Des escrocs du Web utilisent le nom du cardinal Gantin

www.la-croix.com – 22 octobre 2008

Chaque jour, des milliers de courriels sont envoyés par des escrocs qui cherchent à soutirer de l’argent aux internautes

 «Je suis Mr Ganti Amaral, frère de feu son éminence cardinal Bernardin Ganti (sic). En collaboration avec le pape Benoît XVI et suite aux consignes laissées par mon frère défunt dans son testament, je cite : “une partie de mes biens soit une somme de 80 000 euros servira de don pour les personnes déshéritées du monde, et en particulier pour la construction des églises catholiques. Je demanderai donc à tout bénéficiaire de cette somme, quelle que soit sa personnalité, de faire un bon usage et d’être fidèle à notre Dieu créateur”. Si vous recevez ce courriel c’est que vous êtes le bénéficiaire de ce don… »

Ces lignes vous disent peut-être quelque chose. Plusieurs lecteurs de La Croix ont reçu ces dernières semaines ce courrier électronique envoyé à des milliers d’internautes et déposé sur des forums. L’auteur de ce message se sert en effet d’un article de la-croix.com portant sur le décès du cardinal béninois pour rendre crédible ce qui est en fait une escroquerie.

Ce courriel n’est pas une exception. Chaque jour des milliers de missives comme celle-ci sont envoyées par des escrocs de la Toile. On les appelle « escroqueries nigérianes » ou « Fraude 419 » – 419 étant l’article de la loi qui punit ce délit au Nigeria, car c’est dans ce pays qu’elles sont nées.

Mode opératoire

Le mode opératoire ne varie guère : les aigrefins envoient un courrier dans lequel il est question d’un héritage dont ils disposent, mais que pour des « raisons politiques », ils ne sont pas en mesure de récupérer… Ils sollicitent donc leurs futures victimes pour les aider au transfert de fonds. Avec à la clé, la promesse d’une commission sur le magot.

Si vous répondez à la missive du soi-disant « Amaral Ganti », un pseudo-avocat de Cotonou vous demande de lui adresser une photocopie de votre pièce d’identité « ou même l’original » : « Dès que l’acte de donation sera établi à votre nom par le ministère de la justice, vous recevrez la somme dont vous pourrez vous servir à votre guise pour des actes de solidarité », promet-il.

Si vous donnez suite, il vous demandera, afin de régler les premiers frais de notaire, d’effectuer un versement par l’intermédiaire de Western Union ou sur un compte bancaire en Suisse ou en Afrique. Le premier d’une longue série, car les cybe rcriminels ont coutume de demander toujours plus d’argent sous différents prétextes.

« Ce mode opératoire remonte à la nuit des temps, il s’appuie sur la crédulité des victimes. Avec Internet, et la possibilité d’envoi massif de courriels, le champ des victimes s’est considérablement élargi », constate Fabien Lang, chef adjoint de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, qui, avec la Brigade d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de l’information (Befti), est un des deux services de la police judiciaire à suivre ces dossiers en France.

Ce type d’affaires est extrêmement difficile, voire impossible, à élucider, car les recherches effectuées auprès des fournisseurs d’accès à Internet aboutissent la plupart du temps à des cybercafés, et celles effectuées auprès de Western Union ou autres sociétés de transferts d’argent, à des identités fictives…

« La principale difficulté vient du caractère international de la cybercriminalité », relève Fabien Lang. « Nous enquêtons sur toutes les plaintes. Notre objectif est d’établir des recoupements entre plusieurs affaires et de monter des dossiers suffisamment conséquents (plusieurs victimes, des préjudices importants), et favoriser ainsi l’obtention d’une entraide judiciaire internationale.» De fait, pour une escroquerie de 200 euros, tous les effectifs policiers ne sont pas mobilisés...

170 millions d'euros de pertes annuelles

Si la France n’est pas encore en mesure de chiffrer le montant des sommes extorquées chaque année, en revanche, aux États-Unis, le FBI a enregistré plus de 207 000 plaintes liées à des arnaques et tromperies sur la Toile en 2007, un chiffre qui a doublé en cinq ans et généré des pertes annuelles de 170 millions d’euros. L’escroquerie nigériane rapporte en moyenne 1 400 € par personne arnaquée. Toutes les victimes n’osent pas porter plainte, étant donné qu’elles se sont prêtées à des transferts illégaux de fonds.

Pour lutter contre ce fléau, il existe des internautes qui se sont spécialisés dans la traque aux cyberarnaqueurs, comme une certaine « Julia Brandeau ». Sur son site, Croque-escrocs.com, se trouve une longue liste mise à jour grâce aux signalements des internautes. Cette jeune Francilienne se fait passer pour le « parfait pigeon » et fait « tourner en bourrique » les escrocs harponnés… « Mon site diffuse les faux documents utilisés par les escrocs et plein d’autres choses qui sont de l’ordre de la prévention », explique-t-elle sur Croque-escrocs.com.

Le fameux « Amaral Ganti » figure sur sa liste. Et pour ceux qui douteraient encore de l’arnaque, La Croix a contacté à Cotonou Célestin Gantin, 78 ans, médecin à la retraite et frère du cardinal. « Un prêtre ordonné par mon défunt frère m’avait signalé ce courriel. Mais je ne savais comment réagir, explique-t-il. En tout cas, je ne connais pas ce M. Amaral, et je suis bien le seul frère du cardinal Gantin ! »

Stéphane DREYFUS et Céline HOYEAU

http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2353735&rubId=4077#

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