Un nouveau président 
pour la France, et la RCA ?
La France vient de se 
donner un président de 39 ans. Le nouveau venu rejoint, en Occident, la galaxie 
des John Kennedy, Olof Palme, Justin Trudeau, Tony Blair, Mattéo Renzi, aux 
destins fracassés ou contrastés. Mais si la jeunesse est souvent synonyme de 
fougue, de dynamisme voire de témérité, que représente l'élection d'Emmanuel 
Macron pour l'Afrique ?
En dehors de ses 
déplacements officiels sur le continent, en très petit nombre, sa connaissance 
de l'Afrique s'arrête à un stage au Nigéria, dans le cadre de sa scolarité à 
l'école nationale de l'administration (ENA). Le géant du pétrole est un pays 
anglophone qui présentait alors des perspectives exponentielles de 
développement. Il a engendré Boko-Haram.
Dans un entretien au 
supplément du quotidien français Le Monde, Monde Afrique, Emmanuel Macron a 
livré sa perception et sa conception des relations entre la France et l'Afrique. 
Elle repose sur trois piliers :
-        
la France ne 
s'engagera pas seule en Afrique, mais en partenariat avec l'Europe et la 
Méditerranée, en particulier pour les migrants, « en travaillant en amont 
pour aider les pays d'origine à offrir à leurs habitants un avenir sur 
place ».
-        
le second pilier 
repose sur un élément jusqu'ici ignoré, 10 % des Français ont des origines 
africaines (soit 6 à 7 millions de personnes) et 300 000 Français sont des 
résidents permanents en Afrique. Cette « diaspora » est donc un atout 
majeur pour toute politique en direction du continent africain, en particulier à 
travers la francophonie qui ne doit pas être seulement une communauté de langue, 
mais aussi un espace économique renforcé.
-        
Le troisième axe se 
fixe pour perspective de revoir la loi de programmation de l'aide publique au 
développement afin d'atteindre l'objectif de 0,7 % du PIB à l'horizon 2022-2030, 
« avec des ressources accrues en dons ». La perspective est très 
lointaine et déçoit.
A cet égard, le 
nouvel élu exprime sa volonté de reconsidérer le « soutien direct aux 
gouvernements qui bafouent les droits les plus 
fondamentaux ».
Pour Emmanuel Macron, 
ces trois axes s'inscrivent dans l'action de l'Union Africaine, « qui a 
montré sa capacité d'action sur le terrain ». Or, l'UA elle-même s'inscrit 
dans une dynamique préemptée par les vieux crocodiles de la politique en 
Afrique. 
Pour la République 
Centrafricaine, ce passage obligé par l'Union Africaine porte donc en germe de 
lourds nuages, s'il devenait effectif. En effet, les instances africaines étant 
favorables à une mesure d'amnistie générale, le soutien de la France se 
traduirait ipso facto par la perpétuation de la politique de l'impunité qui 
gangrène le pays depuis si longtemps.
A un moment où la 
communauté internationale, par l'intermédiaire de la Cour pénale internationale, 
vient de nommer un Procureur à la tête de la Cour pénale spéciale à Bangui, un 
tel soutien constituerait une imposture pour toutes les victimes des différentes 
milices ou rebellions qui ont mis le pays à feu et à sang depuis l'amnistie 
générale de … 2008. Déjà !
La France doit au 
contraire peser de tout son poids, diplomatique, culturel, économique, militaire 
et financier, afin que soit mis fin à cette dérive qui fait de la RCA une 
démocratie en panne. Elle doit au contraire agir dans trois 
directions :
-        
en finalisant très 
rapidement les modalités de fonctionnement de la Cour pénale spéciale de Bangui 
en y déléguant des magistrats compétents et confirmés en matière de lutte contre 
le terrorisme, afin de mettre un terme définitif à l'impunité 
(1) ;
-        
en aidant les 
autorités locales centrafricaines à conduire un audit général de la situation du 
pays, en collaboration avec tous les partenaires techniques et financiers de la 
RCA, afin de repérer les points de blocage institutionnel, les circuits 
économiques de la corruption, et déceler les éventuels gisements de progrès 
(2) ; 
-        
en reconsidérant le 
statut de l'Ecole nationale d'administration et de la magistrature afin de 
revaloriser le cadre pédagogique de la formation des hauts cadres de 
l'administration publique (3). 
C'est à ces trois 
conditions que le choix des Français sera porteur d'avenir, de progrès, de 
justice et d'espérance pour la République Centrafricaine.
Paris, le 08 mai 
2017
Prosper 
INDO
Economiste,
Président du 
CNR
(1)   
– La France ne peut 
s'enorgueillir d'une décision de non-lieu dans l'affaire des viols d'enfants 
mineurs par des militaires de l'opération Sangaris.
(2)   
- Il y a deux ans, la 
France a fait don à la RCA de 135 téléphones portables pour permettre aux 
différents administrateurs provinciaux de communiquer avec leur ministère de 
tutelle. Que sont devenus ces équipements ? Qui en dispose, qui les 
détient, qui les utilise et dans quel cadre ? Sans un tel effort de 
transparence dans tous les domaines, les divers projets de reconstruction sont 
voués à l'échec, en particulier le programme de désarmement, démobilisation, 
réinsertion et rapatriement qui en est à sa troisième 
version.
(3)   
- Il convient de 
dissocier totalement la formation des cadres de la haute administration publique 
de celle des magistrats, en créant deux écoles distinctes. La première doit être 
recentrée sur un statut d'institut d'administration publique associé à un 
institut de science politique (IEP).