DISCOURS D'OUVERTURE DE JACQUES CHIRAC AU XXIIe SOMMET FRANCE-AFRIQUE, PARIS, 2003
ALLOCUTION DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRESIDENT 
DE LA REPUBLIQUE
LORS DE LA SEANCE D'OUVERTURE DE LA XXIIEME CONFERENCE DES CHEFS D'ETAT 
D'AFRIQUE ET DE FRANCE
PARIS, JEUDI 20 FEVRIER 2003
Sires,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Chefs de Délégations,
Monsieur le Secrétaire Général des Nations unies,
Mesdames et Messieurs,
Depuis maintenant trente ans, la Conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de 
France rythme et inspire une relation privilégiée, faite d'estime et d'amitié 
mais aussi d'intérêts et de sentiments partagés. 
Et c'est pour moi un plaisir particulier que de vous accueillir et de vous 
souhaiter la bienvenue à Paris, qui a le grand privilège de vous recevoir une 
nouvelle fois. Je me réjouis de retrouver les familiers de nos réunions et je 
voudrais assurer les chefs d'Etat qui nous rejoignent de notre plaisir de les 
compter parmi nous.
Permettez-moi aussi d'exprimer en notre nom à tous ma grande gratitude
au Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi ANNAN, et au Président
intérimaire de la Commission de l'Union africaine, M. Amara ESSY, qui
nous honorent de leur présence et vont éclairer nos réflexions.
L'Afrique occupe dans le monde une place singulière. Berceau de
l'humanité, elle est notre origine. Par ses cultures millénaires,
pétries d'influences mêlées, elle est riche d'une expérience humaine à
peu d'autres semblable. Ayant surmonté les épreuves immenses qui lui
furent imposées, elle recèle de puissantes sagesses. Elle a été envahie,
pillée, malmenée, mais elle a résisté. Elle a reconquis son indépendance
et affirmé sa dignité dans le concert des nations. 
Dotée, malgré sa pauvreté et la rudesse de ses climats, de richesses
naturelles abondantes, servie par ses peuples aux talents exceptionnels,
il est en son pouvoir de briser désormais les engrenages de la misère et
du sous-développement. Déjà, elle apporte aux cultures du monde
occidental des voix, des rythmes, une émotion, une vision du monde qui
inspirent nos artistes et captivent nos jeunesses. Ses entreprises
inventent des modèles originaux et se montrent capables de trouver toute
leur place dans l'économie moderne. Et c'est pourquoi
j'ai foi dans l'Afrique.
Mais, au moment-même où elle veut construire son développement, elle subit de 
plein fouet les turbulences et les drames de notre temps, les incertitudes de la 
croissance mondiale. Elle veut saisir, comme les autres, les chances de la 
mondialisation. Nous savons qu'elle en a les atouts. Et nous voulons, ensemble, 
le lui permettre. 
Dans l'accomplissement de cette tâche immense, chantier prioritaire de notre 
temps, notre rencontre sera porteuse d'espérance pour peu qu'ensemble, nous 
prenions appui sur ces piliers solides que sont le dialogue, la solidarité et le 
partenariat.
Le dialogue. La France est entendue dans le monde parce qu'elle sait écouter, 
parce qu'elle veut vous écouter. Nous devons à l'histoire une proximité, des 
relations politiques, économiques et humaines sans égal par leur intensité. D'où 
le respect, la compréhension mutuelle qui fondent et enrichissent notre 
dialogue. Ici, par votre voix, des peuples vont exprimer une nouvelle fois leurs 
aspirations, leurs espoirs, leurs ambitions. Nous cherchons ensemble comment 
relayer ces appels. Comment les transformer en initiatives, en réformes, en 
projets communs.
Car la solidarité est notre grande cause. Nous vivons le paradoxe d'un univers 
où les écarts de richesses se creusent chaque jour davantage alors que 
l'abondance pourrait se répandre partout. Nous en refusons la fatalité. Nous ne 
pouvons accepter, pour des raisons morales, de tenir hors du progrès et de 
l'espoir des centaines de millions d'hommes, de femmes et d'enfants. Ce serait, 
en outre, un grand très risque pour la paix des nations comme pour l'équilibre 
du monde.
Le partenariat enfin. Il est au coeur de notre sommet. Il nous procure l'une des 
clés qui nous ont manqué jusqu'alors pour donner toute leur portée et toute leur 
efficacité à nos coopérations. Le temps est désormais aux responsabilités 
partagées. Le monde se félicite de l'engagement des dirigeants africains en 
faveur des principes qui fondent la tranquillité et la prospérité des peuples : 
démocratie, bonne gestion des affaires publiques, ouverture économique, respect 
des souverainetés. A travers la démarche du NEPAD, une trame d'actions 
convergentes se dessine, qui permettra d'accéder aux ambitions que tous nous 
formons pour l'Afrique.
Une Afrique pacifique et prospère dont la jeunesse et l'élan imprimeront au 
monde un nouveau dynamisme.
Ce partenariat, j'y vois l'occasion de renouveler l'engagement de la France aux 
côtés des Africains, de réaffirmer solennellement la communauté de destin qui 
nous lie et qui nous oblige.
Elle est l'affaire des Etats, mais elle obéit aussi au sentiment des peuples. 
Les Français savent ce qu'ils doivent à l'Afrique, qui s'est si souvent trouvée 
à leurs côtés, dans le camp de la liberté contre le totalitarisme. Ils savent 
aussi tout ce qu'elle apporte à la France : le soutien, la confiance, la 
solidarité, des liens intimes entre nos peuples. Dans une société internationale 
si sensible aux rapports de force, nous travaillons à ce que nos influences se 
conjuguent davantage au service des grandes causes du monde contemporain. 
L'Afrique est au coeur des priorités de la France. C'est pour moi un choix 
d'évidence, car il répond aux principes-mêmes qui commandent notre diplomatie : 
promouvoir la paix et la sécurité, renforcer les solidarités, favoriser les 
échanges, le dialogue des cultures. Il répond aussi à un devoir de mémoire : 
celle des grandes blessures qui ont laissé des traces. Il nous est enfin imposé 
par les temps présents.
L'actualité nous commande de réagir aux nouvelles situations de détresse, qu'il 
s'agisse des grandes pandémies ou du sort des réfugiés et des déplacés. Vous et 
nous ne pouvons légitimer le recours à la violence, laisser s'installer des 
zones grises ou de non-droit, laisser des provinces entières tomber
en déshérence.
Comment ne pas réagir à la grave famine qui menace aujourd'hui 40 millions 
d'Africains ? Là-aussi, la réponse est à l'action et au volontarisme.
Cette volonté, je tiens d'autant plus à la renouveler que certains parmi vous 
avaient pu avoir l'impression que la France tendait à prendre ses distances. Le 
gouvernement a pris les décisions qui s'imposaient pour redresser la barre. 
D'abord sur le plan financier, en surmontant les contraintes du moment.
Notre aide publique au développement augmentera de moitié d'ici 2007, pour 
atteindre alors 0,5% de notre PIB. Et nous avons pour objectif de la porter à 
0,7% d'ici 2012.
L'Afrique, qui est déjà le principal bénéficiaire de notre aide, recevra plus de 
la moitié des nouveaux flux.
Sur le plan politique, la France s'est engagée pour répondre à des situations de 
crises ouvertes menaçant parfois la stabilité de régions entières. C'est ainsi 
que nous avons soutenu, par une logistique et un financement conséquents, les 
processus de paix engagés en Afrique centrale par les chefs d'Etat de la CEMAC, 
ou en Afrique de l'Ouest par ceux de la CEDEAO. Et je tiens ici à leur rendre un 
particulier hommage.
L'urgence et la gravité de la crise ivoirienne nous ont imposé, dans l'attente 
d'une force régionale, le déploiement d'un important dispositif d'interposition. 
Nous savons tous que ce dispositif, auquel se sont joints les éléments de l'ECOMOG, 
a épargné des milliers de vies humaines. Aujourd'hui, les bases de la 
réconciliation nationale sont posées, grâce aux efforts de tous les médiateurs, 
à commencer par ceux de la CEDEAO.
C'est à tous les Ivoiriens, et en premier lieu à ceux qui les représentent, de 
faire revivre, avec détermination et sincérité, une société apaisée. Leur 
responsabilité est immense, car le risque de fracture demeure. Et j'appelle 
chacun au respect des engagements pris.
Heureusement, la France n'est pas seule à plaider pour l'Afrique. Je voudrais 
saluer particulièrement l'action résolue de M. Kofi ANNAN, qui a engagé toute 
son autorité et toute son énergie pour que ce continent soit au coeur des 
préoccupations de l'Organisation des Nations Unies. Je rends hommage à toutes 
celles et à tous ceux qui se sont engagés pour une renaissance de l'Afrique en 
créant l'Union africaine et en lançant le NEPAD.
Ces efforts conjugués ont enclenché une dynamique. Lors des grandes rencontres 
internationales, les appels de l'Afrique ont été mieux entendus. Ils se sont 
traduits dans les objectifs ambitieux de la Conférence du Millénaire, comme à 
Monterrey où fut décidé d'augmenter de 25% l'aide publique au développement, 
dont la moitié pour l'Afrique. De même, l'adoption à Kananaskis d'un plan 
d'appui au NEPAD et le cri d'alarme lancé dans la belle conférence de 
Johannesburg témoignent de l'attention nouvelle portée à votre continent.
Les grandes voies sont tracées. Il faut s'y engager résolument. Rendre les 
actions plus visibles, au bénéfice direct des populations. Les faire adopter 
pleinement par les pays industrialisés. Telle est la priorité de la France pour 
le sommet du G8 à Evian. 
Ici, à Paris, je propose que nous confirmions les termes du nouveau partenariat. 
Nous l'aborderons dans sa dimension politique. Sur quelles bases, pour quels 
objectifs s'établissent les relations entre l'Afrique et ses partenaires ? 
Comment les redéfinir ? Comment nous assurer de leur pertinence ? Comment faire 
pour que ce partenariat ne soit pas seulement l'affaire des gouvernements mais 
devienne aussi celle des peuples ? 
Certaines réponses ont déjà été données et des principes retenus par nous tous. 
Au sommet de Ouagadougou, en 1998, c'étaient ceux de la bonne gouvernance, ces 
règles et ces comportements qui régissent les sociétés apaisées et font de 
l'Etat le garant des libertés publiques et de l'intérêt général. A Paris, en 
2000, nous avons préconisé le recours à des mécanismes de prévention et de 
règlement des conflits. Lors de notre dernière rencontre, à Yaoundé, nous avons 
discuté des moyens de donner à l'Afrique sa place légitime dans la 
mondialisation.
Mais c'est d'Afrique-même qu'est venue, avec le NEPAD, l'expression la plus 
claire, la plus déterminée, des fondements politiques du nouveau partenariat. 
Les dirigeants africains eux-mêmes affirment ces valeurs, ces principes, ces 
comportements nécessaires pour asseoir la paix civile, le développement, le 
progrès. Ce n'est pas seulement une affirmation de principe puisque vous avez 
pris le soin d'instituer un mécanisme collégial pour en assurer le respect. 
Cette prise en mains sera décisive pour la crédibilité des engagements pris.
Il était temps, car de graves crises survenues dans des pays épargnés jusqu'ici 
nous interpellent. Au-delà de leurs effets dramatiques sur les populations et 
sur les économies, elles nuisent à l'Afrique tout entière. Elles donnent des 
arguments à ceux qui doutent des progrès du continent. Elles occultent les 
résultats enregistrés pour mettre fin aux conflits dans la région des Grands 
Lacs, entre pays de la Corne de l'Afrique, ou encore en Sierra Leone. Et je 
salue tous ceux qui, inlassablement, y reconstruisent la paix et s'exercent sans 
tapage à "l'efficacité de la sève" pour réparer "celle du typhon".
Il est vrai que des facteurs d'instabilité restent toujours présents. C'est 
pourquoi il faut renforcer l'autorité de l'Etat, former des forces de sécurité 
civile, garantir l'honnêteté des consultations électorales.
Il faut construire la cohésion nationale par-delà les particularismes.
Il faut former la jeunesse à "la culture de paix" et mettre son ardeur au 
service du développement.
De même, face à des maux endémiques tels que le trafic d'armes, le commerce 
illicite, le pillage des ressources ou les rébellions menées par des 
aventuriers, il faut organiser la riposte en s'appuyant sur des principes clairs 
et reconnus. 
Le premier d'entre eux est la condamnation sans faiblesse de toutes les formes 
de prise illégale du pouvoir. C'est la règle instituée par l'OUA, lors de son 
sommet d'Alger. C'est la position constante de la France.
Les alternances réussies dans plusieurs pays démontrent que c'est la bonne voie. 
Y déroger serait nier toute valeur aux dispositions fondamentales fixant la 
règle du jeu démocratique. Mais, dans le même temps, il faut rejeter la 
surenchère de la violence pour privilégier le dialogue. Le dialogue politique 
désarme la violence alors que la riposte l'exacerbe. D'où qu'elle vienne, la 
violence doit être dénoncée. Leurs auteurs ont désormais à craindre d'être 
sanctionnés par la Cour pénale internationale qui étend sa protection à tous les 
citoyens du monde. Il est fini le temps de l'impunité, le temps où l'on 
justifiait la force.
Doit venir maintenant le temps où l'on fortifie la justice. 
Mais chacun reconnaît que le développement reste l'enjeu fondamental, celui qui 
commande tout, la sécurité, la confiance, la paix et le bonheur des hommes. Il 
tient donc une place privilégiée dans les relations de l'Afrique avec ses 
partenaires. Lors de nos travaux, essayons-nous à dresser les priorités 
immédiates du NEPAD, à commencer par ces secteurs-clés qui méritent une 
attention particulière : le développement social, l'eau, le développement 
agricole.
Le développement social, c'est vaincre enfin le sida, grâce aux armes dont nous 
disposons désormais. Il est plus que temps, car ses ravages s'étendent. C'est 
répondre à des besoins fondamentaux, l'éducation et la santé pour tous. C'est 
assurer la place des femmes, la protection des enfants et des populations 
vulnérables. C'est construire l'avenir.
L'accès à l'eau, pour les populations urbaines et rurales, la protection des 
ressources hydrauliques, l'assainissement constituent autant de grands défis des 
prochaines décennies. En Afrique, 400 millions de personnes, près d'une sur 
deux, sont quasiment privées d'eau potable.
Cette pénurie est cause de pauvreté accrue, de maladies innombrables, de graves 
déséquilibres sociaux. Elle est aussi porteuse de catastrophes écologiques pour 
le continent. Pour atteindre les objectifs du Millénaire et de Johannesburg, il 
faut que chaque Etat, chaque région, définisse une stratégie. Il faut rassembler 
des ressources financières considérables. Sachons innover,
notamment en recourant à des partenariats entre le secteur public et le secteur 
privé, permettant des investissements à long terme de grande ampleur.
Le développement agricole a quant à lui été trop longtemps délaissé alors qu'il 
est impératif pour assurer à tous une alimentation suffisante, pour arracher à 
la pauvreté les populations rurales, pour augmenter les recettes d'exportation. 
Sur cette question qui, vous le savez, me tient à coeur, je vous ferai des 
propositions précises dont nous pourrons débattre.
Je voudrais que les pays développés revoient leurs politiques d'aide alimentaire 
et de soutien aux exportations agricoles, afin d'éviter la déstabilisation des 
productions vivrières africaines. Je souhaite que l'Afrique bénéficie d'un 
traitement commercial privilégié à l'image de ce que l'Europe a déjà engagé. 
Enfin, il me paraît important de rouvrir le dossier délaissé des matières 
premières, clé du développement de nombreux pays.
L'aide publique sera déterminante pour appuyer le développement. Mais je tiens à 
souligner la place du secteur privé. Le NEPAD l'a bien vu : en ce siècle, quel 
que soit leur volontarisme, ni les Etats africains, ni les Etats partenaires de 
l'Afrique ne seront les seuls moteurs du développement. Ce sont les 
investisseurs privés qui créent la richesse et qui font la croissance.
Alors, construisons la confiance. Attirons en Afrique les énergies et les 
talents au service de projets de développement ambitieux.
Perfectionnons l'environnement économique et juridique afin de garantir la 
sécurité de l'entreprise. Cela signifie des codes rénovés, comme ceux qui ont 
déjà été adoptés dans le cadre de l'Organisation du droit des affaires en 
Afrique - l'OHADA -, des institutions judiciaires reconnues et la stabilité des 
règles économiques. Ainsi, les entrepreneurs de vos pays investiront, 
embaucheront, multiplieront les projets. Les investisseurs internationaux 
retrouveront le chemin de votre continent.
Le dynamisme que l'Afrique y gagnera, incarnera cette renaissance à laquelle 
vous vous êtes attachés.
Mes chers amis, 
Permettez-moi d'évoquer pour conclure les grandes questions qui interpellent le 
monde. Qu'il s'agisse du combat contre le terrorisme, de la lutte contre la 
criminalité organisée, du traitement des grandes pandémies ou du développement 
durable, le défi lancé à l'Afrique est le même que celui lancé aux autres 
continents. Face aux tumultes nés de la mondialisation, nous attendons de 
l'Afrique qu'elle imprime sa marque.
Dans les ripostes qui s'organisent, la voix de l'Afrique doit se faire entendre. 
Le mot d'ordre pour l'Afrique, c'est la présence et l'action, sans relâche, dans 
toutes les enceintes où se dessine notre avenir commun.
La mondialisation n'est pas seulement économique et financière. Elle doit être 
aussi humaniste, éthique, culturelle. Elle doit organiser le dialogue des 
différences. L'Afrique doit y faire entendre ses valeurs, ses valeurs qui sont 
l'esprit de solidarité, la créativité, la diversité des cultures et des 
patrimoines. S'il est un continent qui a vocation à humaniser la mondialisation, 
c'est bien l'Afrique. Ensemble, avec l'Europe, engageons-nous à façonner un 
monde qui ne soit pas seulement efficace mais également composite et inspiré.
Telle est l'ambition de notre XXIIème sommet.
Je vous remercie de votre présence.