Les putschistes poursuivent leur offensive et semblent gagner du terrain : le camp Béal serait pris
En République centrafricaine, les putschistes gagnent du terrain
Au quatrième jour d'une tentative de coup d'Etat revendiquée par l'ancien chef d'état-major de l'armée centrafricaine, le général François Bozizé, Bangui a vécu les combats à l'arme lourde les plus intenses et, sans doute, les plus meurtriers.
Lundi soir 28 octobre, alors que les habitants de la capitale centrafricaine continuaient à fuir en grand nombre la ville, aucun bilan des affrontements n'était disponible.
Depuis vendredi, les troupes du général Bozizé et les forces fidèles au président Ange-Félix Patassé, parmi lesquelles un contingent d'une centaine de soldats libyens, se livrent une âpre bataille d'artillerie pour le contrôle de Bangui. Venus du nord et ayant établi leur quartier général à la périphérie de la ville, au "PK-12", les rebelles ont progressé, lundi, malgré les bombardements de l'aviation libyenne qui, toute la journée, a pilonné leurs positions. Dans la soirée, ils ont atteint le camp Béal, l'ex-base militaire française au centre-ville, proche de l'Assemblée nationale. A quelques centaines de mètres de là seulement se trouve la résidence du chef de l'Etat. Celui-ci, selon des informations difficiles à recouper, se serait mis en sécurité à l'archevêché, adossé au fleuve Oubangui, tout au sud de la ville.
En franchissant l'Oubangui à partir du Congo-Kinshasa voisin, près de 300 combattants du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), qui contrôle la rive d'en face, sont venus à la rescousse d'Ange-Félix Patassé. Le président apparaissait néanmoins en mauvaise posture, la majorité de l'armée centrafricaine - au sein de laquelle les Gbayas, l'ethnie du général Bozizé, sont fortement représentés - ayant rallié les rebelles, ou refusant de combattre.
ARRIÉRÉS DE TRAITEMENTS
Victime de sa paranoïa aiguë, qui a fini par frapper même son entourage le plus proche, le chef de l'Etat est aujourd'hui isolé. Son régime, tout en refusant le dialogue avec les syndicats et les partis d'opposition, a cumulé plus de trente mois d'arriérés de traitements dans la fonction publique. Dans ces conditions, même la garde prétorienne libyenne, appelée à être relevée ces jours-ci par une "force de sécurité" de la Communauté des Etats de l'Afrique centrale (Cemac), ne semble plus en mesure de sauver le pouvoir.
Quasiment en guise d'anniversaire de sa dernière tentative de putsch, le général Bozizé, un ancien compagnon d'exil, au Togo, d'Ange-Félix Patassé et proche parent de la première épouse de celui-ci, est passé à l'action en se jouant à la fois de la France et de la Cemac. Cette dernière avait décidé, le 2 octobre, de l'éloigner en Algérie, pour faire baisser la tension entre la Centrafrique et le Tchad. Résistant à une tentative d'arrestation à Bangui, le 27 octobre 2001, le général Bozizé avait engagé l'épreuve de force avec le régime, avant de se réfugier au Tchad voisin. De là, il s'est rendu, la semaine dernière, en France, d'où il a déclenché et revendiqué son coup d'Etat, avant de rentrer dans son pays, de nouveau via le Tchad.
A Paris, on n'a rien vu venir. Apparemment mal renseigné sur la situation en Centrafrique, le ministre délégué à la coopération, Pierre-André Wiltzer, croyait encore samedi, en clôturant les états généraux des ONG du développement à Agen, qu'il allait pouvoir se rendre, comme prévu, mercredi 30 octobre, en visite à Bangui...
S. Sm
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 30.10.02 (parue le 29 octobre 2002)
Renforcement des positions dans l'attente d'une reprise des combats
Bangui, 29 octobre 2002 (AFP) - 12h27 - Le calme prévalait toujours mardi midi à Bangui alors que les deux camps renforçaient leurs positions dans l'attente d'une reprise des combats, a constaté le correspondant de l'AFP.
"Il y a eu des mouvements tard dans la nuit. Ce matin, chacun conforte ses positions et il y a des renforts qui arrivent", a-t-il indiqué.
Selon des témoignages, de nouveaux éléments venus de RDCongo ont traversé le fleuve depuis Zongo (RDC) pour venir renforcer les éléments loyalistes et chacun s'accorde désormais à reconnaître qu'ils appartiennent au Mouvement de Libération du Congo (MLC), malgré le démenti de son président Jean-Pierre Bemba.
Au total, ces éléments congolais, qu étaient déjà venus soutenir le président Ange-Félix Patassé lors de la tentative de coup d'Etat en mai 2001, s'élèveraient à près de 500 hommes.
Du côté des rebelles, des renforts sont également attendus et, de source gouvernementale centrafricaine, on s'inquiète de la nature du matériel dont bénéficient les partisans de Bozizé.
La crise frappe la capitale centrafricaine, les 
rebelles poursuivent leur offensive
NAIROBI, 28 octobre (IRIN) - Des 
mitrailleuses lourdes et des feux d'artillerie ont encore retenti ce lundi dans 
la capitale centrafricaine Bangui, à la suite d'une incursion et d'une 
occupation des quartiers nord par les partisans armés du général François Bozizé, 
ancien chef d'état-major de l'armée régulière de la République centrafricaine 
(RCA).
Entendu samedi au micro de Radio France Internationale depuis la France - qui 
lui a accordé la semaine dernière l'asile politique -  M. Bozizé a 
revendiqué cette offensive et demande au président de la RCA, Ange-Félix 
Patassé, d'entamer un dialogue avec l'opposition ou de démissionner.
Des témoins ont confié à IRIN que les assaillants, qui sont arrivés à Bangui à 
bord de Land Cruisers, sont entrés dans la ville sans rencontrer d'opposition et 
ont interagi avec la population de façon pacifique. « Ils sont avec nous et ne 
gênent personne. Certains d'entre-eux portent un uniformemilitaire, » a indiqué 
à IRIN un habitant du quartier de Gobongo tenu par les rebelles. Néanmoins, dans 
l'hypothèse d'une attaque des troupes gouvernementales, ce même habitant s'est 
dit inquiet quant au sort de la population qui pourrait bien servir de bouclier 
humain.
Parallèlement, les troupes libyennes chargées de la protection du palais 
présidentiel n'ont cessé de bombarder les quartiers nord, soit PK 12, Gobongo, 
Boy Rabe, Combattant (où est situé l'aéroport Mpoko de Bangui) et Fouh, des 
lieux connus pour être des bastions traditionnels des anciens alliés - Patassé 
et Bozizé. Deux avions de combats libyens, envoyés pour deux nuits en République 
démocratique du Congo en raison de l'insécurité prévalant à l'aéroport de Mpoko, 
auraient néanmoins bombardé des positions de l'opposition pendant la journée.
A Bangui, un grand nombre d'habitants des quartiers nord ont continué de 
s'enfuir pour tenter de gagner des zones plus sûres dans les banlieues sud de la 
capitale. Seuls des véhicules militaires circulent dans les rues de la capitale. 
Dans les moments d'accalmie, de nombreux habitants se risquent à l'extérieur 
afin d'aller constater les dégâts. On ne connaît pas encore ce lundi le bilan 
des victimes mais des témoins ont confié à IRIN qu'un grand nombre de civils ont 
été pris dans un échange de tirs entre les troupes de l'armée régulière et les 
forces rebelles.
Les hommes de M. Bozizé qui occupent la moitié de la capitale, ont, par 
ailleurs, capturé le porte-parole présidentiel Prosper Ndouba. Celui-ci, dont la 
famille est autorisé à lui rendre visite, appelle le gouvernement à entrer en 
négociations avec les rebelles.
Le gouvernement centrafricain, resté silencieux depuis le début de 
l'insurrection, a fait une déclaration officielle ce dimanche par le biais de 
son ministre de la communication, Gabriel Jean Edouard Koyambounou, entendu au 
micro de la station officielle Radio Centrafrique, la seule station ouverte à 
l'heure actuelle.
« Nous avons pris certains rebelles dont les papiers d'identité montrent qu'ils 
proviennent du Tchad , » a indiqué M. Koyamounou, qui demande à la population de 
n'infliger aucun mauvais traitement aux ressortissants tchadiens résidant en RCA. 
En vue de rassurer la population centrafricaine, il a ajouté que les rebelles, 
qui avaient reçu le choix de « déposer les armes ou d'être réduits », ont déjà 
été encerclés par les forces du gouvernement.
M. Koyamounou a démenti les allégations du gouvernement tchadien selon 
lesquelles les rebelles tchadiens se préparent à attaquer le Tchad depuis Gordil, 
une ville de RCA située à un millier de kilomètres au nord-est de Bangui.
Les troupes de la RCA sont appuyées par 200 soldats libyens qui ont d'abord été 
dépêchés à Bangui à la suite d'une tentative de coup d'Etat avortée lancée en 
mai 2001 par l'ancien président André Kolingba.
Parallèlement, les habitants des quartiers est de Bangui ont déclaré à IRIN 
qu'un grand nombre d'hommes armés appartenant vraisemblablement au Mouvement de 
libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba ont quitté Zongo en RDC et 
traversé le fleuve Oubangui. Ni le gouvernement de la RCA ni le MLC n'ont 
confirmé ces informations.
Depuis l'élection du président Patassé en 1993, la RCA a essuyé un grand nombre 
de conflits armés internes, notamment trois mutineries en 1996-1997, l'offensive 
de Kolingba le 28 mai 2001 et la résistance armée organisée en novembre 2001 par 
François Bozizé, lorsque ses partisans se sont opposés à l'ordre d'arrestation 
du gouvernement dans le cadre de l'enquête de la tentative de putsch de mai 
2001.
En outre, de nombreux affrontements attribués aux militants du général Bozizé 
basés au Tchad et au chef rebelle tchadien, Abdoulaye Miskine, basé en RCA, ont 
éclaté le long de la frontière commune aux deux nations lorsque Bozizé et ses 
hommes ont trouvé refuge au Tchad en novembre 2001.
Le conflit entre la RCA et le Tchad semblait avoir été résolu lors du sommet 
régional qui s'est tenu le 2 octobre dernier à Libreville au Gabon. Dans le 
cadre de l'accord de Libreville, M. Miskine devait être réinstallé au Togo,en 
Afrique de l'Ouest tandis que M. Bozizé recevait ultérieurement l'asile 
politique en France. Cet accord prévoyait aussi le déploiement d'une force 
régionale armée de 350 hommes en RCA en vue d'apaiser les tensions.
Les analystes régionaux craignent aujourd'hui que cette nouvelle crise ne 
conduise à une rapide détérioration des relations entre le Tchad et la RCA.
Ce samedi, Amara Essy, président par intérim de la Commission de l'Union 
africaine (UA) a fait une déclaration officielle, depuis le Siège de l'UA sis à 
Addis Abeba, capitale de l'Ethiopie, dans laquelle il s'est dit fortement 
préoccupé par la situation qui prévaut actuellement à Bangui. Dans son 
allocution, il a également condamné la « reprise des hostilités qui sapent les 
efforts consentis par la CEMAC [Communauté économique et monétaire de l'Afrique 
Centrale], avec l'appui de l'Union africaine, de la CEN-SAD [Communauté des 
Etats sahélo-sahariens] et des Nations Unies, en vue de renforcer la paix en 
République centrafricaine ».
M. Essy a lancé un appel pour l'arrêt immédiat de cette dernière offensive, 
ajoutant « qu'il était impératif de déployer immédiatement des troupes de la 
CEMAC, conformément à la décision adoptée par le sommet de Libreville [Gabon] le 
2 octobre 2002 ». Il a, par ailleurs, prié les Etats membres et les partenaires 
de l'UA de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour soutenir les efforts 
consentis par la CEMAC et pour appuyer le déploiement de ses troupes.
La France, ancienne puissance coloniale de la RCA, a publié, dimanche, un 
communiqué condamnant toutes les tentatives de renversement du gouvernement de 
M. Patassé et a réaffirmé son soutien aux autorités de la RCA. Paris a également 
demandé à l'ensemble de la région de l'Afrique centrale de respecter la 
souveraineté et l'intégrité territoriale de la RCA et a rappelé le besoin de 
mettre en application l'accord de Libreville.
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