Sommet France-Afrique : XXII ème Conférence des Chefs d'État d'Afrique et de France (Paris, 19-21 février 2003)
Le gouvernement ivoirien réplique sur
les "escadrons de la mort" (22 février 2003)
Jacques Chirac défend une
"nouvelle vision" des relations franco-africaines (21 février
2003)
L'Irak en invité surprise du
sommet Afrique-France (21 février 2003)
Chirac brandit le spectre de la CPI
dans la crise ivoirienne (20 février 2003)
Discours d'ouverture de Jacques
Chirac au XXIIe Sommet France-Afrique, Paris, 2003
Jacques Chirac : « Le temps de
l’impunité est terminé »
Ouverture à Paris de la 22ème conférence France-Afrique
PARIS (AFP), jeudi 20 février 2003, 7h31 - Le 22ème sommet France-Afrique s'ouvre aujourd'hui à Paris, en présence de quelque 45 chefs d'Etat des 53 pays du continent africain.
Officiellement, ce sommet est consacré aux "nouveaux partenariats" entre la France et l'Afrique et l'ordre du jour prévoit, entre autres, des interventions sur les organisations régionales, le développement agricole, l'eau et la protection des ressources naturelles...
Le sommet devrait surtout être marqué par les habituelles rencontres discrètes, souvent bilatérales, sur des thèmes imposés par l'actualité, tels les crises en Côte d'Ivoire, en République centrafricaine, ou les menaces de guerre en Irak.
Souvent brocardée par le passé pour ne réunir que les anciennes colonies africaines de la France, la "kermesse de la Françafrique" rassemble maintenant l'ensemble des pays d'Afrique, à l'exception de la Somalie privée de gouvernement depuis 1991.
La venue à Paris du zimbabwéen Robert Mugabe, mis au ban du Commonwealth comme de l'Union européenne, a suscité plusieurs manifestations mercredi, alors que s'ouvrait à huis-clos au palais des congrès de la porte Maillot (ouest de Paris) la réunion ministérielle préparatoire au sommet.
Le grand absent sera Laurent Gbagbo, président d'une Côte d'Ivoire scindée par la rébellion et où la France a envoyé quelque trois mille hommes pour protéger ses ressortissants et empêcher toute avancée de la rébellion du nord et de l'ouest.
Après l'ouverture solennelle du sommet jeudi matin, en présence de l'hôte Jacques Chirac -qui a déjà rencontré mercredi soir une brochette de chefs d'Etat-, les travaux se poursuivront à huis-clos avec un discours du président sud-africain, Thabo Mbeki, président de l'Union Africaine sur le thème "paix et sécurité".
Le sommet s'achèvera vendredi.
Liste des participants au 22e Sommet France-Afrique à Paris
Dans
l'attente du sommet France-Afrique
19 Février 2003 -
l'Humanité - International
Côte d'Ivoire. Gbagbo ne viendra pas à Paris. Le MPCI fait le tour des capitales ouest-africaines. Reprise des violences à la frontière libérienne.
Le président ivoirien ne participera pas personnellement au sommet France-Afrique, qui se tient à Paris cette semaine, " en raison de la situation de guerre que traverse le pays ". La Côte d'Ivoire sera néanmoins présente par une délégation constituée du nouveau premier ministre, Seydou Diarra, et du ministre des Affaires étrangères sortant, Abou Drahamane Sangaré.
Cette annonce dément les rumeurs qui ont couru Paris la semaine dernière, colportées notamment par le sénateur des Français de l'étranger, Guy Penne, et contredit les propos du ministre Dominique de Villepin qui, dimanche, déclarait : " Nous voulons croire que le président Gbagbo pourra venir, nous souhaitons qu'il vienne, car en politique, comme en diplomatie, la volonté c'est la clé. " Une insistance qui contraste avec la relative discrétion du gouvernement français dans la dernière période, celle ayant suivi le sommet des chefs d'Etat de l'avenue Kléber, censé entériner l'accord de Marcoussis, mais qui avait en fait allumé de nouvelles mèches en prétendant décider de la composition du gouvernement de réconciliation nationale toujours en attente.
Plus de trois semaines après sa nomination, le premier ministre, Seydou Diarra, n'a pas réussi à constituer ce gouvernement. Sa formation achoppe sur la participation des rebelles, qui réclament toujours les portefeuilles de la Défense et de l'Intérieur qu'ils affirment avoir obtenus à Paris. Le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), le plus ancien et le plus important mouvement rebelle, avait averti le 9 février qu'il ne se considérerait " plus lié par quoi que ce soit " et " avancerait sur Abidjan " si l'accord inter-ivoirien signé à Marcoussis le 24 janvier ne commençait pas à être appliqué dans la semaine. Plusieurs responsables du MPCI ont toutefois annoncé une prolongation de la trêve, préférant dans l'immédiat " l'offensive diplomatique " en direction de capitales ouest-africaines, dans l'attente de la conclusion du sommet de Paris, où la crise ivoirienne devrait constituer un des principaux sujets à l'ordre du jour.
Première étape de cette campagne " d'explication " du MPCI, son secrétaire général, Guillaume Soro, a eu dimanche à Abuja un entretien avec le président nigérian, Olusegun Obasanjo. Avant de se rendre dans la capitale voisine du Niger, Niamey. Selon une source rebelle, Ouagadougou (Burkina), Cotonou (Bénin), Dakar (Sénégal) et Bamako (Mali) figurent également au programme de cette tournée. Avant l'envoi d'une délégation en France.
Y a-t-il désaccord ou répartition des rôles au sein de la rébellion, le MPCI se réservant une image de diplomate, tandis que les deux autres mouvements continuent de faire monter la pression sur le terrain ? Les combats ont repris en ce début de semaine dans l'ouest, à proximité de la frontière libérienne. Ouvertement soutenus par le président dictateur Charles Taylor, le MPIGO et le MJP semblent décidés à refaire parler la poudre, l'objectif visé étant sans doute San Pedro, principal port pour le cacao, première ressource du pays. Il leur est même arrivé de reprocher au MPCI ses " débats trop intellectuels " (sic) et de risquer de se retrouver " roulé dans la farine " par Laurent Gbagbo.
Selon Carolyn McAskie, envoyée spéciale de Kofi Annan, la situation dans cette partie du territoire est devenue dramatique. Frappées par des épidémies, les populations - ivoiriennes et non ivoiriennes - y sont livrées aux enfants soldats inspirés du " modèle " libérien (ou venus directement de l'autre côté de la frontière), ceux décrits par Ahmadou Kourouma dans son roman, Allah n'est pas obligé. Des " jeunes gens drogués et armés, qui se livrent à toutes les atrocités possibles ", pour reprendre les termes de l'enquêtrice de l'ONU.
Jean Chatain
Le sommet à
Paris d'une France-Afrique en crise
(LE MONDE | 19.02.03 | 13h05)
En l'absence de l'Ivoirien Laurent Gbagbo, mais en présence du Zimbabwéen Robert Mugabe, 52 pays africains se réunissent, jeudi et vendredi, autour de Jacques Chirac, dont le volontarisme pour un "nouveau partenariat" se heurte aux réalités du continent.
A un moment où, dans le concert des nations, chacun est attentif aux tonalités augmentant les risques de guerre ou les chances de la paix face à l'Irak, que peut-on faire d'un tam-tam africain ? C'est la question à laquelle auront à répondre les 54 participants, dont 37 chefs d'Etat, du XXIIe sommet France-Afrique qui doit s'ouvrir, jeudi 20 février, au Palais des congrès à Paris.
Pour l'Afrique, bien qu'elle représente un bon quart des Etats membres des Nations unies, la réponse n'est pas évidente, tant le continent - qui compte pour moins de 5 % dans les échanges commerciaux - est marginalisé sur la scène internationale. Pour la France de Jacques Chirac, héraut d'une politique de réengagement en Afrique depuis sa réélection, c'est un casse-tête : comment adhérer à l'enthousiasme du thème du sommet, "L'Afrique et la France, ensemble dans le nouveau partenariat", quand la Côte d'Ivoire, après l'Irak la deuxième préoccupation majeure de la diplomatie française depuis cinq mois, est toujours au bord du précipice, malgré toutes les visites de Dominique de Villepin et la présence de 3 000 soldats de la paix français ? Le président ivoirien ne juge pas même utile de venir à Paris. Un "nouveau partenariat", sans Laurent Gbagbo mais, primus inter pares de toute une brochette de dictateurs, avec Robert Mugabe, le despote du Zimbabwe ?
Dans la meilleure des hypothèses, les protagonistes ivoiriens auront l'obligeance de ne pas parasiter le sommet. C'est l'engagement pris par les rebelles qui, après trois semaines de vaine attente d'un "gouvernement de réconciliation nationale" dont ils devaient faire partie, se sont lancés dans une... "offensive diplomatique" dans les capitales ouest-africaines. Encore a-t-il fallu les dissuader de venir à Paris assister au sommet en lieu et place de Laurent Gbagbo. Celui-ci, à la dernière minute, a demandé à ses "jeunes patriotes", qui comptaient organiser, ce mercredi, un sit-in autour de la base militaire française à Abidjan, de bien vouloir "suspendre" leur provocation.
Faut-il reprocher à la France qu'il était plus facile, hier, d'être le gendarme de l'Afrique qu'il ne l'est, aujourd'hui, d'en être le gardien de la paix ? Autocritique, le chef de l'Etat sud-africain Thabo Mbeki, qui préside actuellement aussi l'Union africaine (UA) et le Mouvement des non-alignés, a mis en évidence "l'échec africain", expliquant : "C'est justement à cause de cet échec africain que la France est intervenue militairement, politiquement et diplomatiquement pour aider la Côte d'Ivoire vers la paix. Et, pourtant, cette crise est précisément le type de défi qui requiert des solutions africaines."
"STABILITÉ" MALGACHE
Que "la capacité de l'ancienne puissance coloniale dépasse celle des Africains indépendants, quand il s'agit de résoudre les problèmes des anciens colonisés", comme l'a encore constaté Thabo Mbeki, est de nouveau illustré à Paris. Presque deux fois plus de chefs d'Etat africains auront fait le déplacement dans la capitale française qu'au début du mois à Addis Abeba, où s'est tenu un sommet extraordinaire de l'Union africaine. Il est vrai qu'en pleine crise du continent, dont la moitié des pays est impliquée dans des conflits interétatiques ou des guerres civiles, la nouvelle organisation panafricaine s'est consacrée à l'amendement de son acte constitutif, tout juste vieux de sept mois...
A Paris, parmi les nombreux participants, on relèvera la présence des chefs d'Etat rwandais et malgache, Paul Kagamé et Marc Ravalomanana. Le général-président rwandais, neuf ans après le génocide pour lequel il impute une responsabilité particulière à la France, assiste pour la première fois à la grand-messe franco-africaine. A l'approche d'échéances électorales, fixées pour cette année, il a donné de nombreux gages à la majorité hutue, au point de devoir faire face au vif mécontentement d'anciens proches, dont plusieurs viennent d'être arrêtés ou placés en résidence surveillée à Kigali. Et de nouveaux problèmes pourraient lui venir de France : le juge Bruguière a bouclé son enquête au long cours sur l'attentat contre l'avion de l'ancien président Habyarimana, le 6 avril 1994, l'événement qui a déclenché le génocide. Ses conclusions engageraient la responsabilité personnelle de l'ex-chef rebelle Paul Kagamé.
La venue du Malgache Marc Ravalomanana, qu'on disait longtemps mal aimé à Paris, consacre un succès, en termes de résolution de crises, de la nouvelle politique africaine. La Grande Ile a "retrouvé la stabilité", s'est félicité le ministre délégué à la coopération, Pierre-André Wiltzer, qui vient de se rendre à Antananarivo. Sept mois après la visite de Dominique de Villepin, "les relations bilatérales sont bonnes et la coopération a pleinement repris", souligne un responsable à Paris, selon lequel "le cas malgache montre qu'on peut changer de régime dans le respect de la légalité, avec une prime des bailleurs de fonds".
A cette sagesse, le président togolais, au pouvoir depuis trente-six ans et candidat à sa réélection dans des conditions discutables, ne semble pas accéder. Le général Gnassingbé Eyadéma devait être reçu en tête-à-tête par Jacques Chirac, mercredi, avant le dîner des "amis" de la France qui précède traditionnellement l'ouverture du sommet. Celle-ci aura lieu jeudi dans la matinée. Le sommet doit s'achever vendredi, à la mi-journée.
Stephen Smith
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Le contre-sommet des contestataires
A l'initiative de deux ONG, Agir ici et Survie, "un autre sommet pour l'Afrique" se déroule, mercredi 19 et jeudi 20 février, à l'auditorium de l'Hôtel de Ville de Paris. Conçu pour "donner la parole à une pluralité d'acteurs des relations franco-africaines", il rassemble des musiciens, écrivains, chercheurs, militants associatifs ou simples citoyens, selon le communiqué des organisateurs, pourfendeurs de la "Françafrique". Des conférences-débats sont consacrées au Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (Nepad), la justice pénale internationale, les responsabilités françaises dans la dette africaine, le jeu des multinationales sur le continent, les conséquences de la libéralisation des services en Afrique et la lutte contre le sida.
Mercredi soir, une "manifestation de soutien aux peuples africains" est prévue à la place de la République. Mardi, à l'initiative de plusieurs organisations des droits de l'homme, une protestation contre les "dictateurs" invités à Paris et en faveur de la justice pour leurs victimes n'a attiré au Champ-de-Mars, face au mur de la Paix, que quelques dizaines de militants. - (AFP.)
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 20.02.03