Conférence sur
l'origine africaine des Beaux-arts de l'architecture et de l'urbanisme
L'histoire est une
des disciplines intellectuelles où la tentation de la construction et de
l'instrumentalisation idéologique est le plus souvent plus forte que le souci la
rigueur, la recherche de la vérité, et même l'exigence de l'honnêteté
intellectuelle et de l'honnêteté tout court. Ce constat est d'autant plus
frappant pour un vrai mathématicien dont la tradition intellectuelle lui impose
de ne pas se contenter de dire des choses justes, mais de justifier ce qu'il dit
par des « pièces à conviction » liées par une argumentation, comme un avocat qui
plaide une cause juste en ne se contentant pas d'affirmer la justesse de sa
cause, mais s'évertue à convaincre le juge par des « pièces à conviction »
présentées à la faveur d'une argumentation adéquate, comme je m'efforce de
l'inculquer aux étudiants de l'Université Paris 6 dont j'ai la charge de la
formation en mathématique, et à qui je ne me contente pas de faire acquérir des
connaissances, mais à qui je m'efforce de transmettre une vraie tradition
intellectuelle, conformément à la formule de Platon dans son livre Théétète : «
l'opinion vraie, étayée par le raisonnement, c'est cela la science, tandis que
l'opinion dépourvue de raisonnement est en dehors de toute science ».
C'est cette
tentation de la construction et de l'instrumentalisation idéologique en histoire
que dénonce en ces termes Jean-françois Champollion avec une rare honnêteté
intellectuelle mais avec toute son autorité incomparable de Père de
l'Egyptologie : « Voilà une des mille et une preuves démonstratives contre
l'opinion de ceux qui s'obstineraient encore à supposer que l'art égyptien gagna
quelque perfection par l'établissement des Grecs en Égypte. Je le répète encore
: l'art égyptien ne doit qu'à lui-même tout ce qu'il a produit de grand, de pur
et de beau, n'en déplaise aux savants qui se font une religion de croire
fermement à la génération spontanée des arts en Grèce, il est évident pour moi,
comme pour tout ceux qui ont bien vu l'Égypte ou qui ont une connaissance réelle
des monuments égyptiens existants en Europe, que les arts ont commencé en Grèce
par une imitation servile des arts de l'Égypte, beaucoup plus avancés qu'on ne
le croit vulgairement, à l'époque où les colonies égyptiennes furent en contact
avec les sauvages habitants de l'Attique ou du Péloponèse. La vielle Égypte
enseigna les arts à la Grèce, celle-ci leur donna le développement le plus
sublime, mais, sans l'Égypte, la Grèce ne serait probablement pas devenue la
terre classique des beaux-arts. Voilà ma profession de foi tout entière sur
cette grande question. Je trace ces lignes presqu'en face des bas-reliefs que
les Égyptiens ont exécutés, avec la plus grande finesse de travail, 1700 ans
avant l'ère chrétienne. Que faisaient les Grecs alors ….. ? » (extrait tiré de
l'ouvrage : L'Égypte de Jean-François Champollion, lettres & journaux de
voyage (1828-1829), photographies de Hervé Champollion (1988-1989) et préface de
Christiane Ziegler, Création Jean-Paul Mengès, Paris, (1990),
p.304).
Dans sa leçon
inaugurale au Collège de France le 10 mai 1831, le Père de l'Egyptologie
proclame de nouveau sa profession de foi sur cette question en déclarant : « L
'interprétation des monuments de l'Egypte mettra encore mieux en évidence
l'origine égyptienne des sciences et des principales doctrines philosophiques de
la Grèce ; l'école platonicienne n'est que l'égyptianisme, sorti des sanctuaires
de Saïs ; et la vieille secte pythagoricienne propagea des théories
psychologiques qui sont développées dans les peintures et dans les légendes
sacrées des tombeaux des rois de Thèbes, au fond de la vallée déserte de
Biban-el-Molouk. »
Près de deux
siècles après ces déclarations fracassantes du Père de l'Egyptologie contre
cette tentation de la construction et de l'instrumentalisation idéologie en
histoire, notamment en histoire des beauxarts et de l'architecture, tout se
passe comme si Jean-François Champollion avait crié dans le désert et que les
historiens n'ont rien changé à leur mauvaise habitude qui se confond souvent
avec leur mauvaise foi, comme le prouve la pièce à conviction constituée par un
pavé de plus de mille pages, publié chez l'éditeur des arts ayant pignon sur rue
Taschen, sous le titre « La sculpture de l'antiquité aux XXe siècle », sous la
direction de Georges Duby et Jean-Luc Daval.
Cette pièce à
conviction n'est que l'infime partie visible de l'iceberg de la construction et
de l'instrumentalisation idéologique en histoire. La plus grande partie de cet
iceberg qui reste immergée est constituée par le véritable lavage de cerveau des
générations d'étudiants depuis des siècles dans les institutions académiques
prestigieuses ou miteuses et des générations de profanes depuis aussi longtemps
par les canaux des médias de masse, et ce dans le monde entier, y compris en
Afrique même dont l'Egypte est une partie intégrante, et non du proche Orient
comme souvent perçu de nos jours et depuis les siècles de l'occupation arabe de
l'Egypte, au sujet duquel l'erreur de l'anachronisme est entretenue par son nom
officiel actuel « République Arabe Egyptienne », alors que l'Egypte des Pharaons
n'a rien à voir, comme nous le verrons tout à l'heure, ni avec les arabes, ni
avec les romains, ni avec les grecques, ni avec les perses, les occupants
successifs de l'Egypte des Pharaons.
Aussi,
s'impose-t-il plus que jamais de faire entendre « la voix du maître »
Champollion à la raison des enseignants, des étudiants et des profanes en
histoire des beaux-arts, de l'architecture et de l'urbanisme, conformément à la
tradition mathématique, par les « pièces à conviction » et l'argumentation.
Aussi, l'objet de cette conférence est de présenter une synthèse et un panorama
de telles « pièces à conviction » et d'une telle argumentation justifiant
l'affirmation du Père de l'Egyptologie et prouvant par ricochet et de manière
irréfutable « l'origine africaine des beaux-arts et de l'architecture », tout en
permettant ainsi aux enseignants et aux étudiants en beaux-arts et en
architecture d'éviter le ridicule de ne pas savoir d'où viennent leurs
disciplines, à défaut de savoir où elles vont, selon les conseils de la sagesse
africaine : « si tu ne sais pas où tu vas, sache au moins d'où tu viens ».
Commençons par justifier le « raisonnement par ricochet » qui nous permet de
passer de « l'origine égyptienne des sciences et des principales doctrines
philosophiques de la Grèce », selon l'expression du Père de l'égyptologie, à «
l'origine africaine des beaux-arts, de l'architecture et de l'urbanisme », et
qui consiste en « l'africanité et la négritude de l'Egypte ancienne
».
Pascal Kossivi
ADJAMAGBO Artiste,
Ingénieur des Ponts et Chaussées,
Agrégé et Docteur d'Etat en Mathématiques,
Enseignant-chercheur à
l'Université Paris 6.
Source : MAF (Mouvement des
Afriocains-Français), www.africain-francais.org
Le texte dans
le format pdf téléchargeable : Conference_Pascal_ADJAMAGBO_2009.pdf