Ils en parlent - "L'Afrique sans la France"


L'abandon de l'Afrique : à qui la faute ?
Ludovic Boutault, in Le Figaro (jeudi 31 janvier 2002, N° 17 878, page 15)

L'Afrique orpheline
DEBAT/J.-P. NGOUPANDE. Par : Propos recueillis par CHRISTOPHE LUCET (Sud-Ouest)


Afrique adieu
Par FRANÇOIS SOUDAN

"La France lâche l'Afrique ", écrivions-nous, à la une de J.A.I., il y a dix mois. À l'époque, ce jugement fit hausser les sourcils de quelques confrères et déclencha, sous les lambris du Quai d'Orsay et jusque dans le bureau du ministre Hubert Védrine, une petite tempête d'indignation. Aujourd'hui relevée par tous les médias, l'insigne faiblesse de la participation française aux obsèques de Léopold Sédar Senghor (voir p. 32) est venue comme en point d'orgue confirmer ce que nous disions alors. Jacques Chirac et Lionel Jospin ont sans doute calculé ce que leur présence à Dakar pouvait rapporter en termes préélectoraux. Réponse : rien. Et vraisemblablement moins que rien, leurs conseillers en communication respectifs déconseillant formellement toute escapade exotique - fût-elle funèbre - et toute photographie aux côtés de ces " rois nègres " qui hérissent tant l'opinion.

Au moment où Air France cannibalise ce qui reste d'Air Afrique, où l'aide publique au développement baisse chaque année un peu plus (lire p. 82), où les consulats français sur le continent font ce qu'ils peuvent - et leurs ressources en ce domaine sont vastes - pour décourager les candidats au visa, où l'euro transforme le franc CFA en survivance postcoloniale vouée à finir dans les porte-monnaies des collectionneurs, le divorce entre ce qui fut une métropole à vocation universelle et les confettis éparpillés de son ex-empire semble consommé. Faut-il pour autant ouvrir le choeur des jérémiades ? L'Afrique sans la France, tel est justement le titre d'un livre décapant que l'ancien Premier ministre centrafricain Jean-Paul Ngoupandé vient en ce début janvier de faire paraître à Paris (chez Albin Michel). On y lit notamment ceci : " Nous, les francophones, avons continué de bénéficier, pendant plus de trente ans, de la tutelle sécurisante de notre ancienne métropole. Il nous faut admettre que, par certains côtés, nous avons été infantilisés. Le moment est sans doute venu d'assumer à notre tour, dans la douleur, les devoirs de l'indépendance. " Le Senghor de " Thiaroye " n'aurait pas écrit autre chose...

L'intelligent - Première page, 08/01/2002


FRANCE/CENTRAFRIQUE
Jean-Paul Ngoupandé

L'ancien Premier ministre du gouvernement d'union nationale en Centrafrique, Jean-Paul Ngoupandé, a réussi un double exploit: écrire un essai d'actualité de quelque 400 pages sur "L'Afrique sans la France" et, malgré l'abandon du continent qui en fournit la trame, faire publier l'ouvrage par un grand éditeur parisien, Albin Michel.

L'apparente contradiction s'explique par la qualité exceptionnelle du livre, première analyse sous la plume d'un Africain de la fin de la "Françafrique". Ni pleurs, ni colère, mais beaucoup de passion et de lucidité. Jean-Paul Ngoupandé remonte aux sources de la "génération Foccart", aussi à travers la FEANF, retrace la rupture - chute du mur de Berlin, La Baule, Maastricht, dévaluation du franc CFA, Rwanda? - entre la France et ses anciennes colonies "infantilisées" jusque là, observe - le trait est cruel - la "prudence toute foccartienne" de la gauche française dans son soutien aux démocrates africains, mais n'épargne pas - c'est une litote - de son autocritique les Africains, dirigeants, opposants et population confondus. C'est le meilleur état des lieux de l'Afrique francophone publié à ce jour. L'auteur sait que le chemin vers le "nouvel état d'esprit africain", aux antipodes du "complexe de la race mal aimée", et l'émergence de pôles de croissance au sein d'une Afrique nécessairement à plusieurs vitesses, sera long. Il l'indique, non sans courage, par exemple en parlant de l'Afrique du Sud ("Aucune réalité n'étant uniformément négative, le régime détestable de l'apartheid a semé les germes d'un développement industriel qui fait de l'Afrique du Sud le seul pays subsaharien ayant la possibilité de s'arrimer à court terme au train de la mondialisation") ou de l'aide publique au développement (en relevant que l'Afrique au sud du Sahara en reçoit 31 dollars per capita, contre 11 seulement pour les autres pays en développement, sans résultats probants).

LA LETTRE DU CONTINENT n°391, 10 janvier 2002


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