Faustin archange
Touadéra, sur le long chemin de Damas
Selon des
informations de bonnes sources, le président centrafricain, Faustin Archange
Touadéra est attendu ce jeudi 25 juillet 2024 à Paris pour rencontrer son
homologue français, Emmanuel Macron. Sans doute ce déplacement est une
invitation officielle à participer à l’ouverture des Jeux olympiques Paris 2024.
Il n’empêche, ce séjour peut aussi s’inscrire comme la suite de la visite du 17
avril dernier, où les deux mêmes chefs d’Etat se sont entrevus et ont signé une
feuille de route aux termes restés confidentiels, mais dont on peut subodorer
que ce document liste les conditions posées par la France pour reprendre la
coopération entre les deux pays. M. Touadéra vient donc rendre compte de l’état
d’avancement de ce dossier.
En effet, la
rencontre de ce jeudi a été précédée par deux importants événements : la
présence de M. Touadéra à la résidence de l’ambassadeur de France à Bangui dans
le cadre des festivités du 14 juillet 2024, d’une part ; et la prise de parole
du président centrafricain, le 19 juillet 2024, devant les gouverneurs, préfets
et sous-préfets nommés par arrêté du 27 juin 2024, d’autre
part.
La
participation du président centrafricain à la fête du 14 juillet 2024 est un
témoignage de remerciement, la France ayant accepté de financer les prochaines
élections locales en Centrafrique et, subsidiairement, a pris la décision de
reprendre son soutien financier au budget de l’Etat
centrafricain.
A cette
occasion, on aura apprécié les contorsions diplomatiques de Mme Baïpo-Témon, la
ministre des affaires étrangères, naguère si véhémente à l’encontre de Mme
Colonna, pour rentrer dans les bonnes grâces des autorités françaises
renouvelées récemment, l’ambassadeur Bruno Foucher et le ministre Stéphane
Séjourné (1).
Dans son
adresse aux gouverneurs, préfets et sous-préfets, dont les profils s’inscrivent
dans la logique de la kakistocratie (2), le président Touadéra a dispensé ses
recommandations sur quatre points : la restauration de l’autorité de l’Etat sur
toute l’étendue du territoire national (Vous devez prôner la bonne gouvernance dans
tous les domaines et, surtout, ne soyez pas un fardeau pour nos communes et pour
nos concitoyens)(3) ; la sécurité (Je vous exhorte à mettre un terme à
l’anarchie qui s’observe sur nos routes et à Bangui, dans l’indifférence de la
police et de la gendarmerie) (4) ; le changement climatique qui induit la
protection de l’environnement (Je ne veux plus entendre parler des feux de
brousse qui détruisent nos savanes et forêts) ; la réussite des élections
locales (Je veux des élections libres, transparentes et crédibles) ; l’éducation
(j’ai donné l’ordre pour l’intégration de 1 500 instituteurs dans la fonction
publique) (5) ; la santé (renforcer les campagnes de vaccinations en
combattant les préjugés et les désinformations) ; etc.
Apparemment,
le président centrafricain n’a pas lu Batouala, le roman Prix Goncourt 1921 de
René Maran (6). Pour ne prendre qu’un exemple, il aurait appris en lisant ce
livre que la culture sur brûlis est une technique agricole millénaire de nos
cultivateurs. Supprimer les feux de brousse équivaudrait à transformer ces
derniers en agriculteurs, en remplaçant la culture sur brûlis par la
mécanisation, soit par les tractions animales soit par des motoculteurs et
tracteurs ; promesse non tenue depuis le président Ange Félix Patassé
(1993-2001) !
Delà à vouloir
faire évoluer la mentalité de nos cultivateurs en faisant appel à des experts
sud-coréens membres de Saemul, une association proche de la secte Moon et des
églises évangéliques anglicanes, la partie n’est pas gagnée (7) : M. Touadéra
pronostique l’émergence de la RCA en 2050 !
Pour un homme
qui est aux commandes de l’Etat depuis 2008, c’est un long chemin vers Damas
!
Paris, le 23
juillet 2024
Prosper
INDO
Economiste,
Consultant international.
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(1) – Je cite
: « Le 14 juillet est une date pleine de symboles et importante dans l’histoire
de France. Elle marque le 235ème anniversaire de la prise de la Bastille lors de
la Révolution de 1789 et symbolise la grande fête de l’Union Nationale de tous
les Français attachés aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Des
valeurs auxquelles le peuple centrafricain est également très attaché ». Il
faudrait sans doute rappeler à Madame le ministre que la constitution du 30 août
2023 exclue les Centrafricains binationaux de toute candidature à la présidence
de la République et aux emplois dans la haute fonction publique, là où les
Français ont fait barrage à l’extrême droite qui prônait les mêmes
interdictions. Les mêmes valeurs ne sont donc pas partagées
!
(2) - Il
s’agit de la promotion par cooptation des cancres et médiocres, membres de la
famille ou proches parents du président, et quelques péronnelles de son harem ;
les uns et les autres étant choisis pour s’assurer de leur subordination et
loyauté.
(3) – Jusqu’en
1993, les préfets et sous-préfets disposaient d’une voiture d’apparat (Opel
Kapitan noire ou Simca Beaulieu) et d’une Land Rover 4X4 pour les tournées (15
jours de tournée par mois dans leur circonscription pour un préfet, et 10 pour
un sous-préfet, donnant rapport mensuel au gouvernement). Depuis, beaucoup sont
tributaires de la bienveillance de leurs administrés qui les transportent en
motocyclette !
(4) – Le
président semble oublier que le ministre de la sécurité publique responsable de
ce charivari n’est autre que son oncle. En termes de sécurité et de justice, on
oublierait presque le cas du député Dominique Sandocka, écroué et mis au secret
depuis décembre 2023, en dépit de son immunité parlementaire et en l’absence de
toute preuve de flagrance d’atteinte à la sureté de l’Etat ! Le président
centrafricain devra répondre de l’intégrité physique et morale de ce détenu, qui
est « son prisonnier personnel ».
(5) – Sur quel
mode de recrutement, après quelle formation, sous quel statut et sur quel outil
pédagogique ces instituteurs, anciens maîtres parents seront évalués
?
(6) – René
Maran : Batouala, chien de brousse. Editions Albin Michel, Paris
mai1921.
(7) – En
faisant référence à l’opération « Kwa ti kodro », le président Touadéra
s’inspire de la politique agricole du président David Dacko qui, dès 1963, a
créé la Jeunesse pionnière nationale (JPN), sur le modèle des kibboutz
israéliens.
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archange Touadéra, sur le long chemin de Damas