Contribution à l'histoire ancienne des Pygmées : l'exemple des Aka
Victor Bisséngué
« Dans
l'état actuel de nos connaissances,
l'historiographie, toute la science, replacent les Pygmées dans le foyer de départ,
c'est-à-dire parmi l'homo sapiens sapiens. Linguistiquement et culturellement, ils ne peuvent pas être distincts des autres
habitants de l'Afrique. Ils ont toujours développé des relations étroites, surtout économiques, partagé leurs connaissances
médicales (pharmacopée, soins, guérison), avec leurs voisins. C'est auprès d'eux, et depuis plus de trois mille ans, que les
botanistes, les écologistes, les sociétés forestières, les musiciens, les missions scientifiques, les chasseurs et bien d'autres
voyageurs ainsi que des chercheurs de "denrées rares" (animaux et peaux d'animaux, ivoire, or, bois, etc.), se tournent pour
recueillir de précieuses informations. » pp. 57-58.
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Les Pygmées sont
considérés comme des descendants de très anciennes populations localisées au
paléolithique dans les régions des Grands Lacs, le Rwanda, le Burundi, le Kenya,
l'Ouganda. Ils descendent tous d'un même ancêtre dont le prototype serait
représenté par le spécimen homo sapiens sapiens dit d'OMO I qui lui-même remonte
d'après les datations absolues à plus de 130 000 ans. Leur existence est
attestée dès la plus haute Antiquité. Pour les Egyptiens de l'époque
pharaonique, il ne s'agissait pas de créatures légendaires, mais bien des hommes
à part entière qu'ils prenaient soin de représenter avec toutes leurs
caractéristiques ethniques. C'est dire qu'ils savaient faire la différence entre
les nains pathologiques et brachymorphes (NEMOU) et les Pygmées (DENEG). En
effet, Mérenré 1er, l'un des Pharaons de la VIe dynastie lança quatre
expéditions en direction des sources du Nil, plus précisément au-delà de la
Nubie, vers le pays de Yam ; il dut disparaître avant la fin de la dernière
expédition, et c'est ensuite Neferkaré Pépi II qui accueillit le Pygmée Aka
ramené par Herkhouf.
L'histoire des Pygmées fascine et trouble aussi bien les
spécialistes que les populations qui se différencient d'eux ou qui s'en
approchent par curiosité, afin de vérifier le bien fondé des nombreux clichés
accumulés depuis la nuit des temps. Cependant pour certains esprits attardés, il
s'agirait toujours d'êtres imaginaires ou surnaturels, d'animaux, de nains, etc.
et d'autres s'ingénient encore à nier purement et simplement leur existence. Ils
apparaîtront enfin comme le possible révélateur de l'état du primitif
paléolithique ou "le chaînon manquant". Pourtant, on a bel et bien à faire à des
hommes dotés de toutes les capacités qui les élèvent au-dessus de l'animal. Au
demeurant, les connaissances dont ils font preuve notamment dans les domaines de
la biomédecine, de la zoologie, de la cosmogonie, les placent parmi les
meilleurs experts. Les Aka furent également des acteurs économiques de premier
plan qui prirent largement part aux échanges commerciaux trans-nilotiques avec
les populations voisines.
Victor BISSENGUE est diplômé d'Etudes Approfondies en science de l'éducation et de la communication. Il possède un Doctorat de 3e
cycle d'études de Cinéma, Télévision, Audiovisuel. Auteur de quelques articles de presse et autres publications, il est témoin et
observateur du "phénomène Beaubourg" au Centre National d'Art et de Culture Georges Pompidou (CNAC GP) à Paris depuis 1975.