CENTRAFRIQUE : LE HUITIÈME 
ACCORD DE PAIX
   On 
les a vus au Soudan, à Khartoum, en costume-cravate, tirés à quatre épingles et 
sagement assis dans une salle de conférence, qui ressemble à un amphithéâtre 
pour étudiants sages. On leur donnerait le bon Dieu sans 
confession.
   On 
les a vus, les seigneurs de guerre centrafricains, les têtes qui ont mis le pays 
sens dessus dessous, celles qui se sont partagé les richesses du pays au 
détriment de sa population, et qui sont venus prétendument discuter de la paix 
qu'il piétine depuis plus de six ans.
   On 
les a vues, les mains qui tirent sur les déplacés et saccagent leurs camps ( 
Alindao), les mains qui massacrent les civils ( Ippy ), les mains qui en 
Centrafrique ont porté la violence à son paroxysme.
   On 
les a vues sur leur trente-un, les quatorze rebellions, encore une fois, en 
costume-cravate, à l'exception de l'une d'elle, les 3R, vêtue de gandoura et 
enturbannée.
   
Les voici retranchées derrière des sigles et des acronymes accrocheurs, 
ronflants, des sigles qui feraient penser à des partis politiques républicains, 
mais qui cachent en réalité une volonté implacable de détruire tout un 
pays.
   Le 
pays est presque déjà détruit. Il reste sa population, enfin une populace de 
bouseux, de petits artisans, de petits pêcheurs, de petits commerçants, de 
petits fonctionnaires et de chômeurs qui s'accrochent à leur terre, en dépit des 
massacres, et qui semblent avoir perdu toutes leurs aspirations à la paix et au 
bonheur.
   
Elle espérait, cette population sonnée par six ans de tueries et de 
massacres, elle espérait que la clique des chefs rebelles mobilisée au Soudan, 
lui laisserait des instants de répit, des heures d'accalmie. Mais c'est mal 
connaître ces gens : peu leur importait la réunion de Khartoum : ils 
venaient de subir un revers à Bambari. Et à chaque fois qu'ils prennent une 
raclée, ils se vengent. Rappelez-vous du massacre de l'église de Fatima. Ils 
étaient très courageux ce jour-là, pour avoir osé tirer sur des fidèles en 
prière ! À Ippy, ils sont devenus téméraires, honteusement téméraires en 
mitraillant des enfants, des femmes et des hommes en 
deuil.
   
Cet énième massacre confère à leurs auteurs et à tous les chefs rebelles 
réunis à Khartoum, leur énième galon d'indignité, de lâcheté et 
d'infamie.
   À 
quel jeu jouent les groupes armés ? À Khartoum, le mot paix était 
sur  les lèvres de tous les chefs 
rebelles. Pour épater la galerie, sans doute. Car parallèlement, dix-huit 
personnes étaient massacrées par leurs séides à Ippy. Alors, à quel  jeu jouent les rebelles centrafricains 
qui viennent de signer un accord de paix au Soudan ? S'ils sont sincères, 
cet accord tiendra. Mais si, comme je le pense, ils continuent de jouer à leur 
jeu dangereux de poker menteur, cet accord à leurs yeux, n'est qu'un chiffon de 
papier. Et ils le feront bientôt savoir, à leur manière.
              
Anatole GBANDI