Chères mamans, chères sœurs, chères
filles de Centrafrique.
En ce jour de la fête des mères,
mes pensées vont vers vous, et mon cœur saigne car je sais que vous ne pourrez
pas fêter votre jour comme vous aimez le faire d’habitude, et comme vous l’avez
toujours fait.
De tous temps, dans toutes les
civilisations, la figure la plus importante a toujours été la mère. Les
civilisations primitives célèbrent la terre et la mère. Dans l’historique de
cette fête, Marie, mère de Jésus, devient la figure emblématique de la mère.
Chez nous en République
centrafricaine, la fête des mères est devenue une fête officielle en juin 1966 à
l’initiative du président Jean-Bedel Bokassa. A cette occasion les mères les
plus méritantes étaient décorées. Les femmes de Centrafrique étaient à
l’honneur. De grandioses cérémonies étaient organisées pour elles sur toute
l’étendue du territoire.
Nos petites filles et nos petites
sœurs deviendront des mères qui, à leur tour, donneront un jour la vie aux
futurs citoyens de la République centrafricaine. A ce titre elles doivent être
également respectées. Ce sont les femmes qui sont porteuses des valeurs
familiales et de la natalité.
Nous devons avoir conscience
qu’améliorer la vie des femmes centrafricaines, c’est améliorer la vie des
hommes, des enfants et de toute la population centrafricaine. C’est ainsi que
allons tous nous atteler à l’amélioration des conditions de vie des femmes, de
leurs droits et de leur promotion.
Mes chères mamans
centrafricaines, mes chères sœurs, mes chères filles, vous devez savoir que des
générations de femmes africaines ont contribué à la construction de notre
continent, et que les femmes ont été impliquées de manière très naturelle, et de
tout temps, au maintien de la paix dans les différents pays d’Afrique. C’est
vous, femmes centrafricaines, qui déployez des efforts constants pour maintenir
debout les structures sociales, économiques et culturelles de notre pays. Vous
vous battez inlassablement, même dans les pires conditions que vous endurez,
pour nourrir vos familles et pour en prendre soin. Vous portez la Centrafrique
sur votre dos, et pourtant vous êtes exclues de tout.
Comme l’a souligné notre frère
Félix Yépassis-Zembrou dans sa brillante réflexion,« nos ainées ont tracé la
voie » et nous leur rendons hommage. Elisabeth Domitien, Marie-Joseph Franck,
Jeanne-Marie Gbokou, Charlotte Aguide, Marie-Madeleine Silinghia, Angélique
Toléqué-Songomali, Marie-José Maytonghol, Ruth Roland, et bien d’autres… nous
ont ouvert le chemin. Une nouvelle génération a suivi : Catherine Samba-Panza,
Béatrice Epaye, Marie-Josèphe Kosse-Songomali, Marie-Reine Hassen, Léa Doumta
etc… Maintenant, il est temps pour les jeunes générations de se préparer à
prendre la relève. Aujourd’hui de nombreuses filles de la RCA possèdent des
qualifications dans tous les domaines de compétence. Je les encourage, de plus
en plus nombreuses et déterminées, à s’engager plus activement et de manière
plus solidaire, dans la lutte pour le redressement de notre pays.
Au niveau International, les
femmes sont de plus en plus présentes. En ce moment, dans le monde, 8 femmes
sont présidentes de la République et 10 femmes sont Premier ministre. Il y a en
tout 53 femmes qui ont dirigé un pays depuis le début du XXe siècle. Ce sont des
femmes de caractère, comme les pionnières Indira Gandhi en Inde, Golda Meïr en
Israël, Sirimavo Bandaranaike au Sri Lanka, ou encore Margaret Thatcher au
Royaume-Uni. Celles qui ont trouvé leur place dans les démocraties actuelles,
pour n’en citer que quelques unes, sont Cristina Kirchner d’Argentine, Ellen
Johnson Sirleaf du Libéria, Dilma Roussef du Brésil, Sheikh Hasina Wajed,
Premier ministre du Bangladesh et Angela Merkel d’Allemagne…
L’une d’entre nous a certainement
toutes les capacités et présente les qualités requises pour redresser notre
pays.
Nous ne pouvons plus accepter
d’être marginalisées dans notre propre pays. Aucun homme sur terre n’a le droit
de traiter une femme comme cela se pratique actuellement en RCA. Aucun homme n’a
le droit de commettre impunément des abus sexuels sur elles. Se mettre à 10 ou
20 pour commettre des viols en réunion qui tuent nos petites filles de moins de
10 ans, cela constitue un crime abominable et ne doit plus se reproduire sur la
terre de Centrafrique ! Montrons au monde, et aux hommes de la RCA, que la
majorité des femmes centrafricaines sont intelligentes, quelle que soit leur
catégorie sociale et professionnelle, et qu’elles portent en elles la FORCE de
réussir et de transformer la Centrafrique.
Le jour viendra bientôt, où les
femmes centrafricaines auront de nouveau voix au chapitre, où la violence
sexuelle dans nos conflits en RCA sera éliminée parce que l’on aura éliminé les
raisons de ces conflits, et où les victimes obtiendront justice dans un Etat de
droit.
Le jour viendra bientôt où les
femmes seront autonomes économiquement, et redeviendront une force pour le
développement du pays.
Le jour viendra bientôt où vous
serez présentes au plus haut niveau des instances de prise de décision, où vous
contribuerez efficacement à l’éradication de la misère en participant à la
transformation socio-économique de notre pays. Vous allez jouer un rôle vital
pour le progrès, parce que vous avez les capacités d’accélérer les réformes
économiques, sociales et politiques dans notre pays.
Je reste pleinement persuadée que
le développement et la prospérité de la République centrafricaine dépendent,
dans une large mesure, de votre participation active dans tous les domaines de
la vie économique, sociale et politique. Par conséquent, votre position doit
être solide et vous devez être empowered.
L’égalité entre les femmes et les
hommes, ainsi que la contribution active des femmes à une meilleure gouvernance,
permettra à notre pays de franchir le gap qui malheureusement nous éloigne de
plus en plus du développement. J’ai l’ambition de contribuer activement à cet
objectif. Pour atteindre ce but, les femmes centrafricaines doivent prendre
conscience de la nécessité de s’organiser en réseau pour former une puissante
coalition, un réseau efficace et actif, organisé par des associations de femmes.
La force qu’elles auront ainsi reconquise nous permettra de franchir les
obstacles majeurs qui persistent, et d’obtenir l’égalité des genres à tous les
niveaux. C’est aux intellectuelles de se rapprocher de la masse par un discours
engagé, afin de réveiller sa conscience et lui faire saisir les vrais enjeux.
Chères compatriotes, dans l’état
actuel de notre pays, et dans les circonstances présentes, la libération de la
femme centrafricaine, et son évolution, ne pourra s’amorcer qu’à travers la
tenue d’une Conférence Nationale Souveraine, qui traitera des questions vous
concernant au sein de sa Commission vérité et réconciliation, et aussi à travers
un tribunal spécial chargé de juger les responsables des atrocités perpétrées
lors des différents conflits qui ont ensanglanté la RCA. La Conférence Nationale
Souveraine permettra, entre autres, d’ouvrir un fonds de réparation à
l’intention de toutes les victimes.
Mes mamans, mes sœurs, mes
filles, il est temps maintenant de faire en sorte que les choses changent, et
que désormais toutes les fêtes des mères à venir soient l’occasion de véritables
réjouissances pour vous et vos familled. Que Dieu vous bénisse, et qu’Il bénisse
notre pays la République Centrafricaine.
Paris le 23 mai 2013
Marie-Reine Hassen