Célébration
: on a rendu hommage à Daniel Biyaoula et Jacques Loubelo ce 1er
novembre
Par
Simon Mavoula - 05/11/2014
Samedi
1er novembre 2014, fête de tous les morts, hommage a été rendu à l’écrivain
congolais Daniel Biyaoula et à l’artiste Jacques Loubélo.
Comme rappelle le poète, ils sont passés de « l’autre côté du miroir » voici peu. « Vivants sont les morts ». En cette journée de tous les saints, La Maison de l’Afrique, a brillé par l’esprit des communications comme si, de là-haut, Biyaoula et Loubélo, soufflaient leurs idées aux conférenciers et à ceux qui ont pris la parole durant l’échange interactif. Il s’agit notamment de Mboka Kiessé (mathématicien), Charles Nkounkou (philosophe) Jean-Aimé Mouketou (historien/géographe), Jackson Babingui (artiste), Gustave Daniel Bimbou (sociologue), Loko Massengo (Artiste), Fernande Matha. C’est au groupe ICES, à la revue Nouvelles Congolaises dirigés par le mathématicien Alain Kounzilat et aux Editions Paaris dirigées par Mawawa Kiessé que nous avons eu droit à ce rituel commémoratif. Que grâce leur en soit rendue.
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Des communications de haut vol
La
philosophie de Daniel Biyaoula
Achille
Kissita, Alain Kounzilat, Mawawa Kiessé ont montré le statut singulier et
complexe de Daniel Biyaoula demeuré fidèle à ses convictions panafricaines
tandis que, Grégoire Biyogo, redoutable philosophe, a modéré avec brio les
débats. Biyaoula, romancier de l’angoisse, a réalisé une trilogie,( « la source
de joie » ,« Agonies », « L’impasse ») qui forme un système et dont le deuxième
titre semble porteur d’une prémonition dramatique, car Daniel a trépassé ex
abrupto. Ses héros n’empruntent pas les sentiers battus. C’est le cas du «
Parisien » qui se fiche des apparences esthétiques, au grand dam du public
brazzavillois habitué à l’exhibition vestimentaire de ceux qui ont côtoyé la
haute couture occidentale et qui campent leur raison d’être dans la sapologie.
Réputé
pour la complexité de son écriture, Daniel Biyaoula refusait de s’aligner sur la
pensée dominante parisienne. Conséquences : il fut exclu du conclave comme on le
fait généralement des « empêcheurs de tourner en rond ». Son style, fut
ésotérique ; rien en commun avec la fluidité candide d’un Alain Mabanckou, ami
de la première heure. Difficile dans ce cas qu’on l’inscrive au programme des
livres scolaires comme Henri Lopes qui, pour l’instant, semble en avoir
l’exclusivité. Suivez notre regard... Au colloque de Bamako, sa prise de
position iconoclaste lui valut son bannissement du groupe des tenants la pensée
orthodoxe et, du coup, cette exclusion accentua son ancrage dans la...tigritude,
forme radicale de la négritude. C’est le lot des panafricains d’être mis hors
jeu de la polis et de la pensée policée.
Or
Biyaoula fut un intransigeant militant des droits de L’Homme Noir que certains
veulent confiner à jamais dans lesanglot. On a évoqué la brusquerie de sa mort.
Le poète et ami sénégalais Amadou Elimane Kane l’apprit, sans y croire, à Dakar.
On a évoqué cette fin impromptue comme une trahison du destin ; tout comme celle
de Léopold Congo-Mbemba, poète arraché prématurément à la vie dont on n"arrive
pas à imaginer la disparition. On a parlé de la solitude. Biyaoula se coupa du
réseau parisien. On a fait allusion, au cours des débats, de son déménagement,
en région parisienne, d’un immense appartement vers un modeste logis ;
transition symbolisant un enfermement de l’auteur dans une immensesolitude comme
sut définir cet état d’isolement spirituel Gabriel Garcia Marques.
Manuscrit
La
planète littéraire de D. Biyaoula fut un bouillon de culture influencé par sa
sagacité de biologiste (sa formation de base), en compagnie du philosophe, Ange
Sévérin Malanda (absent à la commémoration de ce 1er novembre) et de l’homme des
Lettres Amadou Elimane Kane ! La question de l’identité a été également au cœur
de sa problématique familiale ; notamment sur le plan onomastique. Son frère,
Fulgence Biyaoula, leader syndical, posa d’entrée de jeu la question de l’état
civil au début des années 1960 en se déguisant en femme et en se donnant, par
stratégie, le prénom de leur mère (Marie-Louise). Daniel Biyaoula a laissé un
manuscrit chez Présence Africaine. Il ne s’en séparait jamais à la fin de sa
vie. Il était comme hanté par la peur de le perdre. Sentait-il sa mort venir ?
Cette prémonition habite souvent les génies artistiques.
Jacques
Loubelo
Jacques
Loubelo est également décédé brusquement alors qu’il caressait plusieurs
projets, notamment un voyage en France. Mawawa Kiessé, surpris par la mort du
musicien, a aussitôt réalisé un recueil bilingue de ses chansons majeures. Qu’a
chanté Jacques Loubélo ? Ses thèmes ont abordé nombre de secteurs de la vie : la
société, la politique, les mœurs tribales, l’interculturalité. Cela dit, les
artistes et écrivains congolais souffrent de la question des droits d’auteurs.
Présents à La Maison de l’Afrique Loko-Massengo et Jackson Babingui ont témoigné
de cette spoliation qui ajoute aux difficiles conditions matérielles de ceux qui
produisent les œuvres de l’Esprit. « Mpasi zo ntama za touka » renvoie à
l’esclavage, un épisode qui explique la présence des Kongo en Amérique , surtout
en Nouvelle-Orléans.
« En
séjour avec le groupe Kékélé en Louisiane, j’ai vu le square dédié aux Kongo.
Les Noirs croisés dans la rue n’étaient pas différents des Congolais » se
souvient Loko-Massengo. Rien de tel qu’un passage de la théorie à la pratique.
Muni d’une guitare, Jackson Babingui a repris en live « Ntangou za nsoni » et «
Mpassi zo » en accompagnant au chœur Achille Kissita, formidable ténor. Un
cocktail a bouclé l’hommage après que le modérateur, l’égyptologue Grégoire
Biyoko, ait pris l’engagement de surveiller le manuscrit de Biyaoula déposé chez
l’éditrice Alioune Diop en sachant que Présence Africaine a coutume de geler
tout travail devenu litigieux du fait des héritiers. C’est le cas du pavé de
plus de quatre cents pages légué par Daniel Biyaoula. Dans la salle, on a noté
la présence de Me Marie Albert Kolélas, de l’historien Victor Bissengue, du
dramaturge Massengo-ma-Mbongolo.
http://www.journaldebrazza.com/article.php?aid=5169