Crise alimentaire et famine au Niger: aide et urgence internationale
Fédération Internationale des Sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge - L'aide d'urgence au Niger commence à porter ses fruits (31 août 2005)
Kofi Annan au Niger: "Je suis venu ici pour voir par moi-même ce qui se passe et pour discuter avec le président" (25 août 2005)
Fédération Internationale des Sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge - Démarrage de l'opération d'aide alimentaire dans le Sahel
News Press, jeudi 4 aout 2005, 9h59 - Pour quiconque est engagé dans les efforts d'assistance en faveur des populations du Niger frappées par la disette, une pensée obsédante domine tout: le temps est compté pour de nombreux habitants de ce pays d'Afrique de l'Ouest.
"Nous devons mener une véritable course contre la montre en utilisant tous les moyens d'intervention d'urgence dont nous disposons", commente Langdon Greenhalgh, chef de l'opération de la Fédération internationale au Niger et dans les trois autres pays de la région affectés par la sécheresse - le Burkina Faso, le Mali et la Mauritanie. "La Croix-Rouge doit mettre à contribution toutes ses ressources et toute son expérience pour agir avec efficacité et sans le moindre délai", poursuit-il.
Une équipe de spécialistes des interventions en cas de catastrophe détachée par la Fédération internationale est arrivée dans le pays il y a deux semaines, en réponse à une demande d'assistance de la Croix-Rouge nigérienne. Une distribution de semences au bénéfice de 3500 personnes a immédiatement été organisée afin de ne pas manquer la période des semailles et, le 22 juillet, la Fédération a lancé un appel d'urgence de 18 millions de francs suisses (euros 11,5 millions / US$ 14 millions).
L'opération de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge vise à assister 222 000 habitants particulièrement vulnérables de la région tout au long des six mois à venir. Outre une aide alimentaire, elle comprendra des distributions de semences et de fourrage, le déploiement de centres de nutrition mobiles, des campagnes de sensibilisation et des programmes destinés à consolider les moyens de subsistance.
Selon les estimations, 2,5 à 3,5 millions de personnes sont dans une situation critique au Niger. En termes de logistique, cela comporte d'énormes difficultés. "Etant donné l'étendue du pays, le fait que nous sommes en pleine saison des pluies et compte tenu de tout l'éventail des problèmes auxquels on doit s'attendre lorsqu'on intervient dans des régions reculées de l'Afrique de l'Ouest, cette opération est un formidable défi", confirme Langdon Greenhalgh.
Une mobilisation rapide
Certaines Sociétés nationales disposent d'équipes de techniciens spécialisés dans divers domaines - logistique, télécommunications, eau et assainissement, soins de santé de base, distributions de secours - qui se tiennent en permanence prêts à partir dans n'importe quelle partie du monde. Suivant une procédure parfaitement rodée, certaines de ces unités d'intervention d'urgence (Emergency Response Units - ERU) ont été déployées, entre autres, à la suite du tsunami de décembre 2004 et du séisme qui avait frappé la ville iranienne de Bam un an auparavant.
Dès que la décision de détacher une unité est prise, on emballe l'équipement, on réserve un avion pour le transport, on s'occupe des formalités douanières ainsi que des visas, assurances et vaccins des membres de l'équipe. Dans le cas de l'opération en cours au Niger, la Croix-Rouge britannique a mobilisé une ERU spécialisée dans la logistique, dont les membres ont été parmi les premiers à arriver sur le terrain.
"Cette préparation est payante", souligne Neil Brown, 39 ans, un des cinq techniciens de l'équipe. "Chaque minute de travail effectuée avant de partir représente des heures de gagnées sur le terrain."
Ainsi, le personnel de l'entrepôt international de la Croix-Rouge britannique, situé près de Bristol, avait chargé à bord de deux Landcruisers tout l'équipement de télécommunication et le matériel administratif nécessaires pour installer une base opérationnelle performante à Niamey, la capitale du Niger. Une fois les véhicules chargés à bord d'un Antonov-12 à l'aéroport de Bristol, l'intervention pouvait démarrer.
Sur place
"Nous sommes dans une véritable situation de crise", note Langdon Greenhalgh. "Reste maintenant à voir avec quelle rapidité la communauté humanitaire est capable de mobiliser et de mettre en oeuvre l'assistance nécessaire."
Au siège de la Croix-Rouge nigérienne à Niamey, l'équipe britannique a investi une salle de réunion où elle a promptement installé un centre de télécommunications et d'administration. Dans le même temps, la coordination se mettait en place entre tous les acteurs du Mouvement affectés à l'opération - Croix-Rouge britannique, Croix-Rouge française, délégués secours de la Fédération internationale et personnel local.
"Avant notre arrivée, des collègues avaient déjà effectué des missions d'enquête. Grâce à leur travail et à nos propres préparatifs, nous bénéficions maintenant de la souplesse et des ressources essentielles pour faire face", explique Neil Brown.
Plan d'action
Un plan d'action d'urgence a été établi. Il prévoit l'installation de quatre centres de nutrition supplémentaires dans les régions les plus éprouvées, au bénéfice de quelque 23 000 enfants et de leurs familles. Les équipes de la Croix-Rouge se préparent en outre à distribuer plus de 4000 tonnes de céréales, de lentilles et d'huile expédiées par le Programme alimentaire mondial.
Une équipe est partie mardi matin pour la province de Tahoua, une des plus durement touchées du pays. Une autre a pris le lendemain la route de Maradi et des renforts, y compris des spécialistes de la logistique, des médecins et des nutritionnistes, continuent d'arriver chaque jour.
"Je suis fier d'appartenir à ce Mouvement et de ce qu'il est capable d'accomplir", déclare Neil Brown. "Nous disposons de toutes les capacités requises pour éviter une tragédie."
ONU - Crise alimentaire au Niger : le PAM triple le montant de l'aide attendue
New York, ONU, 3 août 2005 - Le programme alimentaire des Nations Unies a triplé aujourd'hui le montant de son appel d'urgence pour la crise alimentaire au Niger, portant le coût de l'aide alimentaire de 16 millions de dollars à 57,6 millions afin de sauver 2,5 millions de Nigériens qui souffrent de famine et de malnutrition.
L'agence des Nations Unies qui lutte contre la faim et la malnutrition dans le monde a prévenu la communauté internationale que davantage d'aide était nécessaire alors que la crise alimentaire, qui frappe surtout le sud du pays, ne cesse de s'aggraver.
En effet, la présente « saison maigre » qui couvre les mois d'avril à octobre, combinée aux déficits alimentaires dus à la sécheresse de l'année dernière et à l'invasion des sauterelles, a obligé le Programme alimentaire mondial (PAM) à revoir à la hausse le coût de son opération de survie pour la troisième fois en six mois, indique un communiqué de l'agence publié aujourd'hui à Rome.
Aujourd'hui, le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, lors de son point de presse quotidien, au siège de l'ONU, à New York, a précisé pour sa part que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations Unies préparait un nouvel appel humanitaire pour le pays qui serait publié prochainement.
« Avec la détérioration de la situation au cours des dernières semaines, notre principal objectif consiste à sauver des vies'", assure James Morris, Directeur exécutif du PAM. « Des familles entières souffrent en raison d'un manque désespéré de nourriture, qui les contraint à ne prendre qu'un repas par jour composé de feuilles ou de fruits sauvages ».
Le PAM a doublé le nombre de personnes recevant une aide alimentaire, et il leur offre une alimentation plus variée. Les admissions dans les centres thérapeutiques alimentaires ont quasiment quadruplé cette année alors que le PAM prend en charge l'alimentation des enfants de moins de cinq ans et verse des rations supplémentaires aux femmes enceintes et à celles qui allaitent.
L'aide alimentaire doit être distribuée dans un délai très restreint, avant que le pic de la saison des pluies ne complique l'accès aux populations les plus fragiles. La nécessité d'accélérer les opérations a accrû de façon significative les coûts de transport.
Par ailleurs, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) annonce que sa Directrice exécutive adjointe, Rima Salah, arrive ce soir à Niamey, où elle étudiera les besoins des centaines de milliers d'enfants Nigériens et évaluera les efforts fournis par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance pour assister ceux qui souffrent de malnutrition, indique un communiqué de l'agence publié aujourd'hui à New York.
L'UNICEF a lancé un appel aux donateurs d'un montant de 14,6 millions de dollars afin de venir en aide aux enfants souffrant de malnutrition. Cet appel complète celui lancé en avril pour un montant de 1,35 million de dollars.
Au cours des deux dernières semaines, la communauté internationale a commencé à se porter à l'aide du second pays le plus pauvre du monde, ce qui a permis de financer entièrement le précédent appel lancé par le PAM pour un montant de 16 millions de dollars. « Cet appel au réveil était absolument nécessaire, et les réponses qui y ont fait suite sont encourageantes. Nous pouvons encore sauver des vies », affirme James Morris.
Les donateurs n'avaient pourtant pas réagi aux premières alertes émises au début de l'année, alors qu'une « réponse plus prompte de leur part aurait grandement réduit les coûts de cette opération », estime James Morris. Les donations n'ont commencé à affluer qu'après la diffusion à la télévision d'images déchirantes de la famine dans le sud du pays.
La crise alimentaire touche 3,6 millions de personnes au Niger, dont 800 000 enfants de moins de cinq ans. Sans une action immédiate à large échelle, la crise risque de s'étendre aux pays voisins.
La pluie tombe enfin au Niger, mais complique l'aide
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TAHOUA, Niger (Reuters), lundi 1 aout 2005, 15h37 - Les pluies torrentielles qui s'abattent sur le Niger promettent de meilleures récoltes pour l'avenir mais ralentissent l'acheminement de l'aide aux millions de Nigériens frappés par la famine, préviennent des organisations humanitaires.
Les récoltes d'octobre dernier ont été réduites à néant dans des proportions importantes par la sècheresse et l'invasion de criquets pèlerins, privant de nourriture quelque 3,6 millions de personnes et menaçant de mort des dizaines de milliers d'enfants souffrant de malnutrition.
Les pluies qui ont commencé à tomber sur la ceinture agricole du sud de ce pays aride permettent aux nomades, qui y font paître leurs troupeaux, et aux agriculteurs d'espérer une meilleure récolte cette année. "Si la pluie continue comme ça, cela sera mieux que l'année dernière", assure Issa Chaibou, cultivatrice de maïs.
Mais, dans l'immédiat, les averses retardent la progression des camions chargés d'aide alimentaire d'urgence, qui doivent parcourir plus de 550 kilomètres pour acheminer leur cargaison de la capitale, Niamey, vers les villages affamés. La pluie fait disparaître les pistes sous la boue, rendant impossible l'accès à certaines localités proches de la ville de Tahoua, dans le nord-est du pays.
LES PAYS DONATEURS ONT REAGI TROP TARD
"La pluie est bonne pour le pays, mais pourrait aussi entraver l'acheminement (de l'aide)", rappelle Anita McCabe, porte-parole de l'ONG irlandaise Concern, qui prévoit de distribuer de la nourriture lundi dans le village de Barmou, près de Tahoua.
La pluie tant attendue peut avoir d'autres conséquences néfastes pour les habitants des villages. A Madoufa, près de Tahoua, les murs de certaines cases de terre et de pierre se sont effondrés sous l'effet d'un orage ce week-end, et les derniers semis ont été emportés par les eaux.
Mais la pluie n'est pas la seule responsable des difficultés humanitaires du Niger. Les associations et les ONG dénoncent le retard avec lequel les pays donateurs ont réagi, soulignant que ce délai a fait considérablement augmenter le coût de l'aide.
La nourriture, qui aurait pu être acheminée par camion il y a quelques mois, doit maintenant être transportée par avion à un coût bien plus élevé. Les enfants, qui souffraient simplement de la faim au début de l'année, atteignent désormais des stades très sérieux de malnutrition.
Jan Egeland, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d'urgence de l'Onu, a rappelé qu'un dollar par enfant et par jour aurait suffi le mois dernier. Désormais il faut 80 dollars pour sauver la vie d'un seul enfant, a-t-il affirmé.
"PLUS FACILE D'ÊTRE ÉGOÏSTE QUAND ON EST RICHE"
Mais pour Bernard Kouchner, qui s'est rendu lundi à Tahoua après le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'Onu aurait dû réagir plus vite.
"Je dis très clairement que le système des Nations unies ne nous avait pas alertés suffisamment", a affirmé le fondateur de Médecins sans frontière (MSF) dans une interview à Reuters.
"Il y a le Programme alimentaire mondial, j'aurais bien aimé qu'il soit plus attentif, ils l'ont été plus que les autres, mais pas assez", a ajouté Kouchner.
L'ancien ministre de la Santé a salué la visite de Douste-Blazy samedi à Tahoua et l'initiative du gouvernement français, qui a permis à MSF d'affréter des avion pour un prix abordable sur une base aérienne française du Tchad.
Mais Kouchner, qui venait de visiter une clinique de MSF pour les enfants souffrant de malnutrition dans la ville de Maradi, a jeté l'opprobre sur les pays riches, qui "s'habituent" à la situation d'urgence en Afrique.
"Si nous avions conscience de l'urgence chronique, nous, les Européens riches, nous considérerions qu'il faut partager différemment les richesses", a-t-il estimé. "Dans l'Europe riche, on est égoïste. Evidemment, c'est plus facile d'être égoïste quand on est riche."
La France lie développement en Afrique et sécurité en Europe
LE MONDE | 01.08.05 | 13h09 Mis à jour le 01.08.05 | 13h09 NIAMEY de notre envoyé spécial -
"La sécurité des pays riches passe par le développement des pays pauvres" : du Tchad au Niger, avec une visite au Soudan, Philippe Douste-Blazy a scandé ce message au cours d'un voyage qui, du jeudi 28 au samedi 30 juillet, l'a conduit du palais présidentiel de N'Djamena à un camp de réfugiés du Darfour (dans l'ouest du Soudan), puis dans les zones du Niger frappées par la malnutrition.
A Niamey, où converge tardivement l'aide internationale aux populations touchées par le double fléau de la sécheresse et d'une invasion de criquets, le ministre des affaires étrangères a tenté le grand écart entre les gestes symboliques et télévisés, censés témoigner de la générosité de la France, et le discours de fond sur la nécessité d'une mobilisation financière de grande ampleur en faveur du développement. Reculant au maximum son retour vers Paris pour assister à l'atterrissage du Boeing 747 cargo affrété par la France et improviser une conférence de presse dans la carlingue, devant des montagnes de produits nutritifs et thérapeutiques, M. Douste-Blazy a aussi trouvé de fortes paroles pour appeler à la relance de l'aide au développement en liant cette nécessité à la lutte contre le terrorisme, en particulier "dans la bande sahélienne" .
"Il n'y aura pas de croissance et de sécurité dans le monde occidental (...) sans stabilisation du continent africain, a-t-il déclaré : quand l'être humain n'a plus d'espoir, il est perméable au discours de haine et d'intolérance. Il voit que les grandes démocraties vantent à longueur de journée les valeurs humanitaires, solidaires, sans que cela change quoi que ce soit sur le plan de sa destinée. Il se dit que la liberté, l'égalité et la fraternité ne sont pas pour lui." Reliant explicitement les attentats terroristes à la question du sous-développement, M. Douste-Blazy a ajouté : "Mettre des caméras dans le métro pour lutter contre cette intolérance, c'est bien. Accroître les contrôles aux frontières, pourquoi pas ? Mais se mobiliser au Niger, au Soudan et dans toutes les zones d'extrême pauvreté, c'est encore mieux et surtout plus efficace." Le ministre des affaires étrangères a même invité les Français à ne pas avoir "l'esprit tranquille" en partant en vacances parce qu'"aujourd'hui tout le monde sait où est le malheur" .
Conséquence de cette dialectique entre sécurité et développement, l'aide aux pays du Sud doit être accrue et ciblée sur les enjeux de l'éducation spécifiquement celle des femmes , de la santé et de l'agriculture, a insisté M. Douste-Blazy. Alors que la crise alimentaire nigérienne est longtemps restée sans réponse, le ministre a dénoncé "l'avarice maladive des pays riches" et "le manque de vision de la communauté internationale (...) pour prévenir les crises naturelles". A ses côtés, la ministre des affaires étrangères nigérienne, Aïchatou Mindaoudou, a affirmé que "personne n'a rien fait, y compris la France", lorsqu'elle a appelé à l'aide, en octobre 2004.
Tout a changé depuis que, début juillet, l'ancien ministre Bernard Kouchner est monté au créneau : le Niger est devenu l'objet d'une âpre concurrence médiatique. Alors que M. Kouchner était présent, lui aussi, au Niger, samedi, accompagnant un nouvel avion d'aide alimentaire affrété par son association, Réunir, M. Douste- Blazy a organisé en quelques heures l'arrivée du Boeing 747 cargo contenant plus de 35 tonnes de produits destinés aux 30 000 enfants souffrant de malnutrition sévère.
Sautant d'Airbus en Boeing puis en 4 × 4 pour aller offrir des caisses de médicaments dans un village à 500 km de Niamey, où il est resté dix minutes, ou se faire photographier sous une tente de Médecins sans frontières (MSF) à Tahoua, où des enfants luttent contre la mort, M. Douste-Blazy a déclaré agir au nom d'une "diplomatie éthique" , parce qu'"il n'y a pas une minute à perdre lorsque des enfants vont mourir" . Mais, en même temps, il a prévenu : "Ce n'est certainement pas par la compassion que nous réglerons le problème." Devant ce déploiement de force politico-médiatique aussi impressionnant qu'éphémère, un membre de la délégation nigérienne a juste soufflé : "On dirait que vous découvrez que nous sommes pauvres..."
Philippe Bernard Article paru dans l'édition du 02.08.05
La famine peut être vaincue (Libération)
Plus que l'aide, l'Europe
privilégie la sécurité alimentaire au Sahel pour agir sur le
long terme.
La famine peut être vaincue (lundi 01 août 2005)
Par Louis MICHEL (commissaire européen
à la Recherche, ancien ministre belge des Affaires
étrangères.)
En 1985, la grande famine éthiopienne avait généré une des plus grandes opérations d'aide de l'histoire, immortalisée par les concerts Live Aid de Bob Geldof. Vingt ans plus tard, alors que les échos des concerts Live 8 sont à peine dissipés, plusieurs pays africains, dont le Niger, sont de nouveau confrontés au fléau de la faim et au bord de la famine.
Au récent sommet du G8 à Gleneagles, l'aide au développement, la réduction de la dette et les questions commerciales étaient au coeur des discussions. En septembre, les Nations unies se pencheront également sur les progrès par rapport aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Mais personne ne peut afficher de certitude quant à la façon d'aborder cette réalité terrible : dans notre monde moderne, des millions d'êtres humains continuent de mourir de faim chaque année. La réduction de moitié de la faim, il faut le rappeler, est le premier des objectifs du millénaire.
Comme le prix Nobel d'économie Amartya Sen nous l'a enseigné, la famine n'est pas provoquée par le manque de nourriture mais parce que les couches les plus faibles de la société ne peuvent pas se permettre d'acheter la nourriture qui est disponible. Les famines sont presque toujours évitables, à condition que les mesures adéquates soient prises en temps utile.
Des millions de personnes dans la frange méridionale du Sahara font face à présent à un manque potentiellement désastreux d'aliments. L'hiver passé, les pays du Sahel, notamment le Niger et le Mali, ont été envahis par les criquets, qui ont dévoré des quantités énormes de végétation. Ceci a été suivi de la sécheresse. En conséquence, beaucoup de gens font face maintenant à la famine.
Imaginez ce que c'est que de survivre sur la base d'un régime de céréales, d'herbes et de fruits. Votre famille essaie de mettre de côté autant de millet que possible en prévision des temps plus difficiles. Mais cette année-ci, il n'y en a pas assez. L'année dernière, la récolte a été très pauvre, il y a de moins en moins de céréales à vendre sur les marchés locaux et les prix ont monté en flèche. A présent, vous êtes forcé de vendre votre bétail moribond bien en dessous des prix de marché habituels. Mais que vous arrivera-t-il quand l'argent s'épuisera ?
Il y a tant d'histoires comme celle-ci que beaucoup de gens doutent que nous puissions jamais trouver une solution permanente au problème de la faim dans le monde. Je ne suis pas l'un d'entre eux. La faim peut et doit être éradiquée.
L'urgence exige que nous fournissions une aide alimentaire immédiate aux populations du Sahel et de la Corne d'Afrique qui ont épuisé leurs ressources et leurs mécanismes traditionnels de survie pour faire face à ces crises. Ces derniers mois, la Commission européenne a fourni plusieurs paquets financiers d'aide humanitaire d'urgence : 7,3 millions d'euros pour le Niger, 2 millions pour le Mali, 4,6 millions pour l'Erythrée et 4,5 millions pour l'Ethiopie, pour une assistance immédiate, y compris des aliments pour les enfants souffrant de sous-nutrition dans les zones les plus affectées. La Commission européenne se tient prête à intervenir dans d'autres pays tels le Burkina Faso et le Tchad, où la situation alimentaire est également très précaire.
Dans le Sahel, la plupart des habitants vivent dans la pauvreté extrême et dans un écosystème aussi difficile que fragile. Ainsi, n'importe quel événement malheureux que ce soit une invasion de criquets ou la sécheresse peut rapidement déclencher une crise sévère. Les difficultés agricoles, les pénuries alimentaires dans cette région, sont récurrentes.
La situation est à présent si grave que nous devons fournir une aide alimentaire et humanitaire immédiate pour aider ces populations à survivre. Mais l'aide alimentaire ne peut et ne doit pas devenir la réponse facile qui camoufle de fait une vision à court terme du problème et une négligence coupable de la part des gouvernements et des donateurs mêmes.
Il faut bien comprendre que l'aide alimentaire est une affaire compliquée, voire risquée. Si elle n'est pas mise en oeuvre avec soin et discernement, elle peut même arriver à être négative. Lâcher de la nourriture étrangère gratuitement, sans organisation, sans contrôle, sans coordination, peut complètement perturber les marchés locaux et ruiner des communautés entières d'agriculteurs dans ces régions.
Les jours où les excédents agricoles européens étaient envoyés en Afrique sont révolus depuis longtemps. Là où l'aide alimentaire est nécessaire, la Commission privilégie toujours l'achat sur les marchés locaux ou voisins.
Pour la Commission européenne, la sécurité alimentaire est en fin de compte bien plus importante que l'aide alimentaire. Nous destinons nos ressources en priorité au renfort des systèmes d'alerte précoce ; au développement de stocks stratégiques nationaux pour éviter les dérives des marchés alimentaires quand il y a des manques exceptionnels de nourriture ou des mauvaises récoltes ; et aux efforts pour améliorer l'alimentation dans les écoles. Cette approche est couplée à des programmes de développement rural ciblés qui visent à augmenter la capacité des producteurs locaux, le développement de marchés locaux, l'amélioration des techniques agricoles et l'aide aux exportations agricoles. Nous finançons des banques de céréales, dont les stocks sont vendus à bas prix pour venir en aide aux populations vulnérables qui ne peuvent pas se permettre le prix du marché. Les céréales sont vendues plutôt qu'offertes, pour éviter de miner la production locale, et les fonds obtenus par ces ventes sont utilisés pour recomposer les stocks.
Cela montre notre engagement en faveur de l'appropriation du développement par les populations locales. Plutôt que de conforter les consciences de tout le monde par des distributions faciles et médiatiques, nous travaillons pour aider les populations à s'aider elles-mêmes.
Dans la problématique du Sahel, la Commission est déterminée à trouver des solutions à long terme, en cherchant avec nos partenaires des mesures structurelles et soutenables pour améliorer la sécurité alimentaire. Avec une bonne gouvernance, appuyée par une aide au développement efficace, et avec des stratégies solides de sécurité alimentaire dans les pays les plus touchés par la faim, nous pouvons faire la différence dans la vie de millions de personnes et pour reprendre le slogan à la mode faire passer la pauvreté à l'histoire.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=314671
L'Onu accroît son aide alimentaire pour le Niger
TAHOUA, Niger (Reuters), dimanche 31 juillet 2005, 23h05 - Les Nations unies ont plus que doublé ces derniers jours le nombre d'habitants à qui elles comptent fournir une aide alimentaire au Niger, où des pénuries exposent de nombreux villageois à la famine.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) entend à présent acheminer des rations d'urgence à 2,5 millions de personnes, après un premier objectif de 1,2 million la semaine dernière.
"Nous portons le nombre à 2,5 millions car les moyens de subsistance des gens s'épuisent de plus en plus", a déclaré Stéfanie Savariaud, porte-parole du PAM, par téléphone de Niamey. "Dans les situations d'urgence de ce genre, il est inévitable que le nombre des bénéficiaires augmente."
Le PAM devait acheminer ce week-end par avion assez de biscuits énergétiques pour alimenter 100.000 personnes en attendant l'arrivée de rations complètes.
Le PAM a aussi l'intention de faire parvenir la semaine prochaine au Niger 186 m3 d'un mélange de maïs et de soja provenant d'Abidjan, principale ville de Côte d'Ivoire.
Les représentants d'ONG humanitaires qui soignent des enfants dénutris après la sécheresse et les ravages causés par les criquets l'an dernier au Niger considèrent que l'Onu, le gouvernement et d'autres organismes ont beaucoup trop tardé à mettre en oeuvre une assistance alimentaire à grande échelle.
"Pour nous, il est évident que la situation n'est pas encore maîtrisée", a déclaré à Reuters le chef des opérations du Pam au Niger, Gian Carlo Cirri. "Nous considérons plus que jamais que les populations vulnérables courent de très grands risques."
A Tahoua, ville située à 500 km au nord-est de la capitale, on a entrepris dimanche de décharger des camions pour distribuer du sorgho à des villageois lundi, mais les fortes pluies tombées dans la nuit et le mauvais état des routes pourraient en compliquer l'acheminement.
Famine: Les
Nigériens fuient vers les villes ou les pays voisins (Courrier
International 01/08/2005)
"On n'a
plus rien. On a tout vendu, les vaches et mêmes les
poules". Comme tant d'autres, Yahou, un jeune paysan de 20
ans, a dû quitter son village de Katan Bague, dans le sud du
Niger, pour aller gagner dans les villes de quoi subsister et
aider sa famille à survivre.
"Je suis parti au Nigeria voisin travailler comme cireur de
chaussures", raconte-t-il, de retour des champs de mil
après une dure journée de labeur, la "daba" (bêche)
sur l'épaule.
Depuis le quignon de pain de la veille au soir, il n'a rien
mangé. "Juste de l'eau", dit-il, en brandissant sa
gourde en plastique.
S'il est rentré au village, c'est parce qu'on avait besoin de
tous les bras valides pour préparer les récoltes durant
l'hivernage, la saison des pluies qui dure trois mois de juillet
à septembre.
Face à l'extrême pauvreté et à l'insécurité alimentaire,
les populations du Niger, comme de toute la bande sahélienne,
ont développé de faibles mécanismes d'ajustement. Le principal
est l'exode, avec son calendrier précis et annuel.
Mais, l'été dernier a été exceptionnel. Dans un pays toujours
sur le fil du rasoir, la sécheresse et les criquets sont venus
dévaster une bonne partie des récoltes. Dans certains villages,
le déficit céréalier a représenté jusqu'à la moitié des
besoins.
"Tout le monde savait que l'année allait être très dure.
Les gens sont donc partis plus tôt", explique Najim Boucli,
le préfet touareg de Dakoro, à environ 130 km au nord de
Maradi.
Comme Yahou, ils ont donc été des milliers à avoir quitté les
villages pour les "kara kara" (bidonvilles)
nauséabonds et insalubres à la périphérie des villes.
D'autres sont partis dans les pays voisins, au Nigeria, en Libye.
"En décembre dernier, les gens étaient déjà
courts", explique Jacques Becuwe, spécialiste du Niger et
maître de conférences à l'Université de Paris-Jussieu.
"La faim s'est installée depuis février. Des villages
entiers se sont vidés. Les hommes sont partis. Il ne restait
plus que les femmes et les enfants".
Pour ceux qui ont choisi de rester ou pour les nomades, la
disette a forcé à recourir à des stratégies alimentaires de
substitution, au salariat agricole ou à la vente forcée des
biens et effets personnels, un phénomène classique de
décapitalisation qui accentue encore la spirale infernale de la
pauvreté.
"Le pouvoir d'achat ne permet plus à certains d'acheter du
mil. Les gens ont vendu des animaux, fait des travaux
champêtres. Certains ont eu recours à la cueillette, ont mangé
des plantes, des baies, même des larves de termites",
raconte le préfet de Dakoro.
Dans les villages reculés, une famine "cachée"
sévit, qui ne fauche que les plus vulnérables, les enfants de
moins de cinq ans qui succombent à la faim mais aussi surtout
aux maladies, en raison de leur état de malnutrition avancée,
sans que l'on ait de statistiques officielles sur l'ampleur du
drame.
Les adultes, eux, ne font souvent qu'un repas par jour, voire
restent deux ou trois jours sans manger.
Dans le hameau de Mailafia, le chef Ali Boube est assis à
l'ombre d'un arbre, devant sa case en banco, le regard vide,
comme accablé par le poids des calamités.
"Kadane, kadane (un peu, un peu)", répond-il, quand on
lui demande s'il a mangé. "On se débrouille. On va chez
d'autres gens pour cultiver et avoir de quoi manger. On tient en
mangeant des herbes".
Dans la ville de Maradi, véritable centre économique de la
région, ce n'est guère mieux. Pour Amadou Yero, 61 ans, deux
femmes et 12 enfants, les temps sont anormalement durs, d'autant
qu'il y a peu de travail. "La semaine dernière, j'ai pas
mangé pendant deux jours", confie-t-il. Aujourd'hui, s'il
arbore un large sourire édenté, c'est qu'il vient d'être
embauché comme chauffeur par une organisation humanitaire.
L'aide
internationale arrive lentement (Le Nouvel Observateur
01/08/2005)
L'aide
internationale continue d'arriver au Niger alors qu'une partie
était acheminée lentement par camion dans le sud-est du pays.
L'aide internationale continuait d'arriver samedi 30 juillet au
Niger alors qu'une partie était acheminée lentement par camion
dans le sud-est du pays, dont plusieurs régions sont frappées
depuis des mois par une terrible famine due à la sécheresse et
les invasions de criquets.
Venu dans la capitale Niamey annoncer le triplement de l'aide
française, le ministre des Affaires étrangères Philippe
Douste-Blazy a samedi critiqué "l'indifférence et
l'avarice" de la communauté internationale face à la
tragédie nigérienne.
18 tonnes en provenance de Marseille
Dix-huit tonnes de lait enrichi et de pâte nutritive sont
arrivées samedi à bord d'un avion-cargo Antonov 12, affrété
par l'organisation Réunir de Bernard Kouchner, qui s'est posé
à l'aéroport de Maradi, en provenance de Marseille, avec
l'ancien ministre de la Santé à son bord.
Lancé il y a près de huit mois, l'appel à l'aide des Nations
unies ne se concrétise que depuis ces dernières semaines afin
de venir en aide aux 3,5 millions de Nigériens qui souffrent
d'une grave famine.
Jeudi et vendredi, 278 tonnes de pois et d'huile ont été
livrés à l'organisation Concern International à Tahoua, situé
à 400km au nord-ouest de Maradi, ville du sud-est du pays qui
sert de plaque tournante pour les organisations humanitaires
internationales.
Dans les hangars du Programme alimentaire mondial (PAM) situés
dans le quartier Ali Dansofho de Maradi, quelque 2.000 tonnes de
sorgho acheté au Nigeria, 41 tonnes d'huile végétale et 69
tonnes de haricots attendaient d'être distribuées.
"C'est devenu fou ces derniers jours", s'est étonné
Ibrahim Badamassi, coordinateur régional du PAM à Maradi,
gardant un oeil sur les hommes chargés de remplir deux camions
à destination de Tahoua.
"Nous remercions Dieu"
Le feu vert pour le chargement et le transport de l'aide du
bureau du PAM à Niamey est arrivé par fax vendredi à
Badamassi, permettant l'approvisionnement dès l'après-midi de
l'Agence pour les Musulmans d'Afrique, une association
humanitaire opérant au Niger, pays majoritairement musulman.
Au total, l'association a reçu 250 tonnes de sorgho.
"Nous remercions Dieu, même si la nourriture est arrivée
un petit peu tard", a souligné Mohammed Abdoulaye, montrant
ses réserves déjà bien entamées. Il y a de quoi tenir
quelques semaines, a-t-il avancé.
Depuis début juillet, le centre de nutrition de Maradi a reçu
environ 700 mères et leurs enfants, les nourrissant chaque jour,
jusqu'à cinq repas pour les enfants souffrant de malnutrition.
"Avec ce que nous venons de recevoir, nous pouvons faire
plus et renvoyer les mères avec des provisions", a estimé
Mohammed Abdoulaye.
Parallèlement, le ministre des Affaires étrangères Philippe
Douste-Blazy, en visite dans le pays, a remis samedi une lettre
du président Jacques Chirac à son homologue nigérien Mamadou
Tandja dans laquelle il l'assure de la "solidarité du
peuple français (...) dans cette période où des populations du
Niger sont éprouvées par la famine".
La France "triplera en 2005 ses versements" pour le
financement des programmes structurels destinés à assurer la
sécurité alimentaire", rappelle Jacques Chirac dans sa
lettre. Ils "atteindront 4,6 millions d'euros". Paris
"doublera" par ailleurs "sa contribution aux
appels du programme alimentaire mondial (PAM), avec plus d'un
million d'euros destinés, en particulier, à approvisionner les
cantines scolaires des régions les plus touchées".(AP)
Revue de presse internationale 01/08/2005 (RFI - Actualité)
Le dossier du nucléaire est à la une de l'actualité avec cette décision de Téhéran de relancer son programme d'enrichissement d'uranium. Pour Le Figaro ce matin il s'agit ni plus ni moins d'un «chantage» de la part de l'Iran. Même titre dans le journal régional La Montagne, même inquiétude dans les Dernières Nouvelles D'alsace, ce quotidien qui indique que la décision des autorités iraniennes de reprendre leurs activités interdites de conversion d'uranium... Cette décision ruinerait le processus de négociation menée avec l'Union Européenne. Avec comme titre «Le choix de l'Iran», l'éditorialiste du Figaro Pierre Rousselin explique que «lEurope offre encore la possibilité à l'Iran de s'ouvrir au monde, politiquement et économiquement en échange d'un renoncement sans équivoque à la bombe atomique. Si l'Iran refuse, il lui reste à suivre le précédent irakien : des négociations au conseil de sécurité sous la menace de sanctions et d'une intervention militaire».
Encore plus alarmiste, Jean-Claude Kieffer des Dernières Nouvelles D'alsace qui s'inquiète du fait que, je cite «la bombe puisse tomber aux mains des ayatollahs». Commentaires de Libération ce matin sur ce dossier avec ce titre : «Téhéran rejette de l'huile sur le feu nucléaire». Pour sa part Le Parisien rappelle que l'Iran avait accepté en novembre 2003 de suspendre toutes ses activités relatives à l'enrichissement pour négocier avec l'Union Européenne, mais aujourd'hui les iraniens font volte-face. Et de souligner que cette nouvelle donne intervient à trois jours de la passation de pouvoir entre l'ancien président modéré Kathami et son successeur le conservateur Ahmadinejab.
Tragédies
Autre titre dans l'actualité internationale : la situation humanitaire au Niger, qui est évoquée par de nombreux quotidiens. Le Républicain Lorrain parle en Une d'«une tragédie dans l'indifférence»... Alors c'est vrai, il y a eu la visite du Ministre français des Affaires étrangères ces derniers jours largement suivie par la presse hexagonale... Pour Le Figaro, ce matin, Philippe Douste-Blazy est allé je cite «tambouriner sa diplomatie de l'humanitaire», avec le «style Kouchner», du nom d'un des plus célèbres «French Doctors»... Le style Kouchner, c'est «de l'action sous les projecteurs». Le chef de la Diplomatie est venu apporter une aide financière et matérielle, mais comme il l'a expliqué dans une interview au journal La Provence, «il faut aller au delà de l'Urgence, autrement dit, avoir une action sur le Long terme». C'est l'avis également de Louis Michel commissaire européen dans une tribune ce matin dans Libération. Pour lui je cite «l'aide alimentaire ne peut et ne doit pas devenir la réponse facile qui camoufle de fait une vision à court terme du problème et une négligence coupable de la part des gouvernements et des donateurs mêmes». Et de poursuivre un peu plus loin, «lâcher de la nourriture étrangère gratuitement, sans organisation, sans contrôle, peut complètement perturber les marchés locaux et ruiner des communautés entières d'agriculteurs dans ces régions». Le responsable européen indique que la commission de Bruxelles essaie de privilégier toujours l'achat sur les marchés locaux. Cette nouvelle crise alimentaire en Afrique amène une fois de plus à se poser la question comme le fait le quotidien International Herald Tribune, «pourquoi ?» Et d'avancer l'analyse d'une spécialiste du développement qui indique qu'«aucune famine n'a jamais eu lieu dans un pays où fonctionne réellement la démocratie».
Il est également des confrères de la presse en Afrique, qui évoquent cette situation au Niger, et sans complaisance. Ainsi, cette analyse dans le quotidien camerounais Mutations, intitulée «la faim et les moyens». Notre confrère explique que, certes, les pays occidentaux ont tardé à réagir à cette situation d'urgence au Niger; mais il va plus loin, en interrogeant tous les habitants du Continent. Je cite : «c'est sans doute le moment de se demander ce que les fils du Continent eux-mêmes, ont fait pour leur frères qui meurent de faim. L'Union Africaine a réagi : 1 million de dollars. Les députés du Nigeria aussi, en offrant des dons en espèces et en nature à leurs voisins sinistrés. Puis, plus aucun signe de la soit-disant solidarité africaine tant évoquée, et que personne ne voit jamais.». Un peu plus loin, «Que dit notre diaspora a travers le monde ? La révolte, suite à la vue des petits Nigériens mourant de faim ne doit pas être une révolte contre le monde entier. Ce doit être une révolte contre nous-même les fils d'Afrique, parce que nous pouvions faire quelque chose, et que nous ne l'avons pas fait.»
Il est donc des régions du monde qui subissent des sécheresses. Et puis, d'autres régions qui elles, sont submergées par les eaux. Drôle de planète, et surtout triste photo que celle publiée en Une du Figaro... Des dizaines, des centaines de personnes qui marchent en file indienne, avec de l'eau jusqu'au genou. C'est la ville de «Bombay, sous le déluge», comme l'indique le titre au dessus de la photo. La rue est submergée. La population, accablée. Ces pluies de mousson ont fait au moins un millier de morts, selon les différentes estimations. Des morts, mais aussi des dégâts matériels considérables : plusieurs centaines de millions de dollars, dixit des représentants des milieux industriels.
Il faut dire que ces pluies de mousson sont parmi les plus importantes depuis le milieu du 19e siècle. C'est en tout cas ce qu'avance le Quotidien La Croix, dans sa parution du jour. Le journal catholique explique le nombre élevé de décès en reprenant ce commentaire d'un diplomate sur place qui constate que «65% de la surface urbaine n'est pas en dur et un million et demi de personnes dorment tous les soirs dans les rues». De son côté le journal L'Humanité précise que dans le centre-ville de Bombay, des habitants sont sans eau potable depuis 5 jours. L'aéroport a été fermé, le trafic des trains est suspendu et cette situation de crise n'est pas finie puisque les services météo indiquent que les pluies pourraient se poursuivre.
Disparitions
Dans l'actualité économique, il y a la disparition de Wim Duisenberg, l'ancien président de la Banque Centrale Européenne. Ce décès est évoqué notamment dans les titres de la presse spécialisée. Ainsi, le supplément Economie du Figaro, qui rappelle le parcours de cet homme qui avait dirigé la BCE de juin 98 à octobre 2003. L'homme a été retrouvé mort dans le département du Vaucluse dans le sud de la France, et le quotidien régional La Provence dresse le portrait de ce banquier «fumeur invétéré, chevelure blanche en bataille, amateur de golf, réputé bon vivant, il avait confié à plusieurs reprises qu'il comptait se retirer dans le Vaucluse, c'est donc là qu'il a été retrouvé sans vie». Au chapitre des réactions, citons celle de la commission européenne publiée dans Les Echos ce matin, la commission européenne qui a salué le dévouement et la détermination de Wim Duisenberg qui ont permis d'asseoir rapidement l'indépendance, la crédibilité et la compétence de la Banque Centrale Européenne.
Sur le Continent africain, linformation de ce lundi matin, cest la disparition du Premier vice-président soudanais John Garang. L'ancien chef rebelle est mort dans un accident d'hélicoptère. L'information a été confirmée tout à l'heure. Trop tard, en tout cas, pour que les titres de la presse africaine puissent l'annoncer dans leurs éditions papiers.
Cela dit, le site internet du journal Nation à Nairobi fait état de cette disparition. L'hélicoptère dans lequel se trouvait John Garang se serait écrasé samedi soir, alors qu'il faisait route entre l'Ouganda et le Soudan. Notre confrère Kenyan donne des détails : les lieux supposés du crash de l'hélicoptère, le dernier contact radio.
En fait, John Garang venait de rencontrer le président ougandais Yoweri Museveni. D'ailleurs, le journal Ougandais New Vison publie ce matin une photo prise juste avant le départ de John Garang d'Ouganda. On le voit en compagnie de plusieurs ambassadeurs et du président Museveni. Et New Vision qui s'interrogeait : «serait-ce la dernière photo de John Garang?»
Quelques heures après la publication de ce cliché, on doit se rendre à l'évidence: Oui, c'était bien la dernière photo de John Garang, avant qu'il ne décède de manière tragique.
Le quotidien Mutations, au Cameroun, évoque en Une, l'épidémie de choléra qui frappe l'Extrême Nord du pays, avec déjà 32 morts. Cette situation est due à de très fortes pluies qui se sont abattues il y a quelques jours dans cette région du Nord du Cameroun. Et cela a entraîné l'ouverture de nombreux tombeaux... Oui, des tombes ! Alors évidemment, les ossements qui baignent dans l'eau. C'est un facteur de maladie. Plusieurs villes sont menacées par cette épidémie de choléra.
Après la famine au Niger, dont on parlait tout à lheure, et le choléra au Cameroun, évoquons maintenant «la rage». Ca se passe à Madagascar, et c'est le quotidien Les Nouvelles qui nous l'apprend ce matin. Des cas de rage identifiés dans la région centrale de l'Alaotra. Heureusement, cela ne touche qu'une dizaine de boeufs, qui ont été mis en quarantaine. Notre consoeur qui signe l'article dans Les Nouvelles, nous rassure en expliquant que le Ministère malgache de la Santé a été mobilisé.
Niger, AP, lundi 1er août 2005 - Les Nations unies ont plus que doublé, ces derniers jours, le nombre d'habitants à qui elles comptent fournir une aide alimentaire au Niger, où des pénuries exposent de nombreux villageois à la famine. Le Programme alimentaire mondial (PAM) entend à présent acheminer des rations d'urgence à 2,5 millions de personnes, après un premier objectif de 1,2 million la semaine dernière. Les représentants d'ONG humanitaires qui soignent des enfants dénutris après la sécheresse et les ravages causés par les criquets l'an dernier au Niger considèrent que l'ONU, le gouvernement et d'autres organismes ont beaucoup trop tardé à mettre en oeuvre une assistance alimentaire à grande échelle.
Dakar - Pour plusieurs experts et
membres d'ONG, venir sans cesse au secours de populations
africaines frappées par la famine n'est pas une solution.
Beaucoup plaident pour qu'on aide surtout les gouvernements à
trouver des moyens durables de prévention et de soutien à
l'agriculture.
L'économiste James Shikwati est du nombre de ceux qui critiquent
l'assistance étrangère. «Lorsque l'aide financière arrive
continuellement, tout ce que font nos hommes politiques est
définir une stratégie sur les moyens d'en obtenir plus»,
dénonce le directeur de l'Inter-Region Economic Network, un
groupe de réflexion africain basé au Kenya.
Selon lui, «ils oublient de faire travailler leur propre peuple
pour régler ces problèmes de base. En Afrique, on compte sur
les étrangers pour régler nos problèmes». L'acheminement de
l'aide peut être en lui-même un cauchemar quand on sait que les
routes en bon état sont peu nombreuses sur le continent noir.
Mais James Shikwati note un autre problème : les pays
africains disposant de vivres ne peuvent pas les partager
facilement en raison du niveau élevé des taxes douanières sur
les produits agricoles dans l'Afrique subsaharienne (33 %)
contre 12 % sur des denrées similaires importées d'Europe.
«Cela n'est pas logique quand on ne peut même pas permettre à
nos voisins de nous nourrir. On doit attendre l'aide d'autres
[pays] en Europe ou en Asie», avance-t-il.
La nature, bien évidemment, porte une partie de la
responsabilité du drame, comme en témoigne la sécheresse
récurrente. Les gens ont appris à cultiver mais l'explosion
démographique a aspiré l'eau, les pâturages, le bétail.
Nombre de crises alimentaires résultent de mauvais gouvernements
et de guerres civiles. Pendant les 30 années qui ont suivi son
indépendance, le Niger a connu coups d'État et dictatures
militaires. Maintenant, le pays est une démocratie multipartite
mais son désert devient plus grand et la sécheresse est
implacable.
Les insectes ont ravagé quelque 18 000 kilomètres carrés
de terres agricoles. Et les assauts des sauterelles conjugués à
la sécheresse ont réduit l'an dernier de 15 % la
production de céréales, selon les Nations unies.
Au départ, peu ont remarqué la gravité de la situation. Des
pays comme le Niger ne se trouvent «sur l'écran radar de
personne. Ils ne sont pas considérés comme importants»,
notamment sur le plan géopolitique, souligne Cathy Skoula,
administratrice d'Action contre la faim (ACF) aux États-Unis.
D'après plusieurs groupes humanitaires, la catastrophe du Niger
aurait pu être évitée : les Nations unies et d'autres
organisations avaient averti de l'imminence de pénuries
alimentaires à la fin de l'an dernier. En novembre, le
gouvernement du Niger avait lancé un appel d'urgence pour
obtenir 70 200 tonnes de vivres. Le mois suivant, le tsunami
dans l'Océan indien éclipsait totalement la misère africaine
des écrans télévisés du monde.
Pour enrayer la famine, des financements stables sont
nécessaires à long terme. Mais les gens attendent «les images
d'enfants mourants pour réagir», observe Stéphanie Savariaud,
porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM) à Niamey.
«La question est : "comment mobiliser la communauté
internationale lorsque c'est encore évitable ?"».
Une semaine après les concerts de Live 8 et la décision prise
au sommet du G8 en juillet de doubler l'aide en faveur de
l'Afrique à hauteur de 50 milliards de dollars -- en plus de
l'annulation de la dette de 18 des pays les plus pauvres du
monde, dont 14 africains --, des télévisions ont commencé à
diffuser des images de populations au Niger en proie à la faim
et les donateurs ont mis la main au portefeuille.
Mais d'après Stéphanie Savariaud, le PAM a récolté seulement
9 millions de dollars sur les 16 millions de dollars qu'il
demandait.
Dans un centre alimentaire à Mada Roufa (est du Niger), un
employé local de l'organisation Médecins sans frontières salue
ces efforts mais convient que l'aide apportée seulement au
moment des crises n'est pas la réponse. «Nous devons trouver
d'autres solutions privilégiant le long terme», dit-il.
Katan Bague, AFP, lundi 1er août 2005 - «On n'a plus rien. On a tout vendu, les vaches et mêmes les poules.» Comme tant d'autres, Yahou, un jeune paysan de 20 ans, a dû quitter son village de Katan Bague, dans le sud du Niger, pour aller gagner dans les villes de quoi subsister et aider sa famille à survivre.
«Je suis parti au Nigeria voisin
travailler comme cireur de chaussures», raconte-t-il, de retour
des champs de mil après une dure journée de labeur, la daba
(bêche) sur l'épaule. Depuis le quignon de pain de la veille au
soir, il n'a rien mangé. «Juste de l'eau», dit-il, en
brandissant sa gourde en plastique. S'il est rentré au village,
c'est parce qu'on avait besoin de tous les bras valides pour
préparer les récoltes durant l'hivernage, la saison des pluies
qui dure trois mois, de juillet à septembre.
Face à l'extrême pauvreté et à l'insécurité alimentaire,
les populations du Niger, comme de toute la bande sahélienne,
ont développé de faibles mécanismes d'ajustement. Le principal
est l'exode, avec son calendrier précis et annuel. Mais l'été
dernier a été exceptionnel.
Dans un pays toujours sur le fil du rasoir, la sécheresse et les
criquets sont venus dévaster une bonne partie des récoltes.
Dans certains villages, le déficit céréalier a représenté
jusqu'à la moitié des besoins.
«Tout le monde savait que l'année allait être très dure. Les
gens sont donc partis plus tôt», explique Najim Boucli, le
préfet touareg de Dakoro, à environ 130 km au nord de Maradi.
Comme Yahou, ils ont donc été des milliers à avoir quitté les
villages pour les kara kara (bidonvilles) nauséabonds et
insalubres à la périphérie des villes. D'autres sont partis
dans les pays voisins, au Nigeria, en Libye.
«En décembre dernier, les gens étaient déjà
"courts"», explique à l'AFP Jacques Becuwe,
spécialiste du Niger et maître de conférences à l'Université
de Paris-Jussieu. «La faim s'est installée depuis février. Des
villages entiers se sont vidés. Les hommes sont partis. Il ne
restait plus que les femmes et les enfants.» Pour ceux qui ont
choisi de rester ou pour les nomades, la disette a forcé à
recourir à des stratégies alimentaires de substitution, au
salariat agricole ou à la vente forcée des biens et effets
personnels, un phénomène classique de décapitalisation qui
accentue encore la spirale infernale de la pauvreté.
«Le pouvoir d'achat ne permet plus à certains d'acheter du mil.
Les gens ont vendu des animaux, fait des travaux champêtres.
Certains ont eu recours à la cueillette, ont mangé des plantes,
des baies, même des larves de termites», raconte le préfet de
Dakoro.
Dans les villages reculés, une famine «cachée» sévit, qui ne
fauche que les plus vulnérables, les enfants de moins de cinq
ans qui succombent à la faim mais aussi surtout aux maladies, en
raison de leur état de malnutrition avancée, sans que l'on ait
de statistiques officielles sur l'ampleur du drame. Les adultes,
eux, ne font souvent qu'un repas par jour, voire restent deux ou
trois jours sans manger. Dans le hameau de Mailafia, le chef Ali
Boube est assis à l'ombre d'un arbre, devant sa case en banco,
le regard vide, comme accablé par le poids des calamités.
«Kadane, kadane [un peu, un peu]», répond-il, quand on lui
demande s'il a mangé. «On se débrouille. On va chez d'autres
gens pour cultiver et avoir de quoi manger. On tient en mangeant
des herbes.» Dans la ville de Maradi, véritable centre
économique de la région, ce n'est guère mieux. Pour Amadou
Yero, 61 ans, deux femmes et 12 enfants, les temps sont
anormalement durs, d'autant qu'il y a peu de travail,
confie-t-il. Aujourd'hui, s'il arbore un large sourire édenté,
c'est qu'il vient d'être embauché comme chauffeur par une
organisation humanitaire.
L'Onu accroît son aide alimentaire pour le Niger
TAHOUA, Niger, 31 juillet 2005 (Reuters - 17:46) - Les Nations unies ont plus que doublé ces derniers jours le nombre d'habitants à qui elles comptent fournir une aide alimentaire au Niger, où des pénuries exposent de nombreux villageois à la famine.
Le Programme alimentaire mondial (Pam) entend à présent acheminer des rations d'urgence à 2,5 millions de personnes, après un premier objectif de 1,2 million la semaine dernière.
"Nous portons le nombre à 2,5 millions car les moyens de subsistance des gens s'épuisent de plus en plus", a déclaré Stéfanie Savariaud, porte-parole du Pam, par téléphone de Niamey. "Dans les situations d'urgence de ce genre, il est inévitable que le nombre des bénéficiaires augmente."
Les représentants d'ONG humanitaires qui soignent des enfants dénutris après la sécheresse et les ravages causés par les criquets l'an dernier au Niger considèrent que l'Onu, le gouvernement et d'autres organismes ont beaucoup trop tardé à mettre en oeuvre une assistance alimentaire à grande échelle.
"Pour nous, il est évident que la situation n'est pas encore maîtrisée", a déclaré à Reuters le chef des opérations du Pam au Niger, Gian Carlo Cirri. "Nous considérons plus que jamais que les populations vulnérables courent de très grands risques."
A Tahoua, ville située à 500 km au nord-est de la capitale, on a entrepris dimanche de décharger des camions pour distribuer du sorgho à des villageois lundi, mais les fortes pluies tombées dans la nuit et le mauvais état des routes pourraient en compliquer l'acheminement.
Les choix économiques et politiques ont autant contribué à la catastrophe que les conditions climatiques
LE MONDE | 30.07.05 | 12h05 Mis
à jour le 01.08.05 | 12h44 MARADI de notre envoyé spécial
Considérée comme l'épicentre de la pénurie alimentaire qui
frappe le sud du Niger, la ville de Maradi est aussi le point de
fixation des désarrois et de l'urgence. Vendredi 29 juillet,
c'est par centaines que les mères, portant pour la plupart sur
leur dos un bébé chétif, patientaient, sous un soleil de
plomb, à l'entrée du Centre de renutrition intensive, installé
sur l'emplacement d'un stade par Médecins sans frontières
(MSF).
Malgré les moyens exceptionnels mis en place par l'organisation non gouvernementale (ONG) qui assure l'une des opérations nutritionnelles les plus importantes de son histoire 5 centres fixes, 27 cliniques ambulatoires qui interviennent dans les villages les plus isolés, 50 expatriés et 500 employés locaux (médecins, infirmières, logisticiens) mobilisés dans tout le Niger , les cas de détresse ne cessent d'augmenter. Dans la semaine du 18 au 24 juillet, près de mille nouveaux enfants gravement dénutris ont été admis au centre de Maradi.
ATERMOIEMENTS
C'est aussi à Maradi que se sont posés les premiers avions-cargos dont plusieurs Hercules C-130 de l'armée française affrétés par l'association Réunir. Ils ont acheminé plusieurs dizaines de tonnes de denrées alimentaires. Ces arrivages "sur zone" ont l'avantage de réduire les délais mais aussi d'éviter toute "évaporation" . "Nous avons appris que la Libye, l'Algérie, le Maroc et d'autres pays ont envoyé des centaines de tonnes de nourriture à Niamey, mais ici nous ne voyon s rien venir !, s'indigne une mère de famille de Maradi. On dit même que le riz offert par le Japon aurait été revendu au Nigeria."
S'il est, comme toujours en état d'urgence, très difficile de contrôler le bon acheminement des aides internationales, on peut observer sur place que les efforts les plus intenses et les plus efficaces sont le fait d'ONG. Mais la situation reste préoccupante.
Les atermoiements du gouvernement nigérien pour alerter la communauté internationale, liés, en partie, à la rivalité et aux différences de tempérament du président Mamadou Tandja, réélu en décembre 2004, et de son premier ministre Hama Amadou, plus réactif il a fallu attendre la déclaration de politique générale de ce dernier, le 28 mai, pour qu'un "appel angoissé" soit enfin lancé ne sont pas étrangers à la prise en charge tardive d'une crise prévisible.
Le fait que les appels du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l'ONU, chiffrant les besoins de dons à 16 millions de dollars puis à 30 millions, en juin, n'aient pas recueilli d'écho immédiat auprès des bailleurs de fonds et donateurs explique aussi les retards pris dans la gestion de la catastrophe alimentaire dans ce pays sahélien où pénurie et malnutrition sont endémiques. Aujourd'hui, 3,5 millions de personnes sur une population totale de 11,5 millions sont concernées.
"On ne peut pas littéralement parler de famine, comme en Somalie, soulignent pourtant d'une même voix le docteur Mego Terzian, coordinateur de l'urgence à Maradi, et Johanne Sekkenes, chef de la mission MSF au Niger, car si, du fait des mauvaises récoltes de 2004, les greniers à mil se sont vidés, on trouve de la nourriture sur les marchés. Le problème c'est que par sa rareté, liée à certaines rétentions spéculatives, elle atteint des prix inaccessibles à la population (dont 63 % vivent sous le seuil de pauvreté)." Et ils ajoutent : "Dans ces conditions, il était inconséquent, voire criminel, de se contenter d'intensifier une stratégie de développement en mettant en vente des céréales à 'prix modérés', comme le préconisaient les agences de l'ONU. Il fallait basculer dans une logique d'urgence en organisant immédiatement des distributions gratuites." Le docteur Terzian va plus loin, en estimant que c'est l'accès payant aux soins, au nom du "recouvrement des coûts", qui est la première cause de la catastrophe actuelle. "Faute d'argent, les plus pauvres, qui sont souvent malades, ne se rendent pas dans les centres de santé. Nous voyons arriver chaque jour des enfants dans un état de malnutrition terriblement avancé et souvent accompagné de pathologies associées : déshydratation due aux diarrhées, infections des voix respiratoires, paludisme."
LOGIQUE NÉOLIBÉRALE
La logique néolibérale imposée au Niger par le Fonds monétaire international (FMI), l'Union européenne et d'autres organisations mondiales, et à laquelle sont subordonnées la plupart des aides, n'arrange rien. A peine réélu, le président a ainsi dû instaurer une TVA de 19 % sur les denrées alimentaires de première nécessité. Dans le même état d'esprit, les banques céréalières locales qui servaient naguère de recours en cas de disette en évitant la spéculation liée à la pénurie ont été mises en sommeil.
Enfin, certaines réalités
sociologiques sont à prendre en compte. Au Niger, où la
religion musulmane domine, la polygamie est encore en usage et le
contrôle des naissances loin d'être encouragé. La natalité
atteint des taux records (7,5 enfants en moyenne par femme) de
même que la mortalité infantile, un enfant sur quatre meurt
avant l'âge de 5 ans. Dans cette situation d'extrême
fragilité, le moindre dérèglement de la production agricole,
qui occupe 70 % de la population, est tragique.
R. B.
"Personne n'a
écouté" l'ONU
Avant de s'envoler pour Maradi, au Niger, avec 18 tonnes d'aide
alimentaire à bord d'un avion affrété par son association,
Réunir, l'ancien ministre de la santé Bernard Kouchner a
déploré, vendredi 29 juillet, que la mise en garde de l'ONU, en
2004, contre un risque de famine au Niger n'ait pas été
écoutée : "Personne n'a entendu. Comme d'habitude, on
pense que les Africains sont pauvres et qu'il est normal que les
pauvres meurent de faim. Tout ça est dans la logique et on ne
fait rien" , a-t-il déclaré. "L'aide
s'accroît, la France envoie son ministre des affaires
étrangères, c'est une grande première." Et de
conclure : "Les ONG travaillent toujours plus vite que
les Etats." (AFP.)
Article paru dans l'édition du 31.07.05
Maradi (Niger), Dimanche, 31
Juillet July 2005
Actualité internationale et africaine de sangonet