« La
prison est l'antichambre des ministères »
Romain Gary
(Les Racines du ciel)
Le procureur de la République
près le tribunal de grande instance de Bangui, en République centrafricaine, un
certain Benoît Narcisse Foukpio – prononcez Fou'ion – vient de donner raison à
Romain Gary.
L'écrivain français, auteur du
roman Les Racines du ciel (1) a prédit qu'en Afrique, « la prison
est l'antichambre des ministères ». Autrement dit, c'est à l'issue d'un
parcours qui passe par la case prison que les opposants politiques accèdent au
pouvoir.
En poursuivant les dénommés
Mbaïkassi, Akandji-Kombé, Nguérékata et Mayté, présumés initiateurs de la
manifestation du 5 novembre 2022 devant l'ambassade centrafricaine à Paris, le
parquet banguissois s'inscrit dans la logique dénoncée par Romain Gary.
1 – Qui trahit une fois,
trahira toujours !
Obéissant à une injonction de M.
Simplice Sarandji, président de l'assemblée nationale centrafricaine et,
accessoirement secrétaire exécutif du Mouvement Cœurs unis, le parti
présidentiel, M. Foukpio – prononcez Fou'ion – démontre au passage que le régime
du président Touadéra ne respecte pas le principe élémentaire de la séparation
des pouvoirs.
Pis, il faut croire que les
autorités de Bangui, qui promènent leur titre universitaire en bandoulière dans
les quartiers pour impressionner le chaland, n'ont pas lu le livre en question.
Si cela avait été le cas, elles se seraient prémunies contre la descente aux
enfers du pays qu'elles sont censées dirigées. Mais voilà, le roman de Romain
Gary est sorti le 5 octobre 1956, soit l'année de naissance du président de
l'assemblée nationale. Leurs chemins ont divergé !
En effet, M. Sarandji est, des
trois comparses qui dirigent la République centrafricaine, le plus haineux, le
plus tribaliste et le plus cupide. On n'oublie pas qu'il a réclamé et obtenu 1,5
milliards de francs CFA en 2018 pour quitter les fonctions de Premier ministre,
au lendemain des Accords de Khartoum, en échange d'un poste de ministre d'Etat à
la présidence. Il n'y restera pas longtemps, ayant manigancé pour évincer le
député du 3ème arrondissement de Bangui, Karim Méckassoua, de la présidence de
l'assemblée nationale ; nouvelles fonctions qui lui rapportent 7 millions
de francs CFA d'indemnités parlementaires par mois ! Qui trahit une fois,
trahira tout le temps.
2 – « Personne
n'échappe à la dictature lorsqu'elle s'installe dans un pays »
(Norbert Zongo).
Mais revenons à nos moutons, pour
signaler au zèle du procureur de la République Foukpio – prononcez Fou'ion – le
dernier « communiqué de presse » de la prétendue plate-forme La
Galaxie nationale, qui est en réalité l'annexe de la cellule de communication de
la présidence de la République, lequel communiqué est un véritable appel aux
meurtres des opposants politiques. Il n'échappe pas au Parquet de Bangui, que
cette milice est une association dissoute, au même titre que les deux autres
bandes organisées criminelles que sont Les Requins et Talitha Khoum chapeautées
par un seul et même individu, lequel se prétend enseignant-chercheur à
l'Université nationale de Bangui (encore un titre foireux et sans doute
usurpé) !
Le journaliste burkinabè Norbert
Zongo a raison lorsqu'en 1993 il décriait le régime de son pays en ces
termes : « personne n'échappe à la dictature lorsqu'elle s'installe
dans un pays » (2)! En République centrafricaine, sous le régime
de M. Touadéra de petits morpions de quartier sont transformés en tueurs à
gages, pour quelques milliers de francs CFA. Nul n'échappe à la
dictature !
3 – La justice comme arme de
terreur !
Pour les nommés Mbaïkassi,
Akandji-Kombé, Nguérékata et Mayté, le procureur Foukpio – prononcez Fou'ion – a
requis deux années d'emprisonnement, l'inéligibilité, l'interdiction du droit de
vote, l'interdiction de séjour, toutes peines assorties d'un mandat d'arrêt.
Dieu merci, dans leur hâte à complaire à la communauté internationale, les
députés avaient supprimé la peine de mort de l'arsenal judiciaire centrafricain,
sinon le procureur Foukpio – prononcez Fou'ion – l'aurait requise. Il a juste
échappé au représentant du Parquet de Bangui que « Nul ne peut être contraint à
l'exil » (article 5, alinéa 3 de la constitution du 30 mars 2016).
Quant à obtenir l'extradition des condamnés des autorités française et
américaine, à l'issue d'un procès par contumace, en l'absence des prévenus, sans
défense, sans témoins, sans public, c'est-à-dire à huis-clos, le doute est
permis. Le procureur de Bangui requiert en « chambre noire » !
Pour ne pas donner l'impression
d'une justice expéditive, le président du tribunal a mis le jugement en délibéré au 24 décembre 2022, veille de
Noël ! Ce serait faire cadeau immense à un
« Vociférateur complaisant» que de suivre le procureur de Bangui dans
ses errements. A moins qu’il ne s’agisse d’offrir des têtes à M. Touadéra, pour
son bon plaisir, en souvenir de « la
décollation de Jean le Baptiste », prédicateur chrétien et prophète
musulman. Ce faisant, on ouvrirait grande la porte des ministères à MM.
Mbaïkassi, Akandji-Kombé, Nguérékata et Mayté !
En effet, qu'il nous soit permis
de rappeler que le Parquet de Bangui a déjà lancé une procédure identique à
l'encontre de Sieur Norbert Grazié et alii, au prétexte qu'ils « diffusent sur les réseaux sociaux des
vidéos et des messages menaçant la sécurité intérieure de l’État et l'intégrité
physique du président de la République, chef de l’État Faustin Archange
Touadéra » (3). Las, le
procureur Benoît Narcisse Foukpio – prononcez Fou’ion - a oublié
l'essentiel : le titre de professeur !
Qu'il se rassure ; il n'ira
pas en prison. Nous ne ferons pas de lui un ministre de la République, pour la
bonne raison que les narcisses ne sentent pas la rose !
Paris, le 18 novembre
2022
Prosper
INDO
Économiste,
Consultant
international.
(1) –
Romain Gary : Les Racines du ciel, Gallimard, Paris,
1956.
(2) –
Norbert Zongo : Editorial du journal l’Indépendant du 3 juin
1993.
(3) –
Le procureur de la République de Bangui devrait relire l’article 15 de la
constitution du 30 mars 2016 en tous ses alinéas, en particulier l’alinéa
4 : « l’Etat garantit la liberté de manifestation
pacifique ».
(4) -
Norbert Zongo : Éditorial du journal l'Indépendant du 3 juin
1993.