Compte rendu de la rencontre dédicace

consacrée à l’ouvrage: Contribution à l'histoire ancienne des Pygmées: l'exemple des Aka par Victor BISSENGUE

Le contexte
Le Vendredi 19 novembre 2004 de 18h30 à 22h00, s’est tenue à l’initiative de la Librairie Les Alizés et des éditions L’Harmattan une importante rencontre consacrée à la présentation et à la dédicace de l’ouvrage sus-mentionné de M. Victor BISSENGUE.

Il s’agissait pour les organisateurs de la manifestation de sensibiliser le public parisien à la problématique de l’histoire, de la culture et même de la condition actuelle des Pygmées d’Afrique en général et des AKA en particulier.

En adoptant volontairement une démarche pluridisciplinaire et un style clair, précis et concis, l’auteur a voulu faire œuvre de pédagogie dans son propos préliminaire. De fait, l’originalité du livre tient avant tout au fait qu’il s’agit de la première synthèse historique consacrée à ces populations tant décriées mais finalement méconnues.

Aussi, M. BISSENGUE a-t-il tenu à insister sur le caractère non exhaustif de son travail qui devra être soumis au crible de la critique scientifique la plus exigeante. C’était pour lui l’occasion de saluer la présence parmi les nombreux participants de quelques personnalités au nombre desquelles on peut mentionner les représentants des Editions l’Harmattan Jérôme MARTIN et Virginie ROBERT, l’ex-président de la République Centrafricaine, André KOLINGBA dont la visite impromptue fut aussi remarquée. De même, Mme Louise Marie DIOP-MAES épouse de feu le professeur Cheikh Anta DIOP a honoré l’auditoire de sa présence. D’autres invités de renom ainsi que des professionnels de la presse et de l’édition étaient également présents à cette occasion.

L’exposé de l’auteur
Dans son exposé introductif, l’auteur a mis l’accent sur la genèse de l’ouvrage en rappelant des événements vécus en Centrafrique même au contact des Pygmées AKA (le cas singulier de Michel MBOYA devenu instituteur puis député en dépit de nombreux obstacles fut évoqué), sur ses nombreuses et édifiantes lectures, et enfin sur des événements tels que la venue à Paris respectivement en 1991, en 1997 puis en 1999 des AKA où ils firent admirer les multiples facettes de leur répertoire.

Contrairement aux clichés exotiques et aux préjugés raciologiques accumulés par l’ethnographie coloniale, une approche rigoureuse des faits préhistoriques et historiques démontre le rôle crucial des Pygmées dans la transmission des connaissances dans les domaines de la bio-médecine, de la cosmogonie, de la pharmacopée, etc. Les autres populations de l’Afrique leur sont redevables dans tous les domaines de la culture, de la spiritualité et même de l’économie.

Il apparaît en effet que loin d’être des créatures imaginaires, des animaux ou des chaînons manquants entre l’homme et la bête, ils descendent de l’homo sapiens sapiens attesté il y a environ 130 000 ans sur le continent africain (cf. le fossile dit OMO I). Soit dit en passant, les premiers hominidés remontent à 7 millions d’années et non à 4 millions comme semblent l’accréditer certains ouvrages de référence. Il est inimaginable que ces Pygmées dont les ancêtres les plus lointains ont d’abord séjourné dans la région des grands lacs africains n’aient pas pris part au processus cumulatif ayant conduit à l’émergence des premiers éléments de la civilisation. Des archéologues ont exhumé de nombreux vestiges qui témoignent de cet apport initial. Il en fut de même dans l’antiquité comme l’indiquent les sources pharaoniques qui font état dès 2400 avant notre ère de contacts directs entre les Egyptiens de l’antiquité et les AKA dont le pays d’origine (YAM) se situerait aux confins de la Centrafrique actuelle.

De nos jours hélas, la condition des Pygmées apparaît particulièrement précaire comme le rappelle un spécialiste de l’envergure de Serge BAHUCHET. L’auteur rapporte entre autres des témoignages relatifs à la déportation et à l’exhibition dans des zoos humains de certaines figures comme Ota BENGA à Saint-Louis (USA) en 1904. Il faut convenir enfin, que les Pygmées continuent à souffrir sur le continent de certains maux et préjugés qui conduisent à s’interroger sur leur devenir. Sans pour autant partager le pessimisme de certains chercheurs qui leur prédisent une fin imminente, l’auteur en appelle au sens des responsabilités des décideurs africains qui se doivent de préserver le patrimoine des Pygmées tout en leur garantissant un statut de citoyens à part entière. Il rejoint ainsi l’opinion de son préfacier feu Pierre KALCK mais également celle non moins autorisée de Gilbert ROUGET.

Les commentaires et les réactions de l’assistance
Invité par l’auteur à donner son point de vue, M. Jean-Charles C. GOMEZ (historien) a souligné d’entrée de jeu l’intérêt historiographique de l’ouvrage. Dans le domaine des études égyptologiques en particulier, il lève une hypothèque qui a longtemps pesé sur les investigations des spécialistes. Les conclusions de Victor BISSENGUE établissent de façon péremptoire l’existence de relations directes, régulières et continues entre les populations de la vallée du Nil égypto-nubienne et celles du reste de l’Afrique noire. Les échanges culturels, économiques et politiques entre ces entités qui n’en font qu’une sont également restitués avec rigueur et précision. Il s’agit donc d’une contribution majeure à l’histoire générale de l’Afrique et de l’humanité.

Certains participants ont demandé des précisions sur le sort actuellement réservé aux Pygmées sur le continent africain. Des témoignages font état de nombreuses injustices pour ne pas parler d’exactions. Quelle est exactement la part de responsabilité qui revient à ceux qu’on a coutume d’appeler les "Grands noirs" ?

D’autres intervenants mettent l’accent sur les préjugés dont les Pygmées font l’objet dans une certaine littérature ethnographique d’origine occidentale. Ils s’interrogent sur le silence coupable pour ne pas dire la complicité de l’administration coloniale et de certains "savants".

Tous insistent sur les mesures à prendre de toute urgence pour mettre les Pygmées à l’abri de l’oppression et de l’exploitation dont ils font l’objet.

Les réponses et la conclusion de l’auteur.
M. BISSENGUE rappelle qu’il n’a pas éludé dans l’ouvrage la question du sort réservé en Afrique aux Pygmées. Il énumère les causes historiques et économiques de ce drame humain. Cependant, comme le soulignait Pierre KALCK, il se refuse à accentuer plus que de raison le prétendu antagonisme séculaire entre Pygmées et "Grands noirs". Malgré les conflits d’ordre économique et la destruction accélérée du patrimoine forestier, il parie sur une prise de conscience réelle et sur une coexistence pacifique. Le rôle de l’Union Africaine (UA) et des Etats pris individuellement lui paraît à cet égard primordial.

Au sujet des préjugés accumulés par les "spécialistes" non africains, il relève l’action nocive de CUVIER, HAMY, le R.P. SCHMIDT, le missionnaire VERNER, etc. qui passent pourtant aux yeux du grand public non-averti pour des humanistes. Il résume enfin l’épisode répugnant de Saartjie Baartman plus connue sous le surnom de Vénus hottentote.

En conclusion, M. BISSENGUE informe l’auditoire que cette année 2004 marque d’après l’UNESCO la fin de la décennie des populations dites minoritaires et donc menacées. En outre cette même institution internationale considère la culture des Pygmées comme appartenant au patrimoine commun de l’humanité. L’ouvrage intitulé Contribution à l’histoire ancienne des Pygmées… s’inscrit précisément dans le cadre de cette célébration universelle.

                                                         DAZO, le rapporteur (23 novembre 2004)

 

NB : Les participants ont été conviés après la dédicace par l’auteur des exemplaires de son ouvrage à une collation. La séance a été définitivement levée à 22h00.

Carte relative  à l'origine préhistorique des Pygmées

1- Berceau nilotique commun : à ce stade, le processus de séparation des langues, ainsi que la formation des différents groupes humains ne sont pas achevés. - 2- Du Soudan méridional, Pays de Yam, les groupes humains dénommés Pygmées (Aka, Babenzélé, Babongo, Baka, Bambuti, Batwa, etc.) se différencient et investissent par vagues successives leurs zones d'implantation actuelle. - 3- Cette nouvelle étape marque la progression des Pygmées en général et des Aka en particulier vraisemblablement sous la pression de migrations des peuples bantou vers la forêt équatoriale qui leur servira pendant des siècles de zones-refuges.


Documents photographiques, 19 novembre 2004

    L'auteur Victor BISSENGUE

   L'invité imprévu: l'ex-président André KOLINGBA

 

   Une intervention de l'historien Jean-Charles. C GOMEZ

    L'assistance suivant l'intervention de l'auteur

 

 

 

 

   Une partie du public écoutant la réponse à une question posée.

 

   La dédicace de l'ouvrage

 

 


 

 

 

(Source des photos: © Jean-Pierre Mara, jdm, 19 novembre 2004 )

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