Quand on lit entre les lignes du calendrier 
électoral.
Ces généraux centrafricains qui s’étaient emparés du pouvoir en Centrafrique, 
soit sur un coup de force (Bokassa et Bozizé) soit à la suite d’un ras-le-bol du 
prédecesseur (Kolingba), avaient été non seulement fiers de leurs exploits, mais 
par dessus tout, avaient considéré tout le peuple centrafricain comme une bête 
de somme qu’ils pouvaient à volonté mener par le bout du nez. Un civil en 
particulier avait également eu la même attitude et cette passion de se maintenir 
au pouvoir à tout prix. Et l’annonce du calendrier électoral par le gouvernement 
de Bozizé était encore une de ces stratégies pour faire confisquer au peuple 
tous ses droits fondamentaux. Ce calendrier électoral cacherait-il son véritable 
mobile entre les lignes ou serait-il simplement une farce? C’était comme faire 
usage de cosmétiques qui avaient caché les véritables intentions du Général 
Bozizé.
Récemment donc, le Secrétaire Général du gouvernement du Général Bozizé 
rapportait dans un communiqué officiel que le processus électoral, en vue des 
élections prochaines, serait divisé en 8 parties supervisées par un Ministre, 
membre du gouvernement. Vous constaterez avec nous que tous ces ministres étant 
à la solde (littéralement) du Général Bozizé, l’on se demanderait comment 
ceux-ci pourraient s’acquitter de manière impartiale de cette charge, et, assurer 
à la fois la neutralité et l’objectivité des travaux, sans que l’on puisse voir 
derrière, les mains de Bozizé tirer sur les ficelles et dicter ses propres 
décisions?
Le Secrétaire Général du Gouvernement dans son rapport indiquait également que 
le Ministre de l’Intérieur et le Ministre de la Justice réviseraient la 
constitution et le code électoral et rédigeraient des projets de lois qui 
régiraient le fonctionnement de la cour constitutionnelle, des partis politiques 
et du code électoral. Mais depuis quand le gouvernement de Bozizé a-t-il 
l’exclusivité de l’exercice de la démocratie en Centrafrique surtout quand on 
sait qu’il l’avait foulée au pieds depuis sa première tentative de coup d’état? 
Est-ce que le government de Bozizé pourrait expliquer la légitimité de ces 
prérogatives que celui-ci s’était ainsi arrogées quand on sait que ce 
gouvernement dit de transition ne représente que le Général Bozizé lui-même et 
n’est nullement l’expression d’un gouvernement approuvé par une assemblée 
nationale légitime ou par le peuple? Et quelle arrogance Bozizé et ses ministres 
avaient essayé d’imaginer que le peuple, y compris les partis politiques, les
 syndicats et la société civile dans son ensemble étaient incapables de mener 
d’eux mêmes les réflexions nécessaires qui conduiraient à la rédaction de la 
constitution et des textes de lois cités ci-dessus! N’est-ce pas autour de ces 
grands sujets politiques que devrait se bâtir le consensus qui renforcerait les 
objectifs d’un nationalisme centrafricain fort? Ces hommes politiques 
centrafricains et ces militaires n’avaient-ils jamais observé que cette absence 
d’un nationalisme solide avait été la cause des conflits armés et autres 
calamités dans plusieurs pays de la sous-région? Il est donc regrettable 
d’observer que le Général Bozizé va comme ses prédécesseurs faire encore manquer 
le coche au véritable mouvement démocratique en Centrafrique. Comment une équipe 
du gouvernement restreint à deux membres s’estimerait-elle largement compétente 
et représentative pour prendre en compte toutes les préoccupations que le peuple 
avait souvent voulu voir inclure dans la constitution de la
 république et les autres lois? Quelles autres cartes ces ministres 
tireraient-ils de leurs manches, afin d’élaborer dans le temps prescrit des 
projets de lois qui soient les plus complets possibles? Refusent-ils de se 
souvenir que c’était justement dans des conditions semblables de besognes 
obscures que des textes qui avaient été élaborés dans le passé par les 
gouvernements ne reflétaient que les points de vue du despote au pouvoir? 
Le Secrétaire Général du Gouvernement avait aussi rapporté que le Ministre de 
l’Intérieur superviserait le déroulement des élections et du référendum. Mais 
quels arguments le gouvernement du Général Bozizé avancerait encore pour faire 
croire au peuple que le Ministre de l’Intérieur garderait toute la neutralité et 
l’objectivité pour jouer pleinement ce rôle délicat? Auprès de quelle autorité 
suprême le Ministre de l’Intérieur répondrait-il de ses actes, s’il y avait 
manquement? Cette autorité suprême serait-elle le CNT ou le Général Bozizé? Nous 
vous voyons sourire. Enfin ce ministre aurait-il réellement des raisons 
profondes d’être impartial dans ses observations et juste dans les décisions 
qu’il pourrait prendre? 
Le rapport indique par ailleurs qu’une cour constitutionnelle serait placée sous 
le contrôle du Ministre de la Justice. N’avez-vous pas encore perçu la fausse 
note qui était en train d’être jouée et qui donne un avant-goût des articles de 
la constitution et autres que le gouvernement de Bozizé a charge de rédiger en 
sa faveur? Est-ce que c’est de cette manière ainsi prescrite que le gouvernement 
de Bozizé entendrait traduire dans les actes son application du principe de 
séparation des pouvoirs? Vous souvenez-vous du temps où une cour similaire 
n’avait émis aucune opinion contre l’établissement de l’empire centrafricain? 
Ces mêmes évènements pourraient bien se répéter, parce qu’aucun garde-fou n’a 
été posé et parce que le maître d’oeuvre de tout ce calendrier électoral est 
Bozizé, son équipe, et personne d’autre. Mais où sont donc les représentants du 
peuple centrafricain?
Mais enfin, voyons! Le Général Bozizé et ses technocrates pensent-ils vraiment 
que le peuple centrafricain de plus de 3 millions d’âmes est dupe à ce point? 
Celui-ci aurait peut-être raison de croire que les partis politiques 
centrafricains n’ont qu’une idée à l’esprit, celle d’envoyer leurs candidats aux 
prochaines élections. Et dans la jubilation, ces partis politiques, syndicats et 
autres n’avaient jamais pensé qu’il était d’un très grand intérêt que tous 
réclament la charge de participer, au préalable, à la mise en place de tous ces 
projets de lois, avant d’aller au référendum puis aux élections. Si toutes les 
couches sociales ne participent pas directement à ces débats préliminaires, 
comment le gouvernement de Bozizé pourrait-il prétendre offrir des projets 
valables, sérieux et ayant un caractère historique à ce même peuple pour 
consultation? Le RDC de Kolingba et le MLPC de Patassé avaient jadis manipulé 
les rédactions des textes de la constitution qui n’avaient pas pris en
 compte les intérêts suprêmes de la Centrafrique. Ces manipulations avaient 
chaque fois abouti à des textes qui allaient dans le sens du renforcement de 
l’autorité et de l’exercice d’un pouvoir despotique. Mais enfin, combien de fois 
voulez-vous que la Centrafrique renouvelle ces mêmes erreurs du passé?
Ce rapport officiel avoue bien naturellement que tout ce processus est sous le 
contrôle du gouvernement de Bozizé qui serait lui aussi un éventuel candidat aux 
prochaines élections présidentielles. Mais dites-moi comment dans ce contexte 
Bozizé pourrait-il délibérément se constituer juge et parti? N’est-ce pas piper 
les dés avant de les jeter? Dites-moi aussi pourquoi le peuple devrait aller aux 
élections lorsque les donnes seraient manipulées d’avance? Selon nous, il n’y 
aurait de véritables élections que lorsque les règles de jeu auraient été mises 
en place avec la participation objective, sereine et avisée de tous les 
représentants de la communauté centrafricaine au sens large du terme. Les partis 
politiques centrafricains, le patronnat, les syndicats, la société civile et la 
communauté de ces pays avancés qui possèdent le savoir et le savoir-faire 
devraient rester vigilants et dénoncer cette mascarade pour éviter que les 
troubles des dernières décennies ne se répètent. Le moment
 est opportun pour exercer des pressions sur Bozizé, afin que ces prochaines 
élections se déroulent selon les règles décentes d’une bonne démocratie. Nous 
suggérons que l’exécution de ce calendrier se fasse sous la supervision d’une 
commission nationale indépendante et non celle du gouvernement de Bozizé, afin 
que tout se passe dans la sérénité et que le pays fasse enfin un grand pas dans 
son histoire. Et la communauté internationale devrait aider à la réalisation des 
grands rêves de démocratie et des aspirations légitimes du peuple centrafricain 
en offrant à cette commission nationale indépendante les expériences, les 
connaissances, les conseils, les avis techniques objectifs et la logistique 
nécessaires. Lorsque la démocratie véritable aura repris racine, le peuple 
centrafricain se souviendra de ses vrais amis et leur revaudra.
Il y a enfin selon nous un aspect très important de ce calendrier électoral 
qu’il ne faudrait pas passer sous silence. Pourquoi parler uniquement du 
calendrier électoral et des élections si les mercenaires de la "Bande à Bozizé" 
ne sont pas éconduits? Pourquoi en parler si les autorités de N’djamena qu’on 
soupçonnait d’avoir soutenu Bozizé ont encore un contingent militaire en 
Centrafrique, supposé chargé du maintien de la paix? Et si ces forces quittaient 
le territoire centrafricain, quelles seraient les assurances que Bozizé 
donnerait pour ne pas les faire revenir au moment voulu? Ceux sont là les 
préoccupations légitimes que chaque centrafricain devrait porter à l’attention 
du gouvernement de Bozizé et de la communauté internationale, afin d’opérer 
rapidement la marche vers le rétablissement d’une démocratie véritable en 
Centrafrique.
Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique
[Thu, 5 Feb 2004 17:39:52 -0800 (PST)]
Regards et points de vue des partis et mouvements centrafricains