Sahelanthropus tchadensis : Découverte de Toumaï, un "Tchadien" de 7 millions d'années
Une découverte qui modifie les frontières de la paléanthologie et de l'évolution de l'espèce humaine. Du coup Lucy (3,2 millions), Abel (3,5 millions), Orrorin (6 millions) se sont sentis rajeunis au vu de Toumaï ou Sahelanthropus tchadensis (de son nom scientifique) vieux de 7 millions d'années. Le berceau de l'humanité semble encore longtemps ancré en Afrique, qu'il soit à l'Est ou qu'il soit à l'ouest du Rift, région des grands lacs.
AFP, Paris, mercredi 10 juillet 2002, 21h08 - Les restes d'un hominidé de 6 à 7 millions d'années, le plus ancien représentant connu de la lignée humaine et proche des derniers ancêtres communs chimpanzé-homme, ont été mis au jour par une mission franco-tchadienne, annonce la revue Nature dans un article publié jeudi. Cette équipe a travaillé dans le nord désertique du Tchad sous la responsabilité de Michel Brunet, professeur à l'Université de Poitiers et directeur de la Mission paléoanthropologique franco-tchadienne (MPFT). Les restes - un crâne quasi complet, trouvé en juillet 2001 par Ahounta Djimdoumalbaye, de l'Université de N'Djaména, ainsi que des fragments de mâchoire inférieure et trois dents, d'au moins cinq individus différents, récupérés par la suite - ont été attribués à une nouvelle espèce d'hominidé dénommé "Sahelanthropus tchadensis" (Homme du Sahel tchadien) et ont reçu le surnom de Toumaï ("espoir de vie" en langue goran). Ce nom est donné par les habitants du désert du Djourab entourant le site de sa découverte, Toros-Menalla, à 800 km au nord de N'Djaména, aux enfants nés avant la saison sèche. Trouvé en surface car la région est l'objet de fréquentes tempêtes de sable qui dégagent les niveaux fossilifères, son âge n'a pu être obtenu par analyse directe. Il a été estimé grâce aux restes d'animaux associés à cet hominidé (carnivores, éléphants, antilopes, hippopotames...), datés à partir de spécimens trouvés sur d'autres sites. Il présente "une mosaïque originale de caractères primitifs et dérivés qui permettent de le considérer comme proche du dernier ancêtre commun aux chimpanzés et aux humains mais aussi comme l'ancêtre des hominidés plus récents". Mais son anatomie "indique clairement son appartenance au rameau humain et le sépare des gorilles et des chimpanzés", tranchent Michel Brunet et ses collègues. Après la découverte, en 1995, à Koro-Toro, 150 km à l'est de Toros-Menalla, de l'australopithèque Abel, vieux de 3 à 3,5 millions d'années, la Mission franco-tchadienne fournit à la communauté scientifique une deuxième pièce allant à l'encontre d'une grande théorie sur l'évolution des ancêtres de l'homme en Afrique, exclusivement à l'est de la Vallée du Rift. Cette hypothèse, présentée en 1980 par Yves Coppens, professeur au Collège de France, sous le nom d'East Side Story, est basée sur l'existence de cette gigantesque barrière séparant l'Est africain du reste du continent. Les vieux primates soumis à milieu plus ouvert de l'Est, où ils se sont transformés petit à petit en hommes, tandis que leurs cousins, restés dans les forêts de l'ouest, sont devenus gorilles ou chimpanzés. Mais Toumaï comme Abel ont vécu à plus de 2.500 km de ce "mur de Berlin" de l'évolution ! Après la découverte d'Abel, Yves Coppens avait jugé que sa thèse "tenait toujours". Plus de 3.000 fossiles d'australopithèques ont été trouvés en Afrique de l'Est, contre un au Tchad, faisait-il remarquer. Cependant, ajoutait-il alors, "si l'on exhume en Afrique occidentale des spécimens beaucoup plus anciens, de 7 ou 8 millions d'années, il faudra bien changer le fusil d'épaule." Comme toute grande découverte, Toumaï ne peut qu'animer le débat scientifique. D'ores et déjà, Brigitte Senut, du Muséum national d'histoire naturelle, à Paris, qui a à son actif notamment la découverte, en 2000 au Kenya, d'Orrorin, hominidé plus au moins du même âge que le nouveau fossile tchadien, se dit "réservée" quant à sa place dans la lignée humaine. Toumaï lui fait penser plutôt à un ancêtre des gorilles. "Au plan purement scientifique, explique-t-elle, la découverte d'un pré-gorille serait encore plus importante puisqu'aucun fossile d'ancêtre direct des grands singes d'Afrique n'est connu à ce jour". Auquel cas East Side Story tiendrait toujours... |
Le crâne découvert au Tchad porte le nom d'un camarade du président tchadien mort au combat
AP, DENVER, 11 juillet 2002, 09h04 - Il y avait
Lucy, Abel, Orrorin. Il faudra désormais compter sur Toumaï, le plus vieil hominidé
jamais découvert. Et c'est la nouvelle figure de proue du Tchad. Et pendant au moins deux
jours, son sourire aux dents noircies et son front très proéminent se retrouveront à la
«une» des quotidiens, des sites Internet et des journaux télévisés.
Ce crâne est immédiatement devenu la principale source de fierté pour l'un des pays les
plus pauvres de la planète. Il a été présenté mercredi soir par Michel Brunet au
cours d'une cérémonie au ministère des Affaires étrangères dans la capitale
tchadienne, N'Djaména, et retransmise à la télévision.
«A partir de cet instant -19h00 au Tchad- l'ancêtre de l'humanité est Tchadien», a
déclaré Michel Brunet. «Le berceau de l'humanité se trouve au Tchad. Toumaï est votre
ancêtre».
Le président tchadien Idriss Deby a solennellement répondu: «Toumaï est notre
ancêtre».
Ce fossile a été baptisé Toumaï. Mais pas uniquement parce que cela signifie «espoir
de vie» en goran et qu'il est en général donné aux enfants nés avant la saison
sèche.
Idriss Deby a ainsi expliqué à ses compatriotes qu'il avait suggéré que le crâne soit
baptisé ainsi en l'honneur d'un de ses camarades de combat. Ce rebelle vivait dans le
nord du pays où le fossile a été découvert.
Le président tchadien, qui a pris le pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat en 1990 et qui
a remporté deux élections contestées, a précisé que son camarade de combat avait
été tué en combattant pour renverser le président Hissen Habré alors soutenu par la
France.
Le spécimen fait l'objet d'un article dans la revue scientifique «Nature» publié ce
jeudi. L'âge, l'apparence et l'emplacement du crâne remettent en cause les hypothèses
sur l'évolution des premiers ancêtres de l'homme.
Appartenant à une nouvelle espèce baptisée Sahelanthropus tchadensis, ce fossile a
été trouvé dans le Sahel tchadien en juillet 2001 avec des fragments de mâchoire et
plusieurs dents. On estime son âge entre 6 et 7 millions d'années, et il pourrait être
ainsi un million d'années plus vieux que les plus anciens fossiles hominidés trouvés à
ce jour. Il a été découvert il y a un an dans le désert par Ahuunta Djimdoumalbaye, un
étudiant de la Mission paléoanthropologique franco-tchadienne conduite par Michel Brunet
de l'université de Poitiers. Cette mission est formée d'une quarantaine de membres. AP
Toumaï déplace le berceau de
lhumanité
RFI Dossiers d'actualite - Science
Après la découverte au Tchad du crâne
dun hominidé de 6 à 7 millions dannées, la théorie selon laquelle les
ancêtres de lhomme se sont développés à lEst du Rift et les singes à
lOuest, pourrait bien être remise en cause. Après Lucy, Orrorin, Abel, voici
Toumaï qui va peut-être permettre de compléter le grand film de lévolution
humaine.
C'était le 19 juillet 2001, dans le désert du Djourab, au Tchad,
une équipe de quatre chercheurs, trois Tchadiens et un Français, découvre un crane
presque entier et très bien conservé. Les premières observations ne permettent pas de
savoir sil sagit des restes dun hominidé (un ancêtre de lhomme)
ou dun grand singe, ni de dater les fossiles avec précision. Après un an de
recherches et de comparaisons, Michel Brunet, professeur à luniversité de Poitiers
et directeur de la mission paléoanthropologique franco-tchadienne, publie avec de
nombreux confrères dans la revue Nature, une série darticle dans lesquels
il explique que cette découverte met en valeur lexistence dun nouvelle
espèce dhominidés, les Sahelanthropus tchadensis.
Pour lui, il ny a plus de doute, les caractéristiques du crane de Toumaï, son
petit nom qui signifie en langue goran «espoir de vie», ne sont pas celles dun
grand singe. «Son anatomie indique clairement son appartenance au rameau humain et le
sépare des gorilles et des chimpanzés.» La face du crane est plate comme celle des
hominidés. Lorifice par lequel passe la moelle épinière est proche de celui des
ancêtres de lhomme. Et surtout, la canine de Toumaï est plus petite que celle
dun singe, un signe qui, pour Michel Brunet, ne trompe pas.
Grâce à létude des 700 fossiles dune vingtaine despèces différentes
(poissons, équidés, tortues, lézards, crocodiles, hyènes, félins
) recueillis
sur le même site, il a été possible de reconstituer en partie lenvironnement
(entre lac et savane arborée) dans lequel vivait Toumaï et surtout de dater cette
découverte. Le crane aurait entre six et sept millions dannées. Ce qui
signifierait donc quil sagit du plus vieil hominidé découvert à ce jour.
Dès lannonce de cette
nouvelle, prise très au sérieux par les autorités tchadiennes qui ont tenu à être
étroitement associées à la présentation des résultats des recherches, la communauté
paléontologique est entrée en ébullition. Si pour les uns, comme Henry Gee, responsable
de la paléontologie à la revue Nature, «Toumaï est sans doute la plus
importante découverte de fossile de mémoire dhomme, rivalisant avec la découverte
du premier homme-singe, il y a 77 ans», dautres se montrent plus réservés.
Parmi eux, Brigitte Senut, du Museum dhistoire naturelle, la co-découvreuse
dOrrorin (6 millions dannées) qui détenait jusquici le privilège
dêtre le patriarche de lhumanité. Pour elle, les recherches doivent
continuer car les preuves de lappartenance de Toumaï à lespèce des
hominidés ne sont pas suffisantes. Le volume de son crane notamment, proche de celui du
chimpanzé, entretient le doute. Et surtout, il faut déterminer si Toumaï était à coup
sûr bipède. Et de cela, Michel Brunet, qui estime que cest très vraisemblable,
na pas encore la preuve formelle car les fouilles nont pas permis, pour le
moment, de mettre au jour un ossement de fémur. 11/07/2002 Sites de découvertes : Quel berceau pour l'humanité? (Carte RFI) Toumaï : notre plus vieil ancêtre, selon le Pr Brunet
- par Christian Panvert Toumaï
continue à diviser les scientifiques -- par Mark Evans |