Colère d’Outre-tombe
 A 
l’heure de la Commémoration du 56ème anniversaire de l’Indépendance, 
osons cette petite mise au point…
 A 
l’heure de la Commémoration du 56ème anniversaire de l’Indépendance, 
osons cette petite mise au point…
« Les 
mots en « ation »… 
évoquent directement une activité » (1).  
C’est 
dans ces termes qu’Henri Gouhier décrit le « travail » ou 
« l’action » de la Philosophie dont toute l’entreprise est la 
« rationalisation d’un monde qui n’est pas immédiatement donné comme 
rationnel » :  
« La Philosophie commence lorsque la 
rationalisation s’offre comme proposition, bien avant qu’un rationalisme se 
présente comme position. » 
(1)
Cette 
petite digression vers la Philosophie, loin de nous éloigner de ce qui est 
annoncé, autorise, je crois, à lire dans une Commémoration l’invitation à 
l’action : et, dans le cas présent, une action à double détente : car 
rappeler ou faire revivre les épopées nationales ne vaudra que par la volonté de 
leur donner d’éclairer et de guider l’organisation de la Cité pour aujourd’hui 
et pour demain. En revanche et aussi longtemps que nos commémorations seront 
coupées de ceci, qui me paraît leur être « consubstantiel », 
c’est-à-dire la projection du passé sur un présent et un avenir et l’engagement 
ferme de  les construire et de les 
rendre meilleurs, les déclarations des autorités successives qui, depuis 56 
années ont eu en charge de conduire la destinée d’un Pays devenu indépendant, 
nous offriront, à la mesure du psittacisme naïf et fort ennuyeux que nous 
observons chaque fois, le spectacle pénible, mortifère et mortel au bout du 
compte, de notre inéluctable enfoncement dans l’immobilisme et le chaos. 
Il 
manque à nos commémorations le courage de la vérité. On attend d’elles, en 
effet,  qu’elles soient le moment 
d’un bilan sans concession qui donne à mesurer le chemin parcouru et le chemin 
restant à parcourir dans l’entreprise conçue et léguée par Barthélemy 
Boganda : « Sauver un 
Peuple ».
 « Le Monde étant ce qu’il 
est », - en pensant à l’égoïsme généralisé qui impose que  chacun ne 
compte que sur soi-, ce n’est pas d’emblée que Barthélemy Boganda rêvant, pour 
la solidarité salutaire que ceci implique, d’une « Grande France 
Equatoriale » (2), a pris fait et cause pour l’Indépendance du Territoire 
de l’Oubangui-Chari. 
C’est 
la loi de l’histoire et il faut un commencement à tout…
Nous 
voici donc devenus les seuls responsables de notre destin 
! 
L’Indépendance 
qu’il lègue, c’est
« De 
nos ancêtres la voix (qui) nous appelle :
Au 
travail dans l'ordre et la dignité,
Dans 
le respect du droit, dans l'unité… »(3).
Il 
en décline ainsi les exigences :
« La 
vérité, c’est la réalité. Et la réalité oubanguienne, c’est que pour développer 
ce Pays, le relever sur l’échelle sociale et au niveau du monde moderne, il faut 
plus travailler que parler. Et je considère comme malfaiteur dans ce Pays et, 
par conséquent à écarter, tout homme qui n’ayant aucune activité économique dans 
le Pays vit aux dépens de ceux qui travaillent, en pratiquant la profession de 
prédicateur de haine et de destructeur de la société.
Je 
tiens donc à déclarer fermement que les parasites, les agitateurs et tous ceux 
dont le programme est de partager les biens péniblement acquis par le travail 
d’autrui, n’auront qu’à choisir : ou se mettre au travail, car la terre 
oubanguienne se refuse à nourrir les bras inutiles et les bouches nuisibles de 
ceux qui peuvent travailler et qui ne travaillent pas. » 
(4)
Barthélemy 
Boganda était sans illusion, - je crois-… 
Car, 
que pouvait-il bien faire pour empêcher le règne et le triomphe des 
apprentis-sorciers, installés aux commandes depuis 56 ans ? 
La 
gestion de l’Indépendance depuis 56 ans, voilà entre leurs mains ou face à une 
élite centrafricaine qui ne manque ni d’habileté, ni d’aplomb, le pont aux ânes. 
Elle peine à entrer dans les règles pourtant évidentes et claires d’un jeu qui 
réussit ailleurs : chez nos voisins, par exemple. 
La 
gestion de l’Indépendance depuis 56 ans est une histoire qui s’écrit à l’envers, 
une marche à reculons… Et puisque nous en sommes à piétiner au lieu d’avancer, 
nous creusons un sillon toujours plus profond qui deviendra gouffre pour tout 
engloutir : nos espérances en tout état de cause ! 
A 
cet égard nos commémorations ne peuvent qu’apparaître d’année en année comme un 
impertinent éloge de la folle errance et des hommages rendus à notre 
installation durable dans l’échec.
Nous 
sommes devant un déni quand nous nous avisons de dire que les prédécesseurs ont 
tracé la voie à suivre pour les suivants et que tout est en ordre de 
marche !
La 
gestion de l’Indépendance depuis 56 ans, pis qu’un échec, signe la trahison de 
l’élite centrafricaine ; et le temps qui va ne rassure point pour la suite 
de l’aventure. 
De 
la Loi-cadre à l’Indépendance nous poursuivons imperturbablement la même 
tragédie. Je n’imagine pas près de s’apaiser, outre-tombe, la colère de 
Barthélemy Boganda, le Père Fondateur de la République Centrafricaine 
!
MANDEKOUZOU-MONDJO
24 
AOÜT 2016
 (1) 
Henri Gouhier, La Philosophie et son Histoire, Paris, Joseph Vrin, 
2ème Edition, 1948 : A 
propos de la Philosophie chrétienne, pp. 25-26.
(2) Enfin on décolonise : Grand Conseil de l’AEF. Séance de la 
Deuxième Session ordinaire de Brazzaville, le 21 octobre 1957. Discours prononcé 
par M. BOGANDA, Président du Grand Conseil.
(3) Hymne national centrafricain.
(4) Enfin on décolonise : Monsieur le Président Barthélemy 
Boganda : Discours au Cinéma Rex, Bangui, le 7 septembre 
1958.