Les
dix innovateurs africains
RFI
- Par Sabine Cessou Publié le 30-10-2015 Modifié le 30-10-2015 à 14:39
Ola
Orekunrin (au centre), jeune femme médecin qui a lancé les Flying Doctors au
Nigeria, premier service ambulancier aéroporté d'Afrique de l'Ouest.
DR
Tests
de dépistage, techniques de reforestation, logiciels, plantes résistantes à la
sécheresse, paiement par carte de crédit sans fil… Les Africains innovent, et
pas seulement au Nigeria, au Kenya et en Afrique du Sud. Du Burkina au Rwanda,
en passant par le Cameroun et la diaspora, des jeunes et moins jeunes se
distinguent par leurs inventions.
Arthur
Zang, concepteur du Cardio Pad
Le
polytechnicien camerounais a inventé le Cardio Pad en 2011, à l’âge de 24 ans.
Sa tablette médicale permet de suivre à distance la fréquence cardiaque d’un
patient, à moindre coût, en transmettant les résultats par téléphone mobile.
Afin d’éviter des déplacements fréquents aux malades, il pense à cette tablette
munie d’électrodes pour faire des électrocardiogrammes à distance et transmettre
les résultats aux 40 cardiologues que compte le Cameroun. Prix Rolex 2014, il
emploie à 28 ans sept ingénieurs dans sa société, Himore Medical, et planche sur
un appareil d’échographie à distance.
Ashley
Uys, dépisteur de paludisme et de drogues
Métis
du Cap de 33 ans, ce biotechnologiste commercialise depuis 2010 via sa propre
société, Medical Diagnostech,
le premier test paludéen africain, qu’il a mis au point. Son kit de dépistage
bon marché, vendu 30 dollars, est destiné à la population pauvre d’Afrique du
Sud. Il fonctionne pour tous les types de paludisme et indique dans les trente
minutes si le traitement est efficace. Il a lancé Oculus ID en 2013 pour
commercialiser sa dernière trouvaille : une application pour téléphone
mobile destinée aux parents qui soupçonnent leurs enfants de se droguer
- un fléau qui ravage les townships métis du Cap où il a grandi. Un premier
diagnostic tombe, avec une simple photo de l’adolescent les yeux ouverts, après
analyse biométrique de ses pupilles.
Ola
Orekunrin, SOS médecins par avion
Jeune
femme médecin de 29 ans formée à York, en Grande-Bretagne, puis à la médecine
régénérative au Japon, elle a tout plaqué pour lancer au Nigeria en 2012 le
premier service d’ambulance héliportée et d’évacuation sanitaire par avion
ouest-africain, les « Flying Doctors ». La mort prématurée de
sa sœur cadette, à l’âge de 12 ans, pendant des vacances au Nigeria, l’a poussée
à fonder cette entreprise. Nommée en 2013 parmi les Young Global Leaders
du Forum économique mondial, Ola Orekunrin, qui est aussi pilote d’hélicoptère,
a permis l’évacuation de 500 patients en trois ans. En dehors de l’Afrique du
Sud, aucune société du même type n’existe ailleurs sur le
continent.
Yacouba
Sawadogo, le paysan qui lutte contre le désert
Surnommé
« professeur » malgré son illettrisme, ce grand-père oeuvre à la
transmission d’une technique ancestrale revisitée par ses soins, le
« zaï », pour reboiser des zones sahéliennes. L’homme qui a arrêté le
désert, titre du documentaire britannique qui lui a été
consacré en 2010, a réussi l’exploit de planter 15 hectares de forêt à Gourga,
son village, dans le nord-ouest du Burkina Faso. Son secret est désormais un
modèle : il consiste à creuser des trous plus larges et plus profonds pour
planter des arbres, afin de mieux retenir les eaux de pluie. Associée à l’usage
du compost pour enrichir le sol, elle donne de très bons résultats. Une fois la
terre enrichie grâce à la forêt, les cultures de mil et de sorgho deviennent
plus faciles à proximité.
Jill
Farrant, les plantes qui survivent aux sécheresses
Professeur
de biologie à l’université du Cap, elle a découvert les mécanismes cellulaires
qui permettent aux plantes de survivre à des périodes de sécheresse. Cette Sud-Africaine de 54 ans poursuit des
recherches sur des cultures comestibles et résistantes à la sécheresse, telles
que l’eragrostis tef, une plante d’Ethiopie. Les enjeux sont énormes :
mieux préparer l’Afrique au réchauffement climatique en cultivant des variétés
résistantes, sans forcément recourir aux OGM.
François
Sylla, les rayons laser à moindre coût
Fils
d’une Polonaise et d’un Guinéen, ce polytechnicien de 33 ans né à Lomé a grandi
à Conakry et étudié en France, où il a fait une découverte dans la technologie
du laser-plasma. Son invention, « l’accélération du laser-plasma »,
convertit l’énergie laser en particules, pour l’adapter à des applications plus
compactes et économiques. Les marchés pour son appareil sont la médecine avec la
radiothérapie et l’optique, l’inspection de matières denses comme des trains
d’atterrissage d’avions. Après avoir terminé sa thèse, il a fondé en 2012 la
start-up SourceLAB avec un associé français, et reçu
en mars 2014 le prix Norbert Ségard de l’innovation, doté de 15 000 euros,
qui soutient les jeunes créateurs d’entreprise.
Ory
Okolloh, le contrôle citoyen en ligne
Avocate
et blogueuse kényane de 38 ans, l’ex-responsable de la stratégie de Google en
Afrique est aujourd’hui en charge des investissements « à impact
social » chez Omidyar Network, une firme lancée en 2004 par le patron de
eBay. Après ses études à Harvard, elle a co-fondé les sites Mzalendo
(« patriote » en swahili) pour suivre l’actualité du Parlement kényan
et Ushahidi (« témoin ») pour
collecter les témoignages sur les violences politiques de la fin 2007, après une
présidentielle contestée. Ce média social avait permis aux citoyens de croiser
en temps réels leurs informations via SMS, email, Twitter et internet, tout en
localisant les incidents sur Google Maps. Curieusement, le logiciel « open
source » Swift River, développé pour cette plate-forme, n’a pas été repris
ailleurs en Afrique pour exercer un contrôle citoyen. Il sert désormais à
coordonner des actions d’urgence lors de catastrophes naturelles à travers le
monde, parmi lesquelles le séisme de 2010 en Haïti.
Jason
Njoku, distributeur digital de films africains
Après
des études de chimie à Manchester et une série d’échecs qu’il raconte sur son blog, il lance en 2010, à 30 ans, iROKO
Partners avec son associé britannique Bastian Gotter. La société détient quatre
portails sur le web : iROKO TV diffuse un catalogue de près de
2 000 films sortis des studios de Nollywood, iROKING vend de la musique
made in Nigeria, NollywoodLove poste sur YouTube les dernières nouveautés
de Nollywood, tandis que YorubaLove se spécialise dans les films en langue
yorouba. En 2015, fort d’un revenu annuel de plus d'un million de dollars, le
groupe lance Spark, un incubateur de start-up nigérianes qui vise à développer
d’autres services internet.
Stafford
Masie, le paiement par carte de crédit sans fil
Nommé
directeur de Google en Afrique du Sud en 2007, ce geek métis sud-africain de 40 ans a créé en
2010 sa société Thumbzup pour vendre son « Payment
Pebble » (« galet de paiement »), via un contrat avec la banque
Absa. Grâce à l’appareil qu’il a conçu, il est possible de régler des achats par
carte de crédit, à l’aide d’un smartphone. Cet engin sans fil, vendu
moins de 40 dollars, permet aux commerçants d’accepter les cartes de crédit de
manière plus flexible - par exemple, un plombier après des travaux chez un
client.
Clarisse
Iribagiza, la révolution mobile
Cette
Rwandaise de 27 ans a fondé en 2010, alors qu’elle était encore étudiante, le
laboratoire d’innovation HeHe Labs, d’après un
mot de kinyarwanda qui signifie « où ». L’objectif : concevoir
des applications « africaines pour les Africains », via les téléphones
mobiles, pour aider les entreprises à être en contact avec leurs clients.
Egalement co-fondatrice en 2011 du réseau de start-up rwandaises iHills,
Clarisse Iribagiza gère une société qui génère 200 000 dollars de chiffre
d’affaires par an et offre des programmes de formation aux élèves, pour les
initier à la conception informatique dès le collège.
http://www.rfi.fr/hebdo/20151030-dix-innovateurs-africains-technologies-science-informatique