Barthélemy Boganda, son héritage, sa vision.

Il y a soixante-cinq ans, le 29 mars 1959, un dimanche de Pâques, l'avion qui ramenait

Barthélemy Boganda, de Berberati à Bangui, est porté disparu au-dessus de la Lobaye, sa régionnatale.

Des battues sont organisées. On retrouva l'aéroplane fracassé et tous ses occupants tués, le mardi premier avril. Depuis lors, entre rumeurs, élucubrations fantaisistes et hypothèses farfelues, le mystère de la mort du père fondateur de la République centrafricaine demeure, tenace, entre accident et attentat.

C'est ainsi que chaque année à la même date du 29 mars, des cérémonies de commémoration sont programmées pour rendre honneur à sa mémoire, des plus emblématiques – dépôts de gerbes de fleurs à son mausolée située à Bobangui – aux plus saugrenues - des messes sont célébrées en son nom, oubliant qu'il fut excommunié par le Pape, et que le Centrafrique est un État laïc. Qu'importe ! Le peuple chante donc les louanges du disparu, pendant que ceux qui sont au pouvoir, et qui ont la responsabilité du pays, ne font aucun effort pour porter sa vision et faire fructifier son héritage politique.

Au rang de la première, la vision, on est surpris que le chef de l’État centrafricain, actuel président en exercice de la Communauté économique et monétaire en Afrique centrale (CEMAC), pour l'année en cours, ne mobilise pas la jeunesse de la sous-région autour de l'idée de l'union des Républiques d'Afrique centrale (URAC), regroupant les dix États membres de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC).

Au nom du second, l'héritage, il est remarquable de constater que les cinq verbes taxonomiques qui constituent la profession de foi de Barthélemy Boganda – Nourrir, Soigner, Vêtir, Loger et Instruire – sont laissés en déshérence, comme le prouve la situation catastrophique du secteur de la santé ou la ruine des filières éducatives du pays.

Au lieu de faire prospérer le pays, le régime en place étrenne une nouvelle constitution qui permet d'écarter ses opposants politiques des élections à venir ; édite des lettres de cachet destinées à embastiller des adversaires politiques récalcitrants, au nom de la sûreté de l’État ; lance des procès politiques préfabriqués, au prétexte de la diffamation et d'outrage à la magistrature du pays ; intervient auprès de l'Union africaine pour bloquer le recrutement de citoyen centrafricain, parce que non membre du parti politique au pouvoir ; organise enfin des marches de vagabonds rétribués pour l'occasion, vociférant un appel à un troisième mandat du président pour perpétuer le régime en place, pendant que ce dernier élève seize officiers supérieurs à la retraite au grade de généraux d'armée, alors que les forces armées centrafricaines comptent moins de deux divisions ; on promeut la « tokénisation » des ressources naturelles du pays, à travers la création d'une crypto monnaie nationale éphémère, en déclamant des slogans estudiantins des années 60, hostiles à l'impérialisme et au colonialisme ; etc.

Autrement dit, à Bangui en ce moment, c'est la chienlit, mais tout le monde est content.

Paris, le 30 mars 2024

Prosper INDO

Économiste,

Consultant internatio

 

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