Abel Litè ou la mort d'un discret
savant.
Il s'appelait Abel
Litè, et il nous a quitté brutalement, en fin de semaine du 4 au 8 mai 2023,
dans la solitude de sa chambre. Une mort peu banale, à une période où le débat
sur la fin de vie est très actuel. Bien heureux l'Institut médico-légal de Paris
qui permit aux tantes et cousines du défunt, de procéder aux rituels de sa
toilette mortuaire avant de confier le corps aux professionnels des pompes
funèbres ce vendredi 11 mais 2023. La cérémonie fut digne et les prises de
parole à l'unisson.
Abel Litè était pour
moi comme un grand frère. Je l'ai connu dans les années 1968, au quartier Sica I
de Bangui, la capitale centrafricaine, lorsqu'il venait rendre visite à la
famille.
A
l'époque, sous le pseudonyme de Flavissou, il animait une émission radiophonique
sur Radio-Bangui : le concert des auditeurs ! A la fin de chaque
session, il dédicaçait une chanson à la famille.
C'était une voix forte mais mélodieuse, celle des
Grands séminaristes s'étant exercés sur les chants grégoriens. Les Écritures
étaient en effet sa première passion.
Très vite cependant, il bifurqua et embrassa
l’égyptologie, comme un second violon d'Ingres. Il en avait une connaissance …
biblique ! Cette science a
forgé son caractère : un érudit discret, mais ouvert sur le monde et les
humains. Un tête-à-tête avec Abel Litè était une vraie leçon de choses. Ce qui
ne l'empêcha pas de s'intéresser au droit et aux sciences juridiques vers la fin
de sa vie.
Un de ses secrets de famille me donna l'occasion de vouer une solide
admiration pour Robert Mugabé, défunt président du Zimbabwe. Sans la bonté et
l'engagement de ce dernier, Nelson Mandela serait mort en prison et l'apartheid
aurait prospéré ; lequel Mugabé était détesté par tous les gouvernements
occidentaux – membres de ce que j'appelle « l'Empire informel » - tant
ils sont liés par la sournoiserie, l'hypocrisie et l'insincérité de leur
politique extérieure, marquée par ce biais que le philosophe Charles W. Mills
nomme « Le contrat racial » (1).
La mort d'Abel Litè est pour moi l'occasion de
«pousser un « coup de gueule » et de crier ma colère à la face de tous
ces présidents africains en général, et centrafricain en particulier, qui à la
poursuite de leur troisième, quatrième mandat présidentiel, voire la présidence
à vie, acculent et condamnent à la
déshérence de l'exil et à la rigueur d'une vie anonyme, d'illustres savants,
fils du continent noir.
Abel Litè fait partie de ces géants. Qu'il demeure en
paix, dans la chaleur de sa terre natale !
Paris, le 15 mai 2023
Prosper INDO
Économiste,
Consultant international.
(1) – Charles W. MILLS : Le Contrat racial, Édition Mémoire d'Encrier, Montréal Québec, 1997 pour la première édition aux États-Unis. En ce qui concerne Robert Mugabé, on se souviendra qu'après avoir quitté le pouvoir, il fut nommé Ambassadeur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), fonction qu'il n'exercera pas plus d'une semaine, les pays occidentaux ayant fait pression pour son retrait !