L’enfant qui a peur des poules
par B. 
MANDEKOUZOU-MONDJO
 Même si le dialogue rapporté ici entre un 
enfant et son grand-père le laisse entrevoir mon intention n’est pas de proposer 
une réflexion de plus sur les « peurs enfantines » et dire 
comment elles naissent et comment nous pouvons en libérer un enfant.
 Même si le dialogue rapporté ici entre un 
enfant et son grand-père le laisse entrevoir mon intention n’est pas de proposer 
une réflexion de plus sur les « peurs enfantines » et dire 
comment elles naissent et comment nous pouvons en libérer un enfant. 
Un enfant de la ville que ses parents amènent régulièrement à la « pause » des fins de semaine chez ses grands-parents était venu prendre du bon temps et respirer l’air frais et vivifiant de la campagne.
Ce matin-là, comme il le fait chaque jour, 
« Grand-père » va au poulailler donner leur première ration de grains 
à ses poules. Le petit-fils, toujours prêt à se rendre utile est naturellement 
de la tournée et de la corvée. Enhardi par la présence de 
« Grand-père » il affiche qu’il n’a peur de rien. Mais pas pour 
longtemps ; car les premiers grains jetés, la sarabande des poules 
manifestement déchaînées a vite fait de décontenancer notre « chevalier 
Bayard sans peur et sans reproche » ; et  le voici fébrilement accroché à 
« Grand-père ». 
Celui-ci sourit et rassure son petit-fils : 
« Tu n’as rien à craindre de la poule ; tu 
sais bien que tu n’es pas un grain ! »
« Moi, je le sais, Grand-père ; mais la poule, 
elle, elle ne le sait pas ! »
On raconte que le dramaturge grec Eschyle  serait mort d’avoir reçu sur le crâne 
une tortue lâchée par un rapace. Car certains rapaces, dit-on encore,  lâchent leurs proies de haut afin de 
pouvoir les dévorer plus facilement une fois qu'elles se sont écrasées au sol. 
Nous voyons dès lors toute la pertinence de la réponse de l’enfant que nous 
pouvons ainsi transposer : le vieillard chenu savait que son crâne n’était 
pas un rocher, mais le rapace, lui, ne le savait pas. 
Cette histoire et une autre ont été contées par mon 
professeur de philosophie de classe terminale pour illustrer un cours sur 
l’éveil de l’enfant. La première histoire concerne un enfant qu’un adulte agacé 
essaie de renvoyer en lui disant ;  « va voir dans le salon si 
j’y suis ». L’enfant tient la main de l’adulte et, les yeux dans les yeux, 
avec un sourire, lui répond : « Tu ne peux pas être au salon puisque 
tu es avec moi ! » La lecture conduisant à conclure à la preuve de 
l’éveil de l’enfant est ici évidente. En revanche je ne pense pas que l’histoire 
de « l’enfant qui a peur des 
poules » soit justifiée de la même lecture.  
La leçon à en tirer me semble être celle-ci : les 
peurs, les méfiances, l’agressivité  
-jusqu’aux agressions préventives- que suscite tout ce qui est en face de 
nous témoignent de l’ignorance que nous en avons et surtout du refus de toute 
ouverture vers ce qui apparaît étrange parce que différent ; étranger  par la même occasion et dès lors perçu 
comme hostile à nous. 
Nous en venons à créer une préjudiciable rupture  sur la chaîne des raisons. Tout se 
brouille et s’embrouille : et toutes les subtilités conjuguées  de la logique  ne peuvent nous 
offrir ni recours ni secours. 
« Pour n'avoir pas su vivre ensemble, deux populations à 
la fois semblables et différentes, mais également respectables, se condamnent à 
mourir ensemble, la rage au cœur » 
(1)
Ce 
que dit Albert Camus du drame algérien est transposable au cas 
centrafricain : la rupture sur la chaîne des raisons à laquelle je pense, 
c’est tout ce qui a pu conduire à  l’engrenage d’une violence 
meurtrière et suicidaire que nous voyons s’installer.
« Un long compagnonnage autour d’intérêts 
partagés » (2) a 
façonné l’unité d’hommes et femmes revenus de toutes les migrations que leur a 
imposées l’histoire. Il leur a été donné un Pays, la République Centrafricaine 
que tous, par la même occasion souhaitent une et indivisible. Personne ne doit 
s’y considérer comme un étranger ni souffrir d’aucune quelconque mesure 
d’exclusion. Mais voilà que la paix qui seule garantit l’harmonie entre les 
femmes et les hommes se réclamant d’une même patrie devient une quête 
désespérée.
« La terreur et les terroristes ont investi la vie politique en terre centrafricaine depuis le coup d’Etat de la saint Sylvestre avec Jean-Bedel Bokassa. Depuis lors est apparue et se développe une génération d’hommes et de femmes affichant sans complexe une soif et un goût immodérés pour le pouvoir et les avantages que le pouvoir assure. Et, en face et en proportion, c’est une absence totale et affligeante du sens du devoir et du service de l’Etat. Ils ont très vite intégré la violence dans leur stratégie de conquête du pouvoir. Ils sont habiles et manipulateurs. » (2)
 
La 
rupture sur la chaîne des raisons à laquelle je pense, c’est ce mal 
centrafricain amplement répandu comme la peste dans la fable de Jean de la 
Fontaine (3) : 
les animaux, s’ils ne mouraient pas tous, étaient néanmoins tous 
« frappés ».
Et 
à la rescousse d’un Pays incapable de se prendre en main, voilà la Communauté 
internationale attendrie. La rupture sur la chaîne des raisons à laquelle je 
pense ici : c’est la totale incohérence des diagnostics et pronostics des 
médecins de la « Peste ». Et la sanction ne se fera pas attendre, qui 
frappera la belle générosité internationale d’impuissance et 
d’inefficience.
La perception que chacun se donne du chaos a inspiré et 
guidé toutes les interventions censées déclencher un sursaut et  autoriser une sortie de 
crise. 
Mais voilà : la crise centrafricaine 
présentée comme une guerre de religion a été « un alibi bien habile qui a 
créé la première diversion en envoyant par monts et par vaux, les spécialistes 
des religions qui ont repris du service pour aller rappeler à leurs fidèles, 
dans un bel élan œcuménique, qu’il n’y a qu’un Dieu ; que quiconque se 
recommande de Dieu doit savoir que Dieu est amour et nous commande de nous aimer 
comme des frères et les fils d’un même Père.. Un alibi bien habile qui laisse le 
champ libre à la curée. Et à la manœuvre la cohorte des prédateurs sans 
scrupules et des « seigneurs de guerres ». Le commerce illicite des 
pierres précieuses (or et diamant), le braconnage, l’exploitation frauduleuse du 
bois alimentant le commerce des armes leur offriront d’entretenir la guerre et 
l’état de guerre, de faire régner la terreur et la loi du plus fort » 
(2).
L’intervention française venue pour empêcher un génocide 
ajoutera à la confusion en se trompant quelque peu de cible : en inversant 
les rôles, elle a interverti les statuts des victimes et des bourreaux. La 
guerre esr déclarée  prioritairement 
aux « Chrétiens », plus nombreux, -il est vrai-, en oubliant qu’ils 
sont  confrontés à des Sélékas 
musulmans surarmés et forts de l’appoint apporté par les mercenaires de 
confession musulmane recrutés dans les Pays voisins de la République 
Centrafricaine. Des corridors de protection et des camps retranchés sont créés 
pour protéger les Musulmans contre les anges exterminateurs que sont les 
« chrétiens ».
L’enclave musulmane du Km5 est un modèle de camp 
retranché et surarmé d’où partent la terreur et toutes les expéditions punitives 
sur la ville de Bangui. « L’encasernement » organisé par Sangaris pour 
les Sélékas ou Milices musulmanes leur a fait retrouver les Régions où depuis 
toujours ils rêvaient de créer leur « République islamique du 
Logone » (4), 
et où ils développent une économie, qui pour être parallèle n’en  est pas moins  juteuse. 
Ils y  poursuivent leur équipement en armes et 
entretiennent l’état de guerre.
Cette situation est restée en l’état quand la mission 
Sangaris a décidé de se retirer en déclarant que, dès lors qu’un pouvoir 
régulier a été mis en place, sa présence ne se justifiait plus et que la mission 
pouvait être considérée comme terminée. Comme Barracudas/EFAO (1996-1999)  voici Sangaris (2013-2016) passant à la 
Mission des Nations Unies toute la charge de la sécurisation du Pays et de la 
protection de la Population civile. La Minusca doit travailler à créer les 
conditions favorables au retour des exilés et des déplacés, à la circulation des 
personnes et des biens, au développement économique et social de la République 
Centrafricaine... Mais l’heure est encore aux discours et proclamations de 
bonnes intentions. La Minusca  tarde 
encore et toujours à se mettre au travail !
« Embrassons-nous, Folleville » : 
La rupture sur la chaîne des raisons à laquelle je pense 
est celle qui conduit à s’arrêter aux apparences : car rien n’autorise à 
dire en toute vérité  que la République Centrafricaine est de retour 
et a retrouvé toute sa place dans le concert des Nations. L’élection du 
Président de la République, assurément, a signé le retour de l’ordre 
constitutionnel et d’une démocratie normale. Je persiste et signe que restent 
bien vaines nos démonstrations et proclamations 
laissant accroire que le temps d’un Pays réconcilié et en marche est enfin 
venu : 
Le temps où  justice et paix 
s’embrassent.
« Le temps où le loup habitera avec l'agneau, 
Où la panthère se couchera avec le chevreau; 
Où le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, 
seront ensemble… 
Où la vache et l'ourse auront un même pâturage, 
Et leurs petits un même gîte; 
Et où le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. (5)
La République Centrafricaine de retour, c’est un 
Président heureux et fier de son élection à la Magistrature suprême : 
soucieux de reconnaissance et de notoriété internationale et en passe, pour cela 
seul, de boucler bientôt un tour du monde des 
chancelleries.
La République Centrafricaine de retour devrait sonner 
comme le retour des exilés et des déplacés à la maison, le retour de la paix et 
le silence des armes.
La République Centrafricaine sera de retour quand son 
Peuple, enfin debout aura retrouvé sa joie de vivre : revenu alors de 
toutes les angoisses et terreurs semées par les authentiques criminels et tueurs 
qui ont noms : LRA, Sélèka et Anti-Balaka.
La République Centrafricaine de retour : c’était 
hier un projet, une promesse et un espoir que tous les candidats avaient 
intégrés dans leurs  programmes de 
campagne électorale. Aujourd’hui est comme hier : tous les candidats ou 
presque ont formé une coalition et gouvernent ensemble. Ils ne sont pas en 
mesure de démentir ce que j’ai écrit dans une tribune le 19 janvier 
2013 :
 « Les 
Gouvernements de transition ou d’union nationale n’ont jamais rien prouvé. En 
République Centrafricaine, ils ont été, sans exception, une distribution de 
prébendes ; une addition de malentendus, d’ententes illicites et de 
compromissions ; une démultiplication des incohérences, des impuissances et 
des inefficacités ».(6)
« La 
République Centrafricaine de retour » reste encore et toujours un 
projet.
MANDEKOUZOU-MONDJO
8 décembre 2016
 (1) 
 Albert Camus : Appel 
pour une trêve civile en Algérie, 1956
(2) B. MANDEKOUZOU-MONDJO : Plaidoyer pour qu’advienne la Paix en République Centrafricaine (Les Plumes de RCA, 1 décembre 2015).
(3) Jean de la Fontaine : Les animaux malades de la peste.
(4) La partition de la République Centrafricaine est toujours d’actualité. Les combats à Bambari, Bria, Kag-Bandoro… l’attestent et les Sécessionnistes na manquent aucune occasion de rappeler qu’ aucune représentation de l’Administration n’y sera tolérée.
(5) Esaïe, chapitre 11, versets 5 à 7.
(6) La Guerre est au cœur de toutes choses.