par KamHoro Kaya Maghan, mercredi 8 septembre 2010
La
plus vaste étude menée en Afrique sur le génome humain retrace les origines de
l’humanité et pourrait permettre d’élaborer des traitements contre certaines
maladies.a plus vaste étude menée en Afrique sur le génome humain retrace les
origines de l’humanité et pourrait permettre d’élaborer des traitements contre
certaines maladies.
Voilà
200 000 ans que l’Homo sapiens
vit en Afrique et ce n’est que 100 000 à
150 000 ans plus tard qu’il s’est mis à conquérir le reste la planète.
Les hommes du continent noir possèdent donc une avance évolutionnaire
considérable sur les autres et celle-ci se traduit par une grande diversité
culturelle et linguistique. L’Afrique compte près de 2 000 ethnies
différentes et regroupe un tiers des langues du monde. Et cette diversité
s’observe également dans les gènes : nulle part ailleurs on ne trouve
autant de variété dans le génome humain.
Une étude à grande
échelle sur le sujet a été menée par une équipe de généticiens américains,
africains et européens. Ces résultats sont parus récemment dans la revue
Science. “Parmi les découvertes les plus
importantes que nous ayons faites, on peut citer cette immense diversité
génétique que l’on retrouve non seulement au sein des ethnies, mais également
entre les ethnies”, confie Sarah Tishkoff, de l’université de
Pennsylvanie à Philadelphie. “Il n’existe
pas de groupe ‘africain type’ qui serait représentatif de tous.”
Pendant près de dix
ans, Sarah Tishkoff et son équipe ont collecté des échantillons d’ADN auprès de
121 groupes ethniques répartis dans toute l’Afrique. Ils ont ensuite étudié
1 327 marqueurs génétiques. Il s’agit de séquences du génome humain
présentant de très nombreuses variantes. Les similitudes qu’ils ont découvertes
permettent de supposer que les tout premiers hommes ont vécu dans le sud-ouest
du continent, notamment dans la région délimitant
Partant du sud, les
hommes auraient ensuite colonisé le reste du continent africain – en
emportant leur langue et leur culture avec eux. On peut aujourd’hui classer les
langues africaines en quatre familles : les langues khoisan, aux clics
caractéristiques, les langues nigéro-congolaises, les langues nilo-sahariennes
et les langues afro-asiatiques. “Pour
qu’une langue arrive dans une nouvelle région, il faut au minimum deux
locuteurs”, explique Christopher Ehret, de l’Université de
Californie à Los Angeles. “Or, dans le
cadre de migrations, on a souvent un grand nombre de locuteurs qui s’installent
simultanément dans une nouvelle région. Il est donc normal que les déplacements
de population s’accompagnent également d’une circulation des
langues.”
On peut aussi
reconstituer des événements récents
Les chercheurs ont
toutefois trouvé des cas où le génome ne correspondait pas au modèle
linguistique. “Dans le nord du Cameroun et
au Tchad, il y a des personnes qui parlent une langue afro-asiatique mais
ressemblent sur le plan génétique à des locuteurs de langue nilo-saharienne. Ces
populations ont donc dû changer de langue à un moment de
l’Histoire”, confie Sarah Tishkoff. C’est ce qu’ont dû faire les
Pygmées d’Afrique centrale. Ils parlent aujourd’hui la langue des ethnies
voisines, une forme de bantou. Or l’analyse génétique montre que les Pygmées
partagent des ancêtres communs avec des ethnies qui vivent à des milliers de
kilomètres de là.
Sarah Tishkoff et son
équipe ne se sont pas seulement intéressés aux ancêtres communs des populations
africaines, ils ont également étudié les origines d’autres populations humaines
du globe. Il y a 50 000 à 100 000 ans, les hommes sont
partis du nord-est de l’Afrique, au niveau de la mer Rouge, pour conquérir le
reste du monde. Ils ont d’abord colonisé le Proche-Orient et l’Europe. A chaque
vague d’émigration, la diversité génétique s’est peu à peu amenuisée. Les
chercheurs appellent ce phénomène l’effet “goulot de bouteille.” “Ce sont les populations les plus anciennes qui
présentent la plus grande diversité génétique”, précise Sarah
Tishkoff.
L’étude du génome
africain permet également de reconstituer des événements historiques plus
récents. D’après leur matériel génétique, les Africains-Américains, par exemple,
viennent essentiellement de l’Afrique de l’Ouest.
Cette étude, la plus
grande jamais réalisée à ce jour sur la diversité génétique en Afrique, pourrait
apporter bien plus que de nouveaux éléments sur les origines géographiques de
l’homme. Pour Scott Williams, de l’université Vanderbilt de Nashville
(Tennessee), elle constitue aussi une base pour de futures recherches médicales.
“En retraçant ces variations de génome
dans les populations humaines, nous pourrions identifier des variantes
génétiques responsables de pathologies particulières ou trouver des moyens de
protection contre certaines maladies.” Les Africains de l’Ouest, par
exemple, présentent une prédisposition particulièrement élevée au cancer de la
prostate et à l’hypertension artérielle, alors que les Kényans et les Tanzaniens
ont une capacité à digérer le lait que l’on ne trouve chez aucun autre peuple
africain, ajoute-t-il.