Plaidoyer pour l'intégrité physique et morale,

                    de Maître Crépin Mboli-Goumba, avocat.

 

     Dans « Les racines du ciel », l'écrivain Romain Gary a avancé une prédiction juste : « En Afrique, la prison est l'antichambre du pouvoir ». Ce mantra se vérifie partout, sous la colonisation française en particulier. Barthélemy Boganda, le père fondateur de la République centrafricaine en a fait l'expérience le 10 janvier 1951, lorsque le gouverneur général de l'Oubangui-Chari le fit arrêter, en compagnie de son épouse et de leur fille de 8 mois, et emprisonner. La peine de 45 jours de prison ferme fut finalement rapportée.

En 1958, après d'âpres luttes politiques, Boganda parvint au pouvoir le 1er décembre 1958.

 

Ce dimanche 3 mars 2024, c'est l'avocat et homme politique Crépin Mboli-Goumba qui est arrêté en même temps que son épouse, alors qu'ils prenaient l'avion pour aller se faire soigner au Cameroun. Le régime du président Touadéra envoie ainsi un message politique dont il ne mesure pas les conséquences, qui peuvent être dévastatrices.

Il paraît que cette décision stupide et arbitraire a été prise par le ministre de la justice, un certain Abazène, hier encore porte-flingues au sein de la nébuleuse terroriste Séléka. L'intéressé, dont le titre de docteur relève de l'école buissonnière du droit de Bangui et semble donc usurpé, doit son portefeuille aux Accords de Khartoum, signés le 6 février 2019 sous l'égide de l'Union africaine et de l'organisation des Nations unies.

Maître Mboli-Goumba rejoint ainsi le député Dominique Sandocka, arrêté et emprisonné depuis deux mois, au mépris de son immunité parlementaire, dans le cadre d'un flagrant délit d'atteinte à la sûreté de l’État, crime pour lequel le Procureur de la République est incapable d'apporter la moindre preuve matérielle !

 

Dans le cas de Maître Mboli-Goumba, il ne peut s’agir que d’un règlement de compte, ce dernier ayant été ministre dans le gouvernement du Premier ministre Nicolas Tiangaye, un autre avocat, qui œuvra à la destitution de Michel Djotodia, président de la Séléka, alors chef de l’Etat de la transition en Centrafrique (2012/2013) (1).

 

Depuis, le pays continue de tâtonner sans trouver son équilibre. Ainsi, le décret instituant le nouveau Conseil constitutionnel révèle les failles, les insuffisances et les incompétences du secrétariat général du gouvernement, pris en flagrant délit d'ignorance constitutionnel, puisque le nouveau conseil de onze membres ne comprend que deux femmes, au lieu de la parité instituée par  la nouvelle constitution promulguée le 30 août 2023, sensée établir la 7ème République !

Pis, si par quelque malheur le pays venait à perdre son président – ce qu'à Dieu ne plaise – la RCA serait confrontée à un vide constitutionnel, le président Touadéra n'ayant toujours pas nommé son vice-président, sauf à considérer l'auto-proclamation de l’inénarrable Fidèle Ngouandjika comme un fait acquis (2).

Ce serait faire un terrible pied de nez au droit international, qu'un ignorant de la Convention de Washington de 1986, égorgeur, dépeceur et goinfre d'un petit saurien inoffensif, devienne président par intérim d'un État membre de l'organisation des Nations unies.

On pourra dès lors craindre pour l'intégrité physique et morale de Maître Crépin Mboli-Goumba, lequel risque de « passer à la casserole », au propre comme au figuré !

Hélas, l'esthète Romain Gary n'a pas prévu ce cas de figure...

 

Paris, le 04 mars 2024

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – Michel Djotodia émarge toujours au budget de la République, comme ancien chef de l’Etat et ès qualité de conseiller à la présidence.

(2)   – Pendant qu’un auxiliaire de la justice est aux arrêts, le président Faustin Archange Touadéra sillonne le monde, aux frais du peuple centrafricain, entourée de sa           cohorte habituelle d’épouses, de concubines, de porte-parole, de porte-plume, de portefaix et de porte-flingues. Aux dernières nouvelles, la colonie était fin février en visite d’Etat en Serbie, l’un des Etats issus de la dislocation de la Yougoslavie, lequel s’est distingué par ses crimes de guerre contre les Républiques sœurs de Bosnie-Herzégovine et Kosovo, entraînant l’intervention des troupes de l’OTAN à Sarajevo. Ainsi, après Cuba, Libreville, Kinshasa, Paris, Abu-Dhabi, Pretoria, Dubaï, Moscou, puis Addis-Abeba et Belgrade, le président centrafricain poursuit ses voyages touristiques, car sans intérêts pour la RCA !