PROPOS
LIMINAIRES DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, CHEF DE L’ETAT A L’OCCASION DE LA RENCONTRE AVEC LE CORPS DIPLOMATIQUE
BANGUI,
28 OCTOBRE 2022
-
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
-
Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions de la République
;
-
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement ;
-
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Chefs de missions diplomatiques, Postes
consulaires et Représentants des Organisations internationales
;
-
Mesdames et Messieurs ;
Je
voudrais vous remercier d’avoir accepté mon invitation à cette rencontre de
partage d’informations et d’échanges sur l’actualité politique en République
Centrafricaine.
Comme
vous le savez, depuis un certain temps, l’atmosphère politique du pays est
polluée par des désinformations dans les réseaux sociaux, systématiquement
relayées par une partie de la presse internationale.
Ces
désinformations sont souvent véhiculées par une minorité d’hommes politiques
Centrafricains dans lesquels la majorité du peuple ne se reconnaît pas.
Vous
devez savoir que beaucoup d’entre eux ont été à l’origine des crises successives
qui ont endeuillé tant de familles centrafricaines et détruit le tissu de
l’économie nationale, encore embryonnaire. Le peuple centrafricain n’est pas
amnésique.
Vous
suivez avec nous, certainement avec consternation, les appels irresponsables
lancés par certains leaders de l’opposition aux partenaires de la République
Centrafricaine aux fins de suspendre tous les financements au profit du peuple
centrafricain, comme s’ils trouvaient plaisir dans la souffrance de ce peuple,
privés de l’aide extérieure depuis trois ans.
D’ailleurs,
les mêmes opposants n’ont pas éprouvé de pitié pour notre peuple en appelant la
communauté internationale à imposer l’embargo sur les armes à destination de nos
forces de défense et de sécurité afin d’affaiblir l’Etat et renforcer la
position des groupes armés sur tout le territoire
national.
Les
conséquences, nous les connaissons tous. Je ne voudrais pas y revenir car c’est
grâce aux soutiens multiples de vos pays et de vos organisations que nous avons
pu progressivement ramener la paix dans le pays.
Je ne
vous remercierai jamais assez pour tout ce que vous avez fait et continuez de
faire pour la République Centrafricaine.
Mesdames
et Messieurs les Ambassadeurs, Chefs de missions diplomatiques, postes
consulaires et Représentants des Organisations internationales
;
Le
monde entier traverse une période sensible dont les effets sont ressentis par
tous les pays.
La
République Centrafricaine, pays post conflit, désavantagée par sa situation
géographique, subit de pleins fouets les conséquences de la crise mondiale, sur
tous les plans.
Votre
rôle, en tant qu’Ambassadeurs, est de nous aider à maintenir les excellentes
relations d’amitié et de coopération qui ont toujours existé entre vos pays et
organisations et la République Centrafricaine.
Votre
rôle, c’est aussi d’aider les autorités légitimes à faire aboutir le processus
de transformation de la République Centrafricaine en termes de démocratie, de
l’Etat de droit et de la bonne gouvernance.
C’est
convaincu de ces rôles importants que vous êtes appelés à jouer à nos côtés que
je vous ai invités ce matin pour vous donner quelques éléments objectifs
d’appréciation de la situation politique de notre pays.
Parmi
les différents sujets qui inondent les réseaux sociaux, apparaît au premier plan
la mise à la retraite de certains Magistrats et fonctionnaires de l’Etat,
notamment ceux de l’enseignement supérieur.
Je
voudrais vous rappeler que courant septembre 2022, une vingtaine de Magistrats
et Juges ont été admis à faire valoir leurs droits à la retraite, dont le
Magistrat Trinité BANGO SANGAFIO, Juge constitutionnel.
Plus
de 50 fonctionnaires de l’Enseignement supérieur ont également été mis à la
retraite dont Monsieur Simplice Mathieu SARANDJI, Président de l’Assemble
Nationale et Madame Danièle DARLAN, Présidente de la Cour
Constitutionnelle.
Malheureusement,
il y a une vaste campagne de désinformations et de manipulations autour de la
mise à la retraite de Madame Danièle DARLAN.
Ces
désinformations et manipulations ont été alimentées par des interprétations
fallacieuses, volontairement opportunistes des notions « d’empêchement définitif
» et d’inamovibilité, respectivement prévues par les articles 100 et 102 de la
Constitution du 30 mars 2016.
Comme
vous le savez, et la Cour elle-même l’a rappelé dans sa dernière déclaration,
ces deux notions comme beaucoup d’autres, n’ont pas été expressément définies
par la Constitution du 30 mars 2016.
L’Administration,
se fondant sur l’esprit de la Constitution, de la Loi portant Statut Général de
la Fonction Publique et de la Loi portant Statut particulier de la Magistrature de l’Ordre judiciaire, a
estimé que la mise à la retraite d’un fonctionnaire rendait juridiquement
impossible la poursuite d’une fonction ou d’un mandat ne résultant pas d’une
élection au suffrage universel direct.
Aussi,
elle a estimé que la notion d’inamovibilité ne faisait pas obstacle à
l’application de la loi relative à la mise à la retraite des fonctionnaires
désignés membres de la Cour Constitutionnelle, car ceux-ci ont été désignés
es-qualité par leurs pairs.
Je
tiens à préciser que la mise à la retraite n’est ni une poursuite, ni une
arrestation, ni une atteinte à l’indépendance, ni une mutation d’office d’un
juge constitutionnel, sans autorisation de la Cour Constitutionnelle, moins
encore une sanction ou une démission forcée.
Il
faut également rappeler que l’inamovibilité, garantie essentielle de
l’indépendance des juges, leur impose de préserver leur indépendance vis-à-vis
des pouvoirs exécutif, législatif et même des partis politiques, en s’abstenant
notamment de toute relation inappropriée avec leurs représentants et en se
défendant de toute influence indue.
Malheureusement,
vous avez observé avec nous que dans une déclaration sur l’Etat de droit et
l’indépendance de la Justice, publiée avant sa décision du 23 septembre 2022, la
Cour Constitutionnelle a remercié des entités politiques, la société civile, des
individus et pire les requérants regroupés au sein du Bloc Républicain pour la
Défense de la Démocratie, pour les soutiens politiques que ceux-ci lui ont
apportés.
Cette
déclaration d’amour entre la Cour Constitutionnelle et l’opposition démocratique
a alimenté le doute de nos concitoyens sur la véritable indépendance de cette
haute juridiction.
Je ne
sais pas si vous avez déjà vécu cela dans vos pays respectifs. Mais de mémoire
de Centrafricains, une telle relation inappropriée n’a jamais existé
avant.
En
dépit de ces situations, le Gouvernement, respectueux des décisions de Justice,
a toujours pris acte de toutes les décisions de la Cour
Constitutionnelle.
En ce
qui concerne la décision sur le projet Sango, nous avons publié un communiqué
pour annoncer la volonté du Gouvernement de prendre en compte les observations
de la Cour, en dépit du fait que les actes déclarés inconstitutionnels
n’existent que dans l’esprit des juges constitutionnels et non dans notre
ordonnancement juridique interne.
En ce
qui concerne la décision du 23 septembre 2022, le Gouvernement en a pris acte à
travers un communiqué du Ministre de la Communication, Porte-parole du
Gouvernement.
Nous
avons agi en conséquence en retirant tous les décrets querellés mettant ainsi
fin à ces débats inutiles.
Mesdames
et Messieurs ;
Permettez-moi
de revenir brièvement sur la procédure ayant abouti à la mise à la retraite des
Magistrats et certains fonctionnaires de l’Enseignement
supérieur.
En ce
qui concerne les Magistrats et Juges, je tiens à rappeler qu’ils sont régis par
des textes spécifiques, notamment :
- la
Loi n° 96.015 du 25 mars 1996, portant Statut Particulier de la Magistrature de
l’Ordre Judiciaire ;
- la
Loi n° 96.029 du 19 décembre 1996, portant Statut des Juges de l’Ordre
Administratif et
- la
Loi n° 97.006 du 26 mai 1997, portant Statut des Juges à la Cour des
Comptes.
Ces
différents textes renvoient la question de leur retraite à une loi
spécifique.
Malheureusement,
depuis la promulgation de ces lois, il y a 28 ans, aucun autre texte n’a été
adopté pour déterminer le régime des pensions conformément aux dispositions des
textes cités ci-haut.
Face
à cette carence, les Magistrats et Juges admis à faire valoir leurs droits à la
retraite étaient jusqu’alors soumis par défaut au régime de la Loi n° 59/65 du
29 décembre 1959, portant règlement de la Caisse Centrafricaine des pensions,
applicable aux fonctionnaires et agents de l’Etat relevant du Statut Général de
la Fonction Publique Centrafricaine, pourtant ils sont régis par des statuts
particuliers.
Lors
de l’avant dernière session des organes de gestion des carrières des Magistrats
et Juges de 2020, soucieux de la précarité de la vie que mènent les Magistrats
et Juges sous l’emprise de la Loi de 1959, j’ai ordonné de différer l’admission
à la retraite des Magistrats et Juges jusqu’à l’adoption et la promulgation de
la Loi spéciale portant régime de pension des Magistrats et Juges de la
République Centrafricaine. Ce qui a été fait.
Cette
loi vient de :
- combler ce vide juridique
;
- assurer aux Magistrats et Juges une
meilleure protection sociale ainsi qu’à leurs ayants droit
;
-
offrir des conditions de vie descente à la cessation de fonction après de bons
et loyaux services rendus à la justice de notre pays.
Après
la promulgation de la Loi n°22.014 du 12 septembre 2022 portant régime de
pension des Magistrats et Juges des deux Ordres de juridictions, une vingtaine
de Magistrats et Juges ont été admis à faire valoir leurs droits à la retraite.
S’agissant
des fonctionnaires de l’Enseignement Supérieur, il convient de rappeler qu’une
loi particulière, celle du 24 juillet 1998 avait fixé les limites d’âge pour le
départ à la retraite. Il ne restait que le décret
d’application.
Le 23
août 2021, le SYNAES avait déposé un préavis de grève pour réclamer, entre
autres, la situation d’âge de départ à la retraite.
Suite
à ce préavis, j’ai instruit le Gouvernement d’engager des négociations avec le
SYNAES afin d’éviter le blocage du système éducatif.
Une
Commission a donc été mise en place. A l’issue des négociations, le SYNAES a
accepté que les points de revendications sur la mise à la retraite des
enseignants du supérieur soient mis en œuvre en 2023. A cet, les textes de mise
à la retraite devraient être notifiés aux intéressés trois mois avant le départ
effectif pour leur permettre de bénéficier du congé libératoire pendant lequel
ils devraient préparer les documents relatifs à l’obtention de leurs carnets de
pension.
C’est
dans le respect des engagements pris par le Gouvernement que j’ai pris, le 3
octobre courant, le décret d’application de la loi de 1998 relative à la
retraite des fonctionnaires du supérieur.
Il
s’en est suivi, naturellement, des Arrêtés de mise à la retraite de certains
enseignants du supérieur.
Tirant
les conséquences de la mise à la retraite de Madame Danièle DARLAN et de
Monsieur Trinité BANGO SANGAFIO, j’ai rapporté, dans les mêmes formes, les
décrets entérinant leur désignation, en qualité de juges constitutionnels et
celui entérinant l’élection, par ses pairs, de Madame Danièle DARLAN, en qualité
de Président de la Cour Constitutionnelle.
La
Constitution en son article 99 dit que les Juges constitutionnels sont tantôt
désignés, tantôt choisis, tantôt élus.
Cette
imprécision n’est pas relevée dans les débats autour de la question de savoir si
Madame Danièle DARLAN peut être considérée comme une élue, au même titre que le
Président de l’Assemblée Nationale, qui en revanche, a un mandat
législatif.
Il
faut aussi préciser que pour être candidat aux élections présidentielles et
législatives, il faut demander et obtenir une mise en disponibilité qui vous
sépare de l’administration, ce qui n’est pas le cas pour les juges
constitutionnels.
Enseignant
du supérieur comme Madame Danièle DARLAN et Monsieur Simplice Mathieu SARANDJI,
je pourrai aussi être admis à la retraite, à la seule différence que totalisant
65 ans, la loi m’offre la possibilité de demander une année renouvelable.
Les
juges constitutionnels ont été soit désignés, soit élus, soit choisis par leurs
pairs, ce qui signifie corrélativement qu’une fois mis à la retraite, ils ne
peuvent valablement poursuivre leurs fonctions.
Au
nom de la continuité des services publics, l’Inspection Générale d’Etat a
procédé à la passation de service entre la Présidente de la Cour sortante et le
Vice-président de ladite Cour.
Comme
vous l’avez certainement suivi, les Enseignants-chercheurs de Droit ont convoqué
ce jour une assemblée générale à l‘effet de procéder au remplacement de Madame
Danièle DARLAN, dans les conditions prévues par la loi.
Selon
la Constitution, seule une femme devra être élue en remplacement de Madame
Danièle DARLAN, jusqu’à la fin du mandat de la Cour Constitutionnelle, en mars
2024.
La
mise à la retraite de deux des 8 juges constitutionnels ne signifie pas
dissolution de la Cour Constitutionnelle et je voudrais que cela soit bien
compris.
Mesdames
et Messieurs les Ambassadeurs ;
Vous
êtes accrédités auprès de moi et de la République
Centrafricaine.
Vous
êtes témoins de l’irréversible marche du peuple centrafricain vers la paix, la
sécurité, la cohésion sociale, la réconciliation nationale, le relèvement
économique et la construction de l’Etat de droit.
Je
vous exhorte à plus de fidélité dans les rapports que vous envoyez à vos pays ou
organisations respectifs.
Vous
devez tenir compte des paroles publiques et de la volonté du peuple qui a la
vertu de résister à tous les défis.
Il
n’y a aucun prisonnier politique ou de presse en République Centrafricaine,
depuis ma prise de fonction.
Beaucoup
de rapports fallacieux, souvent rédigés sur les seules déclarations de
l’opposition, ont terni l’image de la République Centrafricaine à l’extérieur et
détérioré nos relations avec certains de nos partenaires.
Je
suis animé de la ferme volonté de construire un Etat de droit et l’Etat de
droit, vous le savez, c’est le respect des textes et des
institutions.
J’ai
rappelé tous ces processus ayant abouti à la mise à la retraite de certains
Compatriotes pour dire qu’il n’a nullement s’agit d’un règlement de compte,
comme certaines personnes malintentionnées tentent de le faire
croire.
Depuis
ma prise de fonction, je n’ai cessé de veiller au fonctionnement harmonieux des
institutions de la République, dont la Cour
Constitutionnelle.
L’application
d’une loi, d’ailleurs impersonnelle, ne doit pas être analysée comme une mesure
de représailles. Nous savons tous que les décisions de la Cour
Constitutionnelles sont rendues de manière collégiale dans le respect du secret
des délibérations. Aucun Juge constitutionnel ne peut être rendu seul
responsable d’une décision de la Cour.
La
Cour Constitutionnelle continuera à fonctionner, comme les autres institutions
de la République, en toute indépendance et avec tout mon
soutien.
Je
suis le garant du fonctionnement harmonieux des institutions et j’estime n’avoir
jamais failli à ce rôle, en dépit de la situation difficile de notre
pays.
L’opposition
crie au scandale ; elle est pleinement dans son rôle, même si quelques fois les
propos sont excessifs, la vérité est occultée à dessein. Mais nous devons tous
préserver les acquis du retour à l’ordre constitutionnel afin d’éviter à nos
concitoyens de nouvelles souffrances inutiles.
Pour
moi, la passation de service entre la Présidente sortante et le Vice-président
de la Cour Constitutionnelle clos définitivement les débats sur cette
question.
Tels
sont les quelques éléments d’informations que je voudrais partager avec vous sur
la situation dans notre pays. Il n’y a pas de crise politique en République
Centrafricaine.
Je me
tiens à votre disposition pour des éventuelles questions d’éclaircissement ou
des contributions.
Je
vous remercie.