Le Crime de
Napoléon, par Claude Ribbe, Paris, Edit.
Cherche Midi, Collection Documents, avril 2013, 192 p.
En 2005, dans un
climat d’idolâtrie napoléonienne largement favorisé par l’exaltation du Premier
ministre de l’époque, Villepin, qui venait d’organiser un coup d’État à
Port-au-Prince, j’avais estimé nécessaire d’écrire un livre pour rappeler que
Napoléon Bonaparte avait, en 1802, rétabli l’esclavage, pourtant aboli par
C’était l’époque où
Chirac, Président de
Il me semblait
impossible que
La chape de plomb
qui pesait sur
Jamais personne
n’avait osé écrire un livre entièrement consacré à ce que Napoléon, par racisme,
avait fait aux Antilles.
C’est pourquoi cet
ouvrage a suscité des réactions médiatiques d’une rare violence, surtout de la
part de ceux qui ne l’avaient pas lu ou qui, l’ayant lu, ne l’avaient pas
compris.
Les 30 000
exemplaires imprimés en 2005 ayant été vendus en quelques semaines, le livre se
trouvait épuisé et quasiment introuvable depuis 2006, bien que republié dans des
versions étrangères (au Brésil et en Chine notamment).
Quelle que soit la
forme de cet ouvrage, les faits historiques, accablants pour Napoléon, qui s’y
trouvent relatés, n’ont jamais été mis en doute que par les ignorants. Jamais
par les plus éminents spécialistes de l’histoire napoléonienne, tels que Jean
Tulard, avec lequel j’ai eu l’occasion de converser depuis. Le prince Charles
Bonaparte lui-même - héritier de la dynastie impériale - a lu Le Crime de
Napoléon et a publiquement reconnu les faits avec honnêteté et
sérénité.
Il est vrai que,
bien avant moi, Victor Schoelcher avait dénoncé dès 1889 dans sa Vie de
Toussaint-Louverture le fait que le corps expéditionnaire napoléonien avait
utilisé des gaz pour exterminer la population civile d’Haïti, réfractaire au
rétablissement de l’esclavage, sur le critère de la
couleur.
De nombreux
officiers de l’armée française, et en particulier de
Personne ne peut
nier qu’un génocide a été tenté en 1802 contre des civils sous le critère de
leur couleur de peau.
Personne ne peut
nier que, pour la première fois dans l’histoire, des hommes ont cherché à
rationaliser l’extermination de leurs semblables en se fondant sur le critère de
la « race ».
Personne ne peut
nier que ceux qui n’ont pas été massacrés ont été déportés dans des camps, en
Corse et à l’île d’Elbe et qu'il n'y a pas eu de
survivants.
Je me suis rendu sur
place et j’ai pu visiter les lieux, qui existent toujours. J’ai emprunté, non
sans émotion, cette route de montagne escarpée entre Ajaccio et Bastia qui a été
construite par les officiers et parlementaires déportés des Antilles, condamnés
à mourir au travail enchaînés dans la neige, privés de nourriture et de
vêtements.
Le Crime de
Napoléon révèle en outre un
témoignage établissant que Toussaint Louverture a été assassiné au fort de
Joux.
Reste la question de
la comparaison avec Hitler, qui a suscité certaines critiques, bien que tel ne
soit pas le thème fondamental du livre, malgré sa
couverture.
La barbarie de ce
qui a été perpétré en Guadeloupe et en Haïti sur ordre de Napoléon était sans
précédent en 1802.
Depuis, hélas, un
admirateur inconditionnel de Napoléon, Adolf Hitler, a accompli d’autres
monstruosités. La différence est une différence d’échelle, bien sûr - des
millions d’êtres humains et non plus quelques dizaines de milliers - et le fait
que les victimes, cette fois, avaient la peau plus claire.
La comparaison entre
Hitler et Napoléon n’est pas une première. L’historien britannique Desmond
Seward a publié en 1988 une biographie comparée des deux dictateurs (jamais
traduite en France). Napoleon and Hitler, a comparative
biography.
Aimé Césaire, qui
fut l'un des lecteurs du Crime de Napoléon et demanda dans les mois qui
suivirent à me rencontrer, avait implicitement comparé, dans le Discours sur
le Colonialisme, les horreurs du nazisme avec les horreurs de l'esclavage et
de la colonisation.
Et d'ailleurs, qui
donc a décidé et de quel droit qu'il serait interdit de comparer
?
On a dit que
Napoléon est un personnage historique et qu’il n’appartient pas aux historiens
de juger. Mais qui oserait dire la même chose de Hitler qui est pourtant, lui
aussi, un personnage historique ?
Qu’on m’explique la
différence entre un enfant gazé en 1802 par le corps expéditionnaire français et
un enfant gazé en 1942 par les nazis ?
La couleur de peau
?
Bien sûr, Napoléon -
si l’on met de côté cet aspect monstrueux du personnage - n’est pas sans
mérites. Il a contribué à établir plusieurs institutions françaises : le code
civil,
Mais l’honneur, quel
que soit le prix à payer, c’est aussi de dire la vérité.
Aujourd'hui un
important réalisateur et producteur américain, Spielberg, par ailleurs auteur
d'Amistad, une oeuvre dénonçant l'esclavage, envisage un film sur
Bonaparte. De son côté, un ancien ministre de l'Outre-mer, qui ne m'a jamais
reproché, lorsqu'il était en fonctions, d'avoir écrit Le Crime de
Napoléon - bien au contraire - s'efforce de créer un parc d'attraction
consacré à l'Empereur dans sa commune. Je forme le voeu qu'à ces occasions,
grâce à ce pamphlet, l'aspect sombre et tragique de Napoléon Bonaparte ne soit
pas occulté.
Et qu'on juge, par
la même occasion, de la sincérité de celles et de ceux dont la mémoire de
l'esclavage est devenue le fonds de commerce mais qui, plutôt que de dénoncer
l'esclavagisme de Napoléon, ont été les premiers à aboyer contre ce livre.
Je dédie cette
nouvelle édition du Crime de Napoléon à mes ancêtres de
Je suis leur mémoire. Je persiste et je signe. Il y aura même un film. Et l'histoire jugera.
Le Crime de
Napoléon
réédition française au Cherche-Midi le 11 avril
2013