Entretiens sur les non-dits de la décolonisation

de Louis Sanmarco et Samuel Mbajum

Préface du Président Abdou Diouf

 

 

Le compte rendu de lecture et le point de vue

 

"Tout au long de sa carrière, Louis SANMARCO se fit le champion de la justice, de la tolérance et de la vérité envers les populations qu’il administra, pour l’honneur de la France et l'amour de l'Afrique."

( Abdou DIOUF, Secrétaire général de la Francophonie)

 

 

ZO KWE ZO ! (“Un homme vaut un homme!": devise de B. BOGANDA)

" Je sais, je dis, je le répète, que M. SANMARCO est la dernière chance de l’Oubangui. Il est mon ami : je n’en fais pas mystère. Mon ami ? Il le sera toujours, et partout. Mais il est aussi – et avant tout – l’ami du peuple oubanguien. À ce titre sa place est à Bangui. L’intérêt de la République le commande, et je le demande au nom de 90% de la population oubanguienne. Les résultats des dernières élections m’en donnent le droit le plus absolu. " (Barthélémy BOGANDA, dans une lettre adressée au Haut-Commissaire de l’Afrique Équatoriale Française (AEF) le 08 juin 1956.)

 

 

Présentation par l'éditeur :

Certains administrateurs des colonies, dont le Gouverneur SANMARCO, ont adopté comme principe d'action la devise de Barthélemy BOGANDA : ZO KWE ZO. Un Homme vaut un Homme et ils se sont battus pour l'égalité des droits quand ces droits n'existaient pas. Le référendum triomphal de 1958 a semblé consacrer le succès de l'inlassable recherche de l'égalité des droits dans la République... mais la conjonction, d'une part de l'idée chez les Français que la Grande France (à laquelle aspiraient les tenants de l'égalité) allait submerger la métropole et, d'autre part du réalisme des Africains qui constatèrent l'impossibilité d'obtenir à la fois la reconnaissance de leur identité et l'égalité des droits, mena à l'indépendance. Horrifié que l'on prétendît le faire " penser au pas ", le Gouverneur SANMARCO, qui fut un homme de terrain pendant des décennies et qui assuma la présidence de l'ASECNA, nous livre un témoignage retraçant les étapes de la décolonisation qui ont pu conduire Maurice KAMTO, anti-colonialiste notoire, à dresser ce réquisitoire à l'encontre des dirigeants africains actuels : " Le plus insupportable... c'est de nous avoir fait regretter un régime que nous avions combattu et que nous vomissions à pleine gueule! ". Des vérités qui dérangent mais qui ne sauraient passer à la trappe de l'Histoire.

 

ISBN-10: 2915680736 / ISBN-13: 978-2915680737

Éditeur : Éditions de l'Officine, Paris, Broché: 420 pages, Langue : Français, 19 avril 2007

 

Source : http://www.afriquedebout.com/images/lettre.jpg

 

 

 

 

Ils ont lu les " Entretiens sur les non-dits de la décolonisation", ils disent à propos du Gouverneur Louis Sanmarco :

 

1 - L’interview historique de Sanmarco réalisée par Samuel Mbajum dénonce par ailleurs le marché des dupes de la décolonisation.

par Jean Philippe Nguemeta - 30-04-2009 - lejourquotidien.info

 

Entretiens sur les non-dits de la colonisation… est la résultante des entretiens que le gouverneur Sanmarco a eus avec Samuel Mbajum qui a été attaché de presse à l’ambassade du Cameroun à Paris.

Leur ambition est d’éclairer certaines  zones  d’ombre  de la période coloniale que l’administrateur des colonies et gouverneur de la France d’Outre-mer (Sanmarco) a vécue, Il en est de même des années  qui ont suivi les indépendances : « Louis Sanmarco y répond volontiers et sans ambages : c’est ce qui donne à ses réponses une authenticité réelle ; son langage simple, précis, parfois cru révèle un homme qui connaît les réalités du terrain, épris de vérité », nous dit Abdou Diouf, préfacier de l’ouvrage.

Il s’attachera à combattre en Oubangui Chari, les dérives de la société concessionnaire « la compagnie forestière Sangha-Oubangui » qui maltraitait les indigènes et fixait les prix de caoutchouc à 2 francs, alors que dans les subdivisions voisines, on payait plus cher. Hors de toute procédure administrative, et sans se référer à ses supérieurs hiérarchiques, il introduisit la liberté de commerce et le prix du caoutchouc passa de 2 francs à 4, 25 francs : « C’était honteux, indigne de la France et du rôle que nous devons jouer », s’indigne- t-il. Il met ainsi en exergue la culpabilité des multiples crimes dont s’est rendu coupable le colonialisme français. Sa hargne contre ses compatriotes tels que Jean Marie Domenach, sa présentation des sources coloniales ou françaises de la corruption qui a été facilitée chez nombre de dirigeants après les indépendances par les contradictions de l’administration française qui interdisait une chose tout en l’autorisant les événements de 1945 à Douala, les péripéties de son retour à Garoua et à Ebolowa montrent qu’il est un humaniste, même si on peut décrier la générosité suspecte des sacrifices de la métropole. Il établit (p.238) en effet  que la France a favorisé le développement  de nombreux produits coloniaux : café, bananes, arachides, riz d’Indochine…

« La politique coloniale d’une démocratie  ne peut être qu’ambiguë ». Ces propos de Périclès traduisent l’ambiguïté de la falsification de l’histoire d’un peuple ou le rôle négatif des mensonges. En affirmant à la page 382 : « Je déplore plusieurs choses, en particulier que notre histoire commune ait été falsifiée, aussi bien par les Français que par les Africains », Louis Sanmarco déplore l’étouffement et les mensonges qui ont  finalement un rôle négatif tant pour les Africains que pour des Français. L’attitude de « détachement apparent » que  Sanmarco a adoptée tout au long de sa carrière et la justification négationniste par certains de quelques pans de l’histoire ont donc motivé Samuel Mbajum à rédiger ce livre. Au-delà de la problématique de la falsification de l’histoire, le problème de la colonisation, de ses bienfaits ou méfaits reste un dossier sensible. Aussi, reconnaît-il « qu’il y a beaucoup de non-dits », de « mensonges » dans cette affaire, et des deux côtés ».

Ces entretiens qui se font en deux parties évoquent dans la première partie, les conditions  dans lesquelles s’opéra la décolonisation de l’Afrique. La deuxième partie traite de la carrière de l’ancien gouverneur de la France d’Outre- mer sur le terrain.

 

 

2 – Hommage au Gouverneur Louis Sanmarco (1912 – 2009)

par THEODORE JOUSSO

 

Cinquante ans (50) après Barthélémy BOGANDA, dont il est demeuré un des fidèles admirateurs de la vision politique, le Gouverneur SANMARCO vient de tirer sa révérence en cette année de grâces 2009, cinq mois à peine, après le professeur Abel GOUMBA, cet autre combattant de la liberté.

Rendre un vibrant Hommage à cet ancien Gouverneur de la France d’Outre-mer, relève d’un exercice délicat s’il en est. Il pourrait, en effet, donner lieu à des interprétations diverses selon les sensibilités; polémiques d’une part, mais à la réflexion, inviter à beaucoup de nostalgie et susciter de l’admiration lesquelles  mériteraient d’être retenues d’autre part!

Le caractère humaniste, ainsi que la richesse du parcours de ce grand commis de l’Etat, m’ont convaincu de l’utilité à vous faire partager quelques confidences sur cet homme de dimension exceptionnelle !

Oui! SANMARCO m’a séduit ! Séduit par la profondeur et la sincérité des sentiments d’Amour qu’il a toujours porté à la République Centrafricaine, mon pays, et par son indéfectible engagement au service de l’Afrique en général et surtout de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et Madagascar (ASECNA) en particulier.

Un bienheureux hasard, comme il n’en existe que par le fait Divin, m’offrit la généreuse rencontre de cet homme atypique. IL m’est apparu d’un esprit vif et alerte malgré le poids de l’âge et de la sournoise maladie qui commençaient à lui faire perdre la mémoire, en s’incrustant insidieusement dans tout son être.

Par devoir de mémoire, et par amitié pour les peuples africains, il publiera en 1983 « le colonisateur colonisé » et les » Non-dits de la Décolonisation » dans un livre entretien avec SAMUEL MBAJUN (2007).

En ce 11 Janvier 2005, par un temps de douces Alizées berçant les côtes des Almadies de Dakar, le bonheur d’organiser l’Agenda du Premier Président du Conseil d’Administration de l’ASECNA, m’aura conduit à partager avec ce grand homme des moments privilégiés d’échanges palpitants.

Animé du désir de se recueillir sur la tombe de son ami, feu Amadou AHIDJO, ancien Président du Cameroun décédé à Dakar quelques années plus tôt, Louis SANMARCO me révéla un trait de son caractère ; la fidélité en Amitié.

Cette journée particulièrement riche en révélations, me fera connaitre certains aspects inédits de l’histoire de mon  pays. L’entretien s’est naturellement déroulé en Français,  évidemment, me direz-vous ! Mais aussi et à ma grande surprise,  en SANGO, pour une large part. Il s’amusait à me montrer qu’il avait encore la parfaite maîtrise la langue nationale centrafricaine, en souvenir de l’amitié qu’il n’a cessé de porter à ses habitants.

Dans un langage direct, parfois cru et déroutant, cet homme me fait entrevoir sous un éclairage nouveau sa connaissance profonde de l’Afrique. 

En 1936, jeune élève administrateur, fort de ses vingt quatre (24) printemps, Louis SANMARCO, pose ses malles à Ngotto, subdivision de Boda en Territoire de l’Oubangui Chari. A cette époque, l’administration de cette colonie Française relève de l’autorité des différents échelons administratifs (districts, régions et subdivisions) tandis que  sa mise en valeur (exploitation) est  (sous traitée)  aux sociétés concessionnaires.

 La Compagnie Forestière Sangha Oubangui, rendue célèbre par son exploitation féroce et éhontée des populations locales, s’appuyant sur un monopole de fait, achète le caoutchouc à bas prix tout en accordant aux vendeurs des crédits de campagne à des taux usuraires. Son agent local faisait coïncider l’achat du caoutchouc avec la date de paiement des impôts. Les malheureux vendeurs rentraient bredouille, et à nouveau très endettés. Après des mois de dur labeur, ils n’avaient plus rien pour faire vivre leur famille. Clin d’œil à l’histoire, le Système n’a guère fondamentalement changé, Ironie du sort…...

Outré, le jeune administrateur demanda aux cueilleurs de différer dorénavant le paiement de l’impôt. De ce fait, ils n’avaient plus besoin de crédit de campagne de La Forestière. Par la suite, il fit doubler le prix d’achat du caoutchouc et ouvrit ce marché à la concurrence pour casser le monopole. Cette décision salutaire rendit fou de joie les populations locales. Quelques temps après, il rétablit Samba NGOTTO dans ses fonctions de chef de Canton qu’il avait perdu par une décision arbitraire, pour avoir délibérément informé André GIDE  des comportements répréhensibles de la compagnie Sangha OUBANGUI. Ces témoignages serviront de trame au livre d’André Gide : Voyage au Congo,  publié en 1927.

« Dans cette œuvre, André Gide relate avec une description virulente les relations que les Français ont avec le pays colonisé notamment au Congo. Il y dénonce les maltraitances infligées aux indigènes de race inférieure et la forte ségrégation raciale qui y règne. Pour autant, ce texte ne saurait constituer une dénonciation du colonialisme. La mission civilisatrice de la France est souvent rappelée et André Gide entend rappeler à chacun ses responsabilités : des sacrifices doivent être consentis par les populations africaines au nom du bien-être à venir de la collectivité ; la France ne doit pas abandonner ses prérogatives aux concessionnaires, souvent très critiqués pour leur dangereuse cupidité ; des administrateurs compétents doivent pouvoir limiter l’action néfaste de quelques aventuriers en quête d’argent. »

SANMARCO s’attachera de toute sa fougue juvénile à combattre et dénoncer l’exploitation et l’arbitraire érigé en loi par les concessionnaires. L’audace insouciante de ce Jeune Administrateur incarne l’idéal de justice envers les populations indigènes, et qui souhaite donner de la France une tonalité plus en conformité avec les idéaux de la révolution de 1789 dont elle se réclame.

En 1954, il revient en OUBANGUI CHARI, en qualité de Gouverneur par intérim, poste dont personne ne veut et accepte de relever le défi. Bien lui en prend car dans ce pays qu’il aime et connait déjà, il rencontrera un homme en pleine ascension politique, l’ex-Abbé Barthélémy BONGANDA, l’un des plus brillants hommes politique Africain en ces années cinquante (50).

De 1954 à 1958, les deux hommes entretiennent une relation apaisée malgré la singulière diabolisation de BOGANDA par les colons.

Au lendemain de son élection à la Mairie de Bangui, la foule se pressait le long du fleuve, « pour voir BOGANDA marchant sur les eaux» ! Il n’aimait pas ça, me confiât paternellement SANMARCO; car le père fondateur de la République Centrafricaine souffrait réellement de l’état d’esprit arriéré et de la grande crédulité des masses populaires et mesurait déjà  l’impact négatif de ces croyances qui constituent de véritables obstacles à tous progrès.

Le commerce entre les deux hommes évolue en dents de scie, et pour palier aux différents inhérents à ce genre de relations, l’administration de manière subtile finira par trouver le moyen de neutraliser Boganda en mettant son parti en minorité à l’Assemblée territoriale par la technique bien rodée, consistant à « retourner» quelques élus du camp adverse, ce que nous appelons encore avec ironie de nos jours «le Koudou Farisme»; du nom du fameux Député Koudou FARA, rendu célèbre pour avoir fait basculer la majorité Parlementaire en 1998.

Sur la Décolonisation, SAN MARCO, avec un franc parler et le sens de la formule croustillante qu’on lui reconnaît, avoue sans ambages : » c’est un marché de dupes « : d’un coté, la Métropole n’avait plus les moyens d’assurer tous les couts de  l’assimilation à l’Empire; de l’autre coté, les africains n’étaient pas suffisamment préparés à assumer les lourdes charges d’un Etat moderne; en vérité, les aspirations profondes de nombreux leaders étaient de bénéficier de l’égalité des droits et devoirs au sein de « la France Immortelle, Une et Indivisible » .

Le problème  d’intégration à la société française, peu ou prou à l’origine des indépendances africaines, demeure encore d’une actualité brulante  avec les récurrentes revendications des populations immigrées d’origine africaine.

Aux débuts des Indépendances Africaines, SANMARCO est Directeur des affaires Sociales au ministère de la Coopération. C’est sous son impulsion, qu’est créé le célèbre service Hygiène Mobile et Prophylaxies, l’Office Central de lutte contre les grandes endémies et le fameux Centre International des Etudiants et Stagiaires (C.I.E.S) qui accueillera de nombreux cadres Africains.

Sa philosophie de la Coopération est basée sur un principe immuable: la coopération ne doit pas être perçue comme une Pénitence pour racheter les péchés de la colonisation, mais doit être limitée dans le temps. Sa finalité est de disparaitre après avoir rapidement appris aux Etats africains à se prendre en charge avec les meilleures chances de succès possible.

De 1960 à 1976, il présidera aux destinées de l’ASECNA, en faisant prévaloir le même principe de transfert des responsabilités aux Cadres AFRICAINS après une rigoureuse formation. Il fit de cette Agence, un formidable outil de coopération Franco - Africaine et d’Unité Africaine, dont  l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), reconnaitra l’efficacité, en lui décernant le Prix Edward WARNER en 1972.

L’ASECNA, jouit encore aujourd’hui du respect de la communauté de l’Aviation Civile Internationale, grâce à l’œuvre fondatrice du Gouverneur SAN MARCO.

A la veille du 50eme anniversaire, 12 Décembre 2009 prochain, quels florilèges d’hommages, les ASECNIENS d’hier et d’aujourd’hui, légitimes motifs de fierté du Gouverneur,  seraient en devoir de rendre à ce Grand Homme!

Comme le disait le Président Abdou DIOUF « Tout au long de sa carrière Il se fit le Champion de la Justice de la tolérance et de la vérité, envers les populations qu’il administra pour l’Honneur de la France et l’Amour de l’Afrique »

Adieu Cher Doyen, « l’Oubangui Chéri de Tonton » ainsi qu’aimait à le dire ta nièce lors de ses séjours à Bangui, terre de Zo kwe Zo, (Un homme vaut un homme), si chère à BOGANDA, t’exprime sa profonde reconnaissance et restera fidèle au Souvenir de ton Amitié.

THEODORE JOUSSO

 

NDLR : Le gouverneur SANMARCO s'est éteint le 9octore dernier à l'âge de 97 ans (né le 12/04/1912)

 

Source :sangonet.com « Hommage au Gouverneur Louis SANMARCO (1912 - 2009) »

http://www.sangonet.com/afriqg/PAFF/Dic/actuC/ActuC10/Louis-SAN-MARCO-homm-dcd.html