Découverte
en Afrique du Sud de « Homo
Naledi », un nouveau lointain cousin de l'homme
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« Homo
Naledi », une découverte qui laisse perplexe
LE
MONDE, - Par Hervé Morin
"Homo
naledi", reconstitué par le paléo-artiste John Gurche. Image issue du numéro
d'octobre du "National Geographic". Mark Thiessen/National
Geographic
Lee
Berger jubile. Ce paléontologue américain, rattaché à l’université de
Witwatersrand à Johannesbourg, mal-aimé de nombre de ses collègues, leur vole la vedette. Il a mis la
main, dans une grotte
d’Afrique du Sud, sur des restes fossiles qu’il attribue à une nouvelle espèce
du genre humain, Homo naledi. Mais la façon dont il met en scène sa
trouvaille – avec l’appui du National Geographic, un documentaire
télévisé déjà bouclé, une sculpture de ce cousin putatif prête à entrer au
musée, etc. – risque d’aggraver sa réputation de chercheur
médiatique.
Le
choix de la revue où est décrit Homo naledi est aussi un sujet de
perplexité chez les spécialistes : elife,
diffusé en open access, n’a pas le statut de grands journaux comme
Science ou Nature,
où une telle découverte aurait pu naturellement trouver sa place. Mais c’est
surtout l’absence de datation pour les restes présentés qui complique
l’appréciation de ces fossiles. « Cela peut devenir une découverte très
importante, mais c’est l’âge géologique qu’on pourra attribuer à ces spécimens
qui le dira », commente Michel Brunet, découvreur de Toumaï
(7 millions d’années), au Tchad. En attendant, estime-t-il, on se trouve
face à une situation, « ultra-classique » en paléontologie
humaine, d’évolution dite « en mosaïque » : des individus qui
présentent un mélange de caractères modernes et archaïques, avec différentes
parties du squelette semblant appartenir à des âges évolutifs
distincts.
Un
corps évoquant l’humain moderne, un crâne
d’australopithèque
En
l’occurrence, H. naledi possède des pieds modernes, des mains qui le
sont aussi, hormis des phalanges courbes adaptées pour grimper aux arbres, tout
comme le sont ses épaules. Ses dents, primitives, sont petites, ce qui suggère
qu’il avait une alimentation énergétique – et pas seulement constituée de
végétaux supposant d’être équipé de larges dents broyeuses de fibres. Ne
dépassant pas 1,5 mètre de haut, il était doté d’un crâne d’un volume réduit. En
résumé, un corps évoquant des humains modernes de petite taille, et un crâne
plus proche de celui des australopithèques. Codécouvreur de l’australopithèque
Lucy en Ethiopie en 1974, Yves Coppens estime que « l’Homo
en question n’est bien sûr pas un Homo, avec la petite tête qu’il a, mais
un australopithèque de plus, de même qu’il y a eu de nombreuses espèces
différentes de cochons, d’éléphants, d’antilopes, en fonction des variations du
climat et des niches écologiques. » Tim White (Université de
Californie, Berkeley), co-découvreur de Lucy, y voit plutôt « une forme
primitive d’Homo erectus, un fossile décrit dans les années
1800 », rapporte le Guardian.
S’il
est trop tôt pour
statuer sur le statut exact d’Homo naledi et sa place dans l’arbre de
famille très buissonnant des hominidés, il n’en est pas moins inédit en Afrique
par le nombre de restes fossiles disponibles : plus de 1 500 ossements
attribués à une quinzaine d’individus de tous âges et des deux sexes. Bien
d’autres pourraient suivre. Les
conditions de découverte et de collecte elles-mêmes, détaillées dans le National Geographic, qui a financé les
fouilles, sont assez uniques : en octobre 2013, deux jeunes
spéléologues s’aventurent dans la grotte dite « Etoile montante »,
explorée depuis les années 1960, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest
de Johannesburg. Grâce à leur
petit gabarit, Steven Tucker et Rick Hunter se faufilent d’abord par un conduit
si étroit qu’il faut y progresser « comme superman » – un bras
collé le long du corps, l’autre tendu vers l’avant. Ils escaladent ensuite une
paroi et tombent par hasard sur une fissure qui les mène dans une chambre sur le
sol de laquelle sont éparpillés des ossements, dont une mâchoire.
Coupe
de la grotte "Rising Star" où les fossiles d'"Homo naledi" ont été retrouvés (à
paraître dans le numéro d'octobre du national Geographic). Jason Treat, National
Geographic, Source: Lee Berger, Wits
Ils
décident de montrer leurs photos à Lee Berger, dont ils savent qu’il est l’un
des « chasseurs d’os » de cette zone d’Afrique du Sud qui a déjà livré
nombre de fossiles, au point d’avoir été baptisée « berceau de
l’humanité » par l’Unesco. Lee Berger, qui en 2008 avait mis au jour
Australopithecus sediba, perçoit immédiatement la portée de la
découverte, mais sa stature imposante lui interdit d’accéder au site.
Qu’importe, il passe une annonce sur Facebook pour recruter des paléontologues
filiformes et non claustrophobes. Six femmes seront finalement retenues, qui
dégageront les fossiles pendant que Berger dirige les opérations via un réseau
vidéo, depuis un village de tentes installé en surface.
L'anthropologue
Marina Elliott (à gauche) et la paléontologue Ashley Kruger ont fait partie des
six "astronautes souterrains" suffisamment filiformes pour fouiller le site où a
été découvert "Homo naledi". (photo extraite du numéro d'octobre du National
Geographic) Elliot D L Ross
Pour
l’étude des fossiles, l’Américain, qui souhaite publier rapidement ses
résultats, décide de doper ses capacités d’analyse grâce à une procédure
inédite : il invite une trentaine de jeunes chercheurs à Johannesbourg,
pour une session marathon de six semaines, encadrée par une vingtaine de
chercheurs séniors.
Leurs
efforts laissent cependant de nombreuses questions encore irrésolues. L’âge,
tout d’abord, inconnu, qui permet toutes les spéculations – Lee Berger, qui a
par le passé fait quelques bourdes dans ce domaine, a raison d’être prudent.
Mais aussi les conditions dans lesquelles tous ces hominidés ont pu se retrouver
au plus profond d’une grotte aujourd’hui quasiment inaccessible. Parmi les
ossements, on n’a exhumé que quelques restes d’oiseaux ou de rongeurs. Ce n’est
pas un carnivore qui aurait rapporté ses proies dans son antre – du reste, les
fossiles ne portent pas de marques de dents. Dans d’autres grottes, les
ossements ont été transportés et regroupés par les eaux de ruissellement. Ce ne
semble pas être le cas ici.
Lee
Berger et ses collègues font donc l’hypothèse que les corps ont été transportés
là par leurs contemporains, qui auraient pu, à la lueur de torches, pratiquer
une forme d’inhumation – un soin apporté aux défunts et un intérêt pour
l’au-delà documentés uniquement à ce jour pour Homo sapiens et, dans des
cas plus discutés, pour Homo neanderthalensis. Mais de l’hypothèse à la
preuve, le chemin risque d’être encore long - à moins qu’il ne s’agisse d’une
impasse. Là encore, Yves Coppens penche pour une explication moins
spectaculaire : « Ils ont été pris dans un piège naturel.
»
Les ossements trouvés
en Afrique du Sud. Robert Clark/AP/SIPA - Robert Clark/AP/SIPA
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Découverte en Afrique
du Sud d'un nouveau lointain cousin de l'homme
Par Béatrice,
AFP – 10 septembre
2015
La nouvelle espèce a
été baptisée Homo naledi - "étoile" en sesotho, une langue locale sud-africaine
- et classée dans le genre Homo, auquel appartient l'homme moderne.
Les fossiles ont été
trouvés dans une grotte profonde et extrêmement difficile d'accès, à Maropeng,
près de Johannesburg, sur le très riche site archéologique du "Berceau de
l'humanité", classé au patrimoine de l'Unesco.
"Nous avons découvert
une nouvelle espèce de notre ancêtre", a annoncé avec enthousiasme Lee Berger,
qui a dirigé des explorations physiquement éprouvantes. "C'est un événement qui
marquera l'histoire", a ajouté Terry Garcia de la National Geographic Society,
lors d'une conférence de presse à Maropeng.
En 2013 et 2014, des
scientifiques internationaux ont exhumé plus de 1.550 os appartenant à au moins
15 individus, parmi lesquels des bébés, de jeunes adultes et des personnes plus
âgées. Les ossements n'ont pas encore été datés, mais cette découverte
représente le plus grand échantillon de fossiles hominidés jamais exhumés en
Afrique.
A quoi ressemblait
l'Homo naledi ? "Il avait un cerveau minuscule de la taille d'une orange et un
corps très élancé", selon John Hawks, chercheur à l'université américaine de
Wisconsin-Madison et auteur d'un article publié jeudi dans le magazine
scientifique eLife. Il mesurait en moyenne 1,5 mètre et pesait 45
kilos.
Ses mains "laissent
supposer qu'il avait la capacité de manier des outils", tandis qu'"il est
pratiquement impossible de distinguer ses pieds de ceux d'un homme moderne",
précise un communiqué conjoint de l'université du Witwatersrand, la National
Geographic Society et du ministère sud-africain des Sciences.
- Rites funéraires -
Les chercheurs,
soucieux de comprendre les raisons pour lesquelles les ossements se trouvaient
dans cette grotte quasi inaccessible, n'étaient cependant pas au bout de leur
surprise.
Cette chambre isolée
"n'a jamais été contact avec la surface", notent-ils. Le tunnel pour y accéder
est extrêmement raide et tellement étroit que seuls des chercheurs à la
morphologie menue ont réussi à se rendre sur les lieux de cette découverte
majeure.
"Nous avons imaginé
plusieurs scénarios, y compris la possibilité de l'attaque d'un super prédateur,
une catastrophe, une mort accidentelle ou encore un traquenard", avant
finalement d'éliminer toutes ses hypothèses, a raconté Lee Berger.
En fait, "nous avons
découvert une nouvelle espèce du genre humain qui pratiquait des rites
funéraires", a-t-il conclu. "Jusqu'à présent, nous pensions que le recours aux
rites funéraires était unique à l'Homo sapiens. Nous nous considérions
différents. Nous avons désormais découvert - en tout cas nous le croyons - une
espèce qui avait cette même capacité, et cela est une découverte
extraordinaire", a-t-il estimé dans une salle de presse
bondée.
Les ossements exhumés
en Afrique du Sud représentent un défi pour les chercheurs. Ils compliquent un
peu plus le tableau des hominidés, car l'Homo naledi présente à la fois des
caractéristiques propres aux hominidés modernes et
anciens.
"Ses mains, ses
poignets et ses pieds sont très proches de celles de l'homme moderne. Dans le
même temps, son petit cerveau et la forme de la partie supérieure de son corps
sont plus proches du groupe pré-humain des australopithèques", explique le
professeur Chris Stringer du Musée d'histoire naturelle de
Londres.
Cette découverte
pourrait donc permettre d'en apprendre davantage sur la transition, il y a
environ 2 millions d'années, entre l'australopithèque primitif et le primate du
genre homo, notre ancêtre direct.
Une importante
quantité des fossiles exhumés seront exposés au public à partir de vendredi et
pour un mois au "Berceau de l'humanité".
Depuis des années, ce
site, truffé de grottes et de fossiles de pré-humains et véritable mine
d'informations sur nos ancêtres, est un trésor pour les archéologues et
paléontologues.
Et Lee Berger
l'assure: "la chambre aux étoiles" où a été trouvé l'Homo naledi "n'a pas encore
révélé tous ses secrets, car il pourrait y avoir encore des centaines, voire des
milliers de fossiles d'Homo naledi".