'idée de progrès."
Certes, la suite du
discours appelait à la "renaissance africaine", un thème cher au
président sud-africain Thabo Mbeki, qui a félicité chaleureusement son homologue
français dans une lettre rendue publique par l'Elysée le 13 août. M. Sarkozy a
aussi magnifié le métissage culturel né de la colonisation qui annonce le
"grand destin commun" de "l'Eurafrique", une expression qui date
de l'entre-deux-guerres et fleure le colonialisme. Ce "métissage", il n'est
d'ailleurs plus question pour le président français de l'honorer dès qu'est
abordée la question sensible de l'immigration.
Mais les auditeurs
africains de M. Sarkozy ont surtout été choqués par ses généralisations sur
l'homme africain, animé par "ce besoin de croire plutôt que de comprendre, de
ressentir plutôt que de raisonner, d'être en harmonie plutôt qu'en
conquête".
Sur quel autre
continent que l'Afrique un chef d'Etat occidental en visite officielle
pourrait-il se permettre de donner pareille leçon, d'instruire des procès en
responsabilité historique, de multiplier des clichés dans une enceinte
universitaire précisément consacrée à la réflexion critique et à la recherche
sur des réalités complexes ?
"NOUS NOUS SENTONS
INSULTÉS"
"La recherche sur
l'Afrique et ses relations au monde ont fait (...) des progrès
considérables, qui interdisent absolument de parler du continent dans les termes
qui ont été les vôtres", réplique Ibrahima Thioub, historien à l'université
Cheikh-Anta-Diop de Dakar dans un texte diffusé sur Internet. L'enseignant, tout
en refusant toute comparaison avec le nazisme, appelle à "comprendre que la
mémoire africaine de la traite atlantique des esclaves et de la colonisation est
à l'Afrique (...) ce que la mémoire de l'Occupation est à
"Se peut-il
que
(M. Sarkozy) n'ait pas compris à quel point nous nous sommes sentis insultés
?", interroge Boubacar Boris Diop. Cet écrivain et journaliste sénégalais
estime "légitime" le fait d'"instruire le procès des sociétés
africaines" à condition qu'une telle démarche ne serve pas uniquement à
renforcer les Occidentaux dans leurs préjugés. Il analyse les propos de M.
Sarkozy en "une sorte de discours sur l'état de l'Union... française"
significatif des "relations de suzerain à vassal que Sarkozy peut entretenir
avec ses obligés de
Alors que ces
intellectuels espéraient prendre au mot M. Sarkozy, chantre de la "rupture", ils
ont vu dans son discours la confirmation d'une vision paternaliste et d'un
soutien renouvelé à des régimes indéfendables. En faisant ainsi la leçon à des
intellectuels dont certains n'ont aucune complaisance à l'égard des régimes
africains, le président a affaibli leur position, agissant comme si la critique
et les remèdes ne pouvaient venir que des Blancs. "Dans sa "franchise" et sa
"sincérité", Nicolas Sarkozy révèle au grand jour ce qui, jusqu'à présent,
relevait du non-dit, à savoir que (...) l'armature intellectuelle qui
sous-tend la politique africaine de
Muet à Dakar sur la
dérive autoritaire du pouvoir au Sénégal, empressé à honorer de sa visite Omar
Bongo, à la tête du Gabon depuis quarante ans, Nicolas Sarkozy n'a pas été
jusqu'au bout du discours de vérité qu'il prétend tenir. Son choix de faire
étape chez M. Bongo, défenseur des intérêts pétroliers français mais peu
soucieux de transformer les richesses de son pays en développement, accrédite le
constat d'une certaine inertie de la politique africaine de
Philippe
Bernard
Article paru dans
l'édition du 24.08.07
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-946870,0.html
DISCOURS DE
NICOLAS SARKOZY : Les universitaires sénégalais ne sont pas des
traîtres !
Les universitaires
sénégalais ne sont pas des traîtres. C’est Nicolas Sarkozy qui est venu à Dakar
avec un discours révisionniste, arrogant en se trompant dangereusement
d’époque !
Le 26 juillet 2007, le
président de
Il a martelé son
discours de mensonges inacceptables, avançant l’idée que « l’Afrique
n’existait pas et n’était pas encore rentrée dans l’histoire ». C’est une
faute grave que de déclarer cela devant une assemblée où étaient réunis des
enseignants, des chercheurs, des intellectuels, des étudiants et des ministres
d’Etat du Sénégal. Il est à noter que quatre personnes ont quitté la salle et
que l’auditoire, abasourdi devant de telles inepties, manifestait sa
désapprobation au fur et à mesure de cette déclaration absolument scandaleuse.
Des idées négationnistes ont été distillées provoquant une véritable insulte à
l’égard des Sénégalais et de tous les Africains.
La conception de
l’histoire de Nicolas Sarkozy est truffée de procédés idéologiques qui tirent
l’Afrique vers le bas, s’inspirant des théories eurocentristes racistes qui
refusent à l’Afrique toute initiative historique.
Hélas, aujourd’hui
nous savons par la recherche scientifique, à tous les niveaux, que l’Afrique est
le berceau des sciences et que l’homme africain continue de s’inscrire dans une
dynamique de belle créativité.
Il serait préférable
de croire que Nicolas Sarkozy ne connaît pas son sujet et que ceux qui ont écrit
ce discours se sont appuyés sur les thèses les plus crasses des révisionnistes
eurocentristes que les panafricains combattent depuis l’histoire des luttes
africaines. Ceci, je le répète, est inacceptable et les intellectuels doivent se
mobiliser pour protester contre de telles infamies encore, assénées par
l’impérialisme occidental du 21ème siècle.
A un moment de sa
déclaration et pour rappeler le danger du « repli sur soi », Nicolas
Sarkozy s’est attaché à rappeler le génie de Senghor qui avait compris que la
langue française sortirait « l’Afrique des ténèbres, de la mystique, de ses
croyances et de ses chamanes », en argumentant de manière déplorable sur la
pensée africaine qui ne serait pas en mesure de saisir les notions de
l’abstrait.
Autant de
contrevérités ne peuvent être gardées sous silence. Le seul message délivré par
Nicolas Sarkozy est de dire aux Africains : continuez d’être soumis où vous
ne compterez pas dans l’évolution du monde. Si vous ne revenez pas à la
« raison », l’Afrique restera corrompue, sanguinaire, fratricide,
marginalisée et aliénée.
Ceci n’est pas la
vision des négro-africains et Nicolas Sarkozy se trompe gravement en reprenant
les thèses néocoloniales tournées vers une idéologie dominatrice de
l’Occident.
A la fin de son
discours, Nicolas Sarkozy a évoqué la « renaissance africaine » dans
aucun fondement car comment peut-on parler de « renaissance » si l’on
ne reconnaît pas la culture historique de l’Afrique comme étant le berceau de
l’humanité, le berceau des sciences depuis l’Egypte pharaonique
noire ?
Aujourd’hui, si
l’Afrique est dans la misère, dans la guerre, dans des génocides, tout n’est pas
noir. Nous savons le rôle joué par les multinationales qui affament, qui tuent,
qui organisent un peu partout en Afrique. Qui sont ces mains invisibles ?
Bien sûr ce sont les mains de la haute finance de l’Occident qui affament les
pays d’Afrique et les plus démunis d’Europe. Il est trop facile de dire que les
seuls responsables du malheur africain sont les Africains.
Nous pouvons
interroger
Le continent africain
comptera dans les grands enjeux du 21ème et il est grand temps de sortir de
l’aliénation post-coloniale, celle que Nicolas Sarkozy a tout simplement
défendu.
AMADOU ELIMANE KANE,
Poète-écrivain
[Quotidien Le Soleil -
SENEGAL]
http://www.lesoleil.sn/article.php3?id_article=28144
Histoire et
société - sangonet